Deux personnes sont décédées et au moins 90 autres ont été blessées dans l’explosion, dimanche soir, d’une grenade dans un stade d’Antananarivo, la capitale de Madagascar, lors d’un concert gratuit organisé pour la 56e fête de l’indépendance du pays. L’indicent, qualifié d'”acte de terrorisme” par le président malgache, survient dans un contexte politique très tendu et malgré un dispositif de sécurité important.
Depuis plusieurs jours, le gouvernement et plusieurs médias avaient fait état de possibles tentatives de “déstabilisation” de la traditionnelle fête du 26 juin. Jeudi dernier, le sénateur Lylison René de Rolland, un proche d’Andry Rajoelina (le prédécesseur et principal opposant du président actuel, Hery Rajaonarimampianina) avait diffusé une vidéo sur YouTube pour réitérer son appel à une “ville morte” pour protester contre “la mauvaise gouvernance du pays” .
Une vidéo a fait monter la pression d’un cran dans le pays, d’autant que Lylison René de Rolland est sous le coup d’un mandat d’arrêt pour “atteinte à la sûreté de l’État” depuis un mois pour avoir multiplié les appels à la ville morte, et reste introuvable. Début juin, une partie des formations politiques de l’opposition malgache avait déjà appelé les députés à voter une motion de déchéance du président et l’organisation d’un scrutin présidentiel anticipé.
Le dernier concert allait commencer, il était 19 h. Je devais annoncer la dernière artiste quand j’ai entendu un énorme bruit. J’ai d’abord cru que la sono avait explosé avant de réaliser que des gens étaient tombés au sol, à quelques mètres de la scène. La foule est partie en courant. Les secours et les militaires ont mis quinze minutes à arriver. Depuis le matin, les organisateurs et les forces de sécurité étaient très tendus. Le matin, une bombe lacrymogène avait été retrouvée à quelques mètres du stade. Nous avions pour consigne de terminer la soirée autour de 18 h, l’heure à laquelle le soleil se couche, pour éviter les débordements. Mais les artistes ont pris du retard.
Pour moi, cette grenade ne visait pas les officiels ou les membres du gouvernement. Une délégation conduite par le président s’était rendue à la fête, mais ils ont quitté les lieux une trentaine de minutes avant l’explosion.
Dans la foule qui était visée, il y avait surtout des enfants et des adolescents [les deux victimes décédées seraient des adolescents de 16 et 18 ans selon la gendarmerie, NDLR]. En plus, il s’agissait d’une fête gratuite, dans un stade municipal : ce genre d’événements rassemble surtout les habitants des quartiers populaires.
« Quand la grenade a été lancée, j’étais dans les loges, à quelques mètres de la scène. Je regardais le spectacle quand tout à coup, il y a une forte détonation. Un objet venait d’être lancé devant la scène, parmi les spectateurs. D’après ce que j’ai vu, la personne qui l’a jeté était dans les tribunes derrière la scène. J’ai vu plusieurs personnes à terre dont une fille qui avait l’air inerte. Maintenant, c’est l’incompréhension qui règne. Comment quelqu’un a-t-il pu faire entrer une grenade dans le stade ? Nous avions pourtant tous été fouillés minutieusement à notre arrivée.
Dans la matinée du 26 juin, d’autres personnes possédant des explosifs avaient été appréhendées par les forces de l’ordre autour du stade, où avait lieu le défilé militaire », selon un communiqué de la présidence de Madagascar.
Dans ce même communiqué, le président de la République accuse ses adversaires politiques d’être derrière l’explosion. Il condamne notamment “ceux qui, pour des raisons politiques, utilisent la violence aveugle”. Une accusation jugée “trop facile” par le député Guy Rivo Randroanarisoa, partisan de l’ex-président Andy Rajoelina.
Le dernier incident du genre à Madagascar remontait au 25 janvier 2014. L’explosion d’une grenade, devant le même stade, avait fait un mort et plusieurs blessés. L’auteur n’avait jamais été arrêté et les circonstances de cet acte n’ont toujours pas été élucidées.
France24