«Le Sénégal vient d’accorder l’asile à deux détenus du célèbre camp de Guantanamo. Et a même reçu, à cet effet, les remerciements du gouvernent des Etats-unis. Le ministre de l’Intérieur, lui, parle de transfert et les défend en déclarant qu’ils ne sont pas des djihadistes. Il pousse la mansuétude à leur égard au point d’affirmer qu’il faudra même les assister… Cela dénote de tout le manque de respect de nos autorités pour l’opinion publique. En réalité, nous avons à faire avec Salem Abdou Salam Ghereby : celui-là qui est un combattant islamiste de la frange libyenne. Il a été arrêté en Afghanistan en zone opérationnelle. Il est classé, par les services de renseignement américain, comme un individu très dangereux et à haut risque. En 12 ans de détention, il n’a pas coopéré, malgré les méthodes de Guantanamo, d’où le peu d’intérêt des Américains pour lui.
Cependant, c’est un logisticien et expert en explosif. En plus, il organise les recrutements et déplacements de combattant. C’est un prédicateur qui enseigne, en même temps, le Coran. Et dans ce domaine, tout commence par le discours. Il a combattu en Afghanistan, particulièrement à Tora Bora, ces montagnes qui abritaient Ben Laden et son état-major. Tora Bora reste toujours imprenable à cause de son relief particulier. Je ne m’attarderai pas sur les conditions de l’arrestation de Abdou Salam. Les enquêtes ont prouvé qu’il avait des liens étroits avec l’état-major d’Al-Qaïda.
Khalif Mouhamed Abou Bakr, quant à lui, est classé par les services de renseignement américain comme un individu a très haut risque sécuritaire et d’importance capitale en matière de renseignement. Il est à la fois instructeur, lui aussi, et fournisseur d’armes aux ordres de Ben Laden. Il a été capturé au combat en Afghanistan. Donc, dans la nomenclature américaine, ce sont des combattants. Voilà pour la vérité : noter que ces personnes ne sont pas acceptées dans leur propre pays d’origine. Notre fête de l’indépendance a été placée sous le sceau de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme. On ne comprend pas qu’au lendemain seulement, le président de la République et son ministre en charge de nos sécurités intérieures acceptent de semer, dans notre champ sécuritaire, les germes d’un réseau djihadiste dormant. Il est illusoire de penser que de tels combattants puissent renoncer à leur sacerdoce et à leur engagement, simplement parce qu’on les mettrait dans de bonnes conditions.
Nos autorités, par leur démarche cavalière et irresponsable, ont déjà engagé notre pays dans une coalition dirigée par l’Arabie Saoudite en guerre contre l’Etat islamique. Voilà que, de façon tout aussi cavalière, ils accordent l’asile à des djihadistes d’Al-Qaïda. Et ceci sans en référer à l’Assemblée nationale comme le stipule la Constitution. Au moment où on joue avec le renseignement dans ce pays (affaires Cheikh Alassane Sène, Cledor Sène…), où des imams sont incarcérés injustement pour apologie du terrorisme et après que le président de la République ait installé une psychose sécuritaire dans l’opinion par sa communication à outrance sur le terrorisme, alors les voilà en train de nous présenter des djihadistes comme des saints. Nos hommes politiques doivent prendre conscience que leur opinion publique est en avance sur eux. Et que nous sommes à l’ère du partage automatique de l’information et de son traitement. Sur support plus large, nous expliquerons clairement à l’opinion les motivations réelles qui sous-tendent cette démarche de l’Etat que je me garde de qualifier».
Clédor SENE