Le 14 mai 2016, s’est tenu à Abuja un sommet sur la sécurité régionale portant sur un bilan de la lutte contre Boko Haram dont les exactions ont fait, depuis 2009, près de 20 000 morts et contraint à l’exil près de 2 600 000 personnes.
Onze pays du continent étaient représentés aux côtés du président français, du secrétaire d’Etat adjoint américain et du chef de la diplomatie britannique. Les participants ont salué les actions militaires menées autour du Lac Tchad qui se sont traduites par le recul, puis par le confinement de la secte dans une portion de la forêt de Sambisa (nord-est du Nigeria).
Malgré ce succès, ils ont invité les pays concernés à rester vigilants, et ont également abordé le drame humanitaire qui s’en est suivi et préconisé des actions concrètes. Enfin, chose importante, ils ont appelé à mener des réflexions profondes pour combattre le mal par la racine, c’est-à-dire essayer de comprendre, outre l’enrôlement forcé, l’engouement des jeunes pour la secte. En d’autres termes, la jonction avec certains aspects des conclusions du dernier «Sommet sur la paix et la sécurité en Afrique» à Dakar, pointant «l’extrême pauvreté» et «fragilité psychologique» des jeunes combattants de Boko Haram, a été faite.
En définitive, il faut encourager l’initiative de la jonction des armées africaines dont les résultats (recul de Boko Haram) ne peuvent que donner raison à ceux ou celles qui appelaient (dans les différentes rencontres sur la sécurité) à sa constitution pour permettre au continent de faire face à ses propres déchirures. II faut le dire : l’échec contre Boko Haram pourrait transformer toute notre sous-région, telle une cellule cancéreuse, en une dangereuse métastase (prolifération des cellules malades) géopolitique. La solidarité entre Etats est un devoir. Comme l’illustre cette belle histoire du sage Amadou Hampaté Bâ, parlante à plus d’un titre : «II y a longtemps de cela, deux lézards se battaient dans une hutte dont les occupants dormaient. En ces temps-là, les animaux parlaient aux hommes. On a avisé le mouton dans l’enclôt, pour qu’il vienne les séparer. II répondit, de façon détachée : «Bah, ils se tiendront tranquilles lorsqu’ils seront fatigués». Quelques minutes plus tard, la bagarre ne s’est point arrêtée. On alerta le bœuf, mais il dit qu’il était en train de ruminer après avoir beaucoup brouté dans la journée. Toujours pas de répit. On interpella le cheval, celui-ci rétorqua qu’il était trop fatigué d’avoir aidé à transporter les récoltes au marché situé à la grande place du village. Finalement, les deux belligérants (dans leur empoignade) tombent malencontreusement dans le petit feu qui chauffait l’habitation. Une des braises heurte les murs en paille qui s’enflamment aussitôt. Le feu consuma rapidement la hutte. Les propriétaires perdirent la vie. Le premier jour, le mouton fut immolé pour les parents et voisins qui commençaient à affluer. Le cheval fut ensuite mis en contribution par l’entourage des défunts pour sillonner la contrée et annoncer la triste nouvelle. Le jour des obsèques, le bœuf fut tué pour la circonstance. Quelques jours plus tard, le cheval meurt, suite à une fatigue consécutive à ses longues et harassantes pérégrinations».
La moralité de l’histoire se tire d’elle-même. Lorsque la case de ton voisin brûle, va lui prêter main-forte. II faut toujours cultiver l’esprit de solidarité et une stratégie anticipative susceptibles de vous mettre à l’abri des situations fâcheuses. Avoir une vision politique, c’est aussi savoir anticiper. En un certain sens, c’est ce qui fait la force d’un leader. Notre continent en a besoin.
Ndiakhat NGOM
Professeur de philosophie et de sciences politiques