Les acteurs de la société civile décèlent une véritable nébuleuse dans les subventions agricoles au Sénégal. Selon eux, ces subventions données par les partenaires techniques et financiers du Sénégal se perdent dans la plupart des cas.Et, ce sont les entrepreneurs et autres opérateurs économiques qui en sont les principaux bénéficiaires au détriment des agriculteurs. Une situation qu’ils ont vigoureusement dénoncée, hier, lors de la table ronde de concertation sur les subventions agricoles et la convention de financement du programme d’accompagnement aux initiatives citoyennes de la société civile.
Le président du Conseil des organisations non gouvernementales d’appui au développement (Congad), Amacodou Diouf, a relevé que les populations agricoles ne ressentent pas les effets des subventions. Ce, dit-il, au regard de la faiblesse de leurs revenus et le caractère complémentaire qu’exige la nature de la vente des équipements ou des intrants. A l’en croire, les subventions agricoles ne devraient pas promouvoir une classe d’intermédiaires et de courtiers dans la chaîne de commercialisation. Il estime que le modèle de subventions en vigueur dans le pays est injuste, anti-démocratique et impopulaire. «L’exportation de l’arachide subventionnée n’est pas un bon indicateur de performance d’une politique agricole telle que la nôtre. Cela est une contre-performance et la liquidation d’un pan important de notre industrie», a-t-il dénoncé, faisant référence à l’intervention des chinois dans la commercialisation de l’arachide. Pour M. Diouf, il est important de revenir sur le fondement des échanges et de revoir le principe de subvention de notre agriculture dans un contexte de compétition ouverte, mondialisée sous le joug de l’Organisation mondiale du commerce (Omc). Mais aussi d’analyser profondément la finalité des subventions dans un contexte de pauvreté et de capacités financières précaires, instables, du seul Etat qui en ait le principal acteur direct et indirect. Le président du Congad préconise une révision du caractère de la subvention dans la survie de la filière et non la forte promotion d’opérations coup de poing à caractère politicien, économiquement non viable.
Dans la même lancée, Oumar Bâ, vice-président de l’Association des maires du Sénégal soutient que les subventions en matière de semences et d’intrants profitent plus aux entrepreneurs et aux opérateurs économiques qu’aux agriculteurs et paysans à la base. «Il n’y a pas un impact direct. Il y a une situation de pauvreté qui fait que l’agriculteur n’a pas suffisamment de moyens pour acquérir autant d’engrais. S’il lui faut 150 kg, peut-être, il va acquérir 50 kg pour les utiliser sur des surfaces qui ne sont pas adaptées. Donc, le rendement va être le même. Et, on n’atteindra pas les objectifs de production», dit-il.
Ces acteurs de la société civile estiment, en outre, qu’il faut réfléchir sur des mécanismes afin que les subventions agricoles puissent atteindre leurs cibles que sont les agriculteurs à la base.
Rappelons que le Programme d’accompagnement des initiatives citoyennes de la société civile (Paisc), financé par l’Union européenne à hauteur de 3 milliards francs Cfa devra favoriser l’implication citoyenne dans la gouvernance de l’action publique dans les secteurs clés du développement.
Venu représenter le ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural à cette rencontre, le conseiller technique Youssoupha Diallo a précisé qu’aucune agriculture au monde ne s’est développée sans subventions. D’ailleurs, il a rappelé que l’agriculture des pays développés est la plus subventionnée au monde. A l’en croire, les pays du Nord subventionnent leur agriculture pour préserver la compétitivité globale de leurs économies. Ainsi, renseigne-t-il, la problématique des économies développées et ceux des pays en voie de développement comme le Sénégal est diamétralement opposée.
Pour lui, au Sénégal, les intermédiaires ne touchent qu’entre 20 et 30 % de la subvention et que les 70 % vont aux agriculteurs.
L’Etat prévoit de mobiliser environ 25 milliards et 7 autres milliards par le programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest afin de mettre à la disposition des agriculteurs sénégalais 50 mille tonnes de semences certifiées, 25 mille tonnes de semences écrémées et 94 mille tonnes d’engrais pour la campagne agricole 2016-2017. En ce qui concerne le matériel agricole, il compte distribuer 20 mille unités et 2 mille tracteurs pour un coût global de 80 milliards de francs.
WALF