Le décret d’application de la loi de mars 2014 portant sur le conditionnement, l’étiquetage et la commercialisation du tabac et de ses produits dérivés a été adopté en avril en Conseil des ministres. Mais force est de constater que ce texte réglementaire n’est pas encore signé par le chef de l’Etat et publié dans le journal officiel de l’Etat.
Des acteurs anonymes de la lutte contre le tabagisme interpellés, hier, par Walf Quotidien, invoquent les raisons qui retardent la signature du décret de la loi anti-tabac. En effet, soulignent-ils, «ce décret est encore dans le pipeline de la Présidence parce que sa signature est synonyme de faillite de sociétés de tabac que l’Etat, dont il est la personne morale, a convaincues de venir s’installer au Sénégal». Parmi celles-ci, Philip Morris qui détient environ 40 % du marché national que la loi antitabac qui pourraient engager un procès contre l’Etat du Sénégal qui lui avait donné les garanties d’un environnement des affaires propice au développement de ses activités. «Macky est dans une situation inconfortable à vouloir déconstruire ce qui a été construit par l’Etat au gré de l’industrie du tabac. Surtout que l’application effective de cette loi à travers ce décret pourrait créer des pertes d’emplois», analyse nos sources.
Elles rappellent que les politiques antitabac très avancées mises en œuvre dans les pays développés ont causé d’énormes pertes de marché à l’industrie du tabac qui s’est vue obliger, pour combler le manque à gagner, de développer ses activités dans les pays les plus pauvres du monde. Lesquels se caractérisaient par un manque de législation. Entre autres industries, Philip Morris qui a pris l’option de pénétrer le marché de l’Afrique au Sud du Sahara en passant par le Sénégal qu’elle utilise comme porte d’entrée. Avec le régime passé, l’option en matière de lutte antitabac n’allait pas dans le sens de gêner l’industrie du tabac. En atteste que c’est l’Etat qui a démarché l’arrivée au Sénégal en 2009 de cette société de tabac qui a été inaugurée par le Premier ministre de l’époque, Souleymane Ndéné Ndiaye. Dans le cadre de la recherche d’investissements étrangers directs, l’Agence nationale chargée de la promotion des investissements et des grands travaux de l’Etat (Apix) a négocié avec beaucoup de structures qui voulaient s’installer au Sénégal dont Philip Morris.
Malgré le renforcement de la volonté politique de l’Etat avec l’adoption d’une législation antitabac suffisamment forte selon les acteurs pour pouvoir donner des résultats tangibles, nombre d’acteurs de la lutte antitabac manifestent leur impatience à voir ce gros décret d’application paraître dans le journal officiel de l’Etat. «La loi antitabac votée a déjà force de loi. Mais, on ne peut pas appliquer certaines de ses dispositions que lorsque le décret sera signé et publié dans le journal officiel», expliquent ces derniers. Aujourd’hui encore, rien ne semble indiquer qu’une loi antitabac, plus contraignante que la première adoptée en 1981, a été votée au Sénégal, signalent nos interlocuteurs qui accusent le lobbying des sociétés de tabac.
Abdoulaye SIDY