La mémoire sur l’esclavage a été pendant longtemps «contemplative et émotionnelle». C’est pour dépasser ce stade que le projet de construction d’une vision nouvelle des sites historiques de l’esclavage au 21e siècle est mis en place. Il s’agit, selon le président du conseil de la coalition internationale des sites de conscience, Doudou Diène, de faire de ces lieux de mémoire des endroits où le visiteur repart avec une connaissance objective de la tragédie de la traite des esclaves, non émotionnel, non idéologique. «C’est de savoir qu’est-ce qui s’est passé ? Où ? Comment cela est arrivé ? Que les lieux de mémoire aient des centres de documentation, d’archivage», indique M. Diène ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines de racisme. Il s’exprimait hier lors de l’ouverture d’un forum à Gorée sur le thème «Construire une vision nouvelle des sites historiques de l’esclavage au 21e siècle». La Maison des esclaves de Gorée sera le premier site, par sa symbolique par rapport aux autres sites du continent, à être réhabilitée sans altérer son identité profonde. Les travaux, sur une durée de trois ans qui vont démarrer bientôt, assure le ministre de la Culture et de la Communication Mbagnick Ndiaye, permettront à ce lieu de mémoire d’avoir un centre de documentation. Elle sera ainsi dotée d’un espace de connaissance de la tragédie et abritera des expositions permanentes. Car font savoir les chercheurs, «la question de l’esclavage n’est pas simplement historique, elle est aussi intellectuelle et artistique». Cela donnera une base scientifique à ce site de l’esclavage promu à travers le monde par le défunt conservateur Boubacar joseph Ndiaye. Pour le maire de Gorée, ce projet porté par les populations de l’île doit donner un nouvel élan à cette Maison qui n’a pas été considérée à sa juste valeur. Aujourd’hui, il faut porter la réflexion à partir de Gorée vers les autres sites historiques. Cette revitalisation est plus importante, souligne l’historien Ibrahima Thioub, par ailleurs recteur de l’Université Cheikh Anta Diop. Car si Gorée est connu comme lieu de mémoire de la traite atlantique des captifs, sa fonction pédagogique l’est moins. Il importe aujourd’hui, selon lui, de le préserver et de l’élargir puisque la transmission sélective est vitale à toute mémoire. Donnant une preuve de cette volonté manifeste d’effacer la mémoire de l’esclavage dans un monde contemporain globalisé, Jacques Martial de Mémoire Acte a effectué une recherche sur la vierge noire dans le moteur de recherche Google, mais en vain. Pour lui, cela prouve déjà le grand défi à relever pour la réécriture de la mémoire africaine.
WALF