Il y a cinq ans, Laurent Gbagbo, son épouse Simone, son fils Michel et quelques-uns de ses compagnons étaient arrêtés dans le sous-sol de son palais par des éléments de la rébellion dirigée par Guillaume Soro.
Cette arrestation, reconnaissons-le, avait été facilitée par la France, dont les forces présentes dans le pays avaient détruit les armes lourdes qui protégeaient la résidence de Laurent Gbagbo.
Il n’en fallut pas plus pour que les partisans de celui qui dirigea la Côte d’Ivoire pendant dix ans le présentent comme la dernière victime de la Françafrique, comme celui qui est neutralisé parce qu’il a refusé de servir les intérêts de la France, parce qu’il a défendu la souveraineté de son pays.
Comment en est-on arrivé à ce 11 avril où un ancien président africain et des membres de sa famille étaient arrêtés dans le fracas des bombes ? Tout simplement parce que Laurent Gbagbo, que l’on pourrait considérer comme l’un des pères de la démocratie en Côte d’Ivoire, avait voulu en être le fossoyeur.
Battu régulièrement à l’élection présidentielle, il avait refusé de le reconnaitre et avait tenté de confisquer le pouvoir par la force, entrainant ainsi son pays dans une spirale de violence qui aurait pu déboucher sur une guerre dévastatrice.
Nous sommes nombreux à avoir été témoins de cette histoire, même si certains tentent aujourd’hui de la falsifier. En octobre et novembre 2010, l’élection présidentielle ivoirienne se déroula devant le monde entier.
A cause de la crise que vivait la Côte d’Ivoire depuis 2002, des journalistes de tous les continents et des observateurs de toutes les organisations régionales et internationales avaient pour ainsi dire envahi le pays.
C’est sous leurs yeux que Laurent Gbagbo arriva en tête du premier tour, après la certification des résultats par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies.
C’est sous leurs yeux que le dénommé Damana Pickass, représentant de Laurent Gbagbo au sein de Commission Electorale Indépendante (CEI), arracha les feuilles des mains du porte-parole de cette Commission qui s’apprêtait à donner les résultats du second tour.
Lorsque le président de la CEI finit par donner les résultats qui donnaient M. Alassane Ouattara vainqueur avec 54,10% des voix contre 45,90 pour Laurent Gbagbo, le président du Conseil Constitutionnel se précipita aussitôt à la télévision pour les contester.
Et le lendemain, sans s’être donné la peine de faire semblant de mener des enquêtes, il proclama Laurent Gbagbo vainqueur avec 51,45% des voix contre 48,55 à son adversaire, après avoir éliminé les résultats de neuf départements dans le nord du pays.
Il invoqua pour cela des fraudes qu’il fut le seul à avoir observé depuis son bureau, puisque les rapports des préfets nommés par Laurent Gbagbo et ceux de tous les observateurs dans cette partie du pays concluaient à une élection sans histoire particulière, en dehors d’incidents mineurs.
Le jour même, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies livra ses résultats qui donnaient M. Ouattara gagnant.
On a beaucoup glosé sur les rôles du président du Conseil Constitutionnel et du Représentant du Secrétaire général des Nations unies.
Rappelons qu’entre les proclamations des résultats par les uns et les autres, et le 11 avril 2011, les Commissions de la CEDEAO et de l’Union africaine, le Conseil de sécurité des Nations unies ainsi que de nombreux chefs d’Etats africains, parmi lesquels des amis de Laurent Gbagbo, ont écouté toutes les parties, consulté tous les documents qu’ils ont eu envie de voir, et ont tous conclu en la victoire de M. Alassane Ouattara.
D’où venait-il donc que M. Laurent Gbagbo pense qu’il pouvait avoir raison contre le monde entier ? Ne l’oublions pas, son entêtement à vouloir conserver coûte que coûte le pouvoir a coûté la vie à quelques 3000 personnes.
D’où vient-il que certains Africains veuillent voir en Gbagbo un héros de la lutte anticoloniale, un panafricaniste, un combattant pour la dignité de son peuple ? Quand bien même il serait tout cela, en quoi était-il dispensé de respecter la volonté de son peuple ?
Il est vrai que pour certains Africains, quiconque s’oppose à la France ou est combattu par elle devient automatiquement un héros. Mais en Côte d’Ivoire, la France a contribué à faire respecter le choix du peuple et à éviter une guerre qui aurait pu ravager toute la région.
Aujourd’hui Gbagbo est en train d’être jugé à la Cour pénale internationale et cela est une bonne chose. Parce que depuis qu’il est détenu à la Haye, toutes les élections se sont déroulées sur notre continent sans aucune violence.
Même lorsque des cas de fraudes sont révélés, personne n’appelle plus le peuple à descendre dans les rues.
Parce que chacun sait désormais qu’il rendra compte s’il y a des morts. Alors, Gbagbo victime de la Françafrique ? Non, il est seulement victime de ses propres turpitudes et de son goût immodéré pour le pouvoir.
Par Venance Konan