Aminata Touré avait, au lendemain des élections locales de juin 2014, quitté le Gouvernement sur la pointe des pieds. Bombardée envoyée spéciale du président de la République par la suite, l’ancien Premier ministre, remplissant visiblement cette coquille vide, ne manque pas de marcher sur les plates-bandes de Macky Sall.
Au lendemain de la nomination d’Aminata Touré au poste d’envoyée spéciale du président de la République, beaucoup s’étaient interrogés, tentant de cerner la signification et la pertinence de ce «machin», jusque-là, inconnu dans l’architecture administrative et institutionnelle de la République. Certains avaient bien voulu lire dans cette création de Macky Sall, une façon de caser une forte personnalité qui, ayant occupé l’une des plus hautes et prestigieuses fonctions de l’Etat, ne pouvait (ou ne voulait ?) se mettre sous les ordres d’un quelconque quidam. La question de ces observateurs était d’autant plus pertinente que rare ont été les fois où, sous le sceau officiel et la lanterne des médias, Aminata Touré a été spécialement envoyée par le chef de l’Etat pour une quelconque mission nationale ou internationale. Pourtant, elle est loin d’être inerte. Ses prises de position publiques sont sans ambiguïté. Sur bien des sujets tenant en haleine ses concitoyens, l’ancien Garde des Sceaux, ministre de la Justice, est monté au créneau, affichant la position tranchée de celui qui a le dernier mot. Interpellée, dernièrement, sur la traque qui porte son empreinte, elle observait, sans sourciller : «La traque des biens mal acquis va se poursuivre». Avant de prévenir ces anciens barons du défunt régime libéral qui frappent vigoureusement à la porte de la mouvance présidentielle : «Venir à l’Apr ou à Benno Bokk Yaakaar n’est pas un vaccin contre des poursuites judiciaires. Les gens ont le droit de militer là où ils veulent, mais cela n’est pas un vaccin pour ne pas répondre à une convocation de la justice». Seulement, dans cette posture, Aminata Touré ne manque pas de flétrir les ambitions du leader de l’Apr. Me Ousmane Ngom qui s’est dernièrement singularisé par une volonté inébranlable de rejoindre les pairies marron, n’a-t-il pas été conforté par Macky Sall qui lui a grandement ouvert les portes du Palais, en l’embarquant dans l’avion présidentiel alors que l’ancien ministre sous Abdoulaye Wade était interdit de sortir du territoire ? N’est-ce pas Macky Sall qui indiquait que la République avait besoin d’Ousmane Ngom ? En affichant une position aux antipodes des déclarations publiques de Macky Sall, Aminata Touré trace-t-elle sa voie ? Pour les détracteurs de l’ancien chef du Gouvernement, celui-ci n’est pas seulement un adepte des prises de positions publiques qui n’ont pas grand-chose à voir avec sa fonction officielle et qui égratignent la volonté du chef de l’Etat.
Miné par une guerre de positionnement, le Réseau des enseignants de l’Alliance pour la république (Apr) est en phase de voler en éclats. Pour les proches de son coordonnateur, c’est Aminata Touré qui aurait soufflé sur la braise qui est en train d’incendier leur regroupement. Face à la presse mercredi dernier, ces enseignants membres du parti présidentiel et proches du secrétaire d’Etat à l’Alphabétisation Youssou Touré trouvent qu’Aminata Touré «a des taupes et des pions dans toutes les structures du parti. Sa seule ambition est de remplacer le président Macky à la tête du parti». Pour ces mêmes pourfendeurs de l’ancien Premier ministre, Aminata Touré aurait déjà tenté de saper la dynamique unitaire des femmes du parti de Macky Sall.
Des attaques virulentes mais loin d’être les premières flèches décochées par Youssou Touré et ses partisans en direction d’Aminata Touré. Youssou Touré, proche de la «Première dame», Marième Faye Sall qui a dernièrement pesé de tout son poids pour que le secrétaire d’Etat fasse l’une des plus éphémères démissions que la République ait connu, n’a-t-il pas été le premier à réclamer la défénestration de Mimi Touré ? Dans tous les cas, l’ancien chef du gouvernement, qui avait perdu son poste de Premier ministre à la suite de sa défaite aux élections municipales de 2014, parvient de plus en plus à hisser sa voix au-dessus de la mêlée et à tisser sa toile. Le dernier référendum, qui l’a vue gagner le bureau de vote numéro sept de Grand-Yoff où elle avait voté, semble lui avoir donné des ailes. Même si elle a peiné à expliquer en quoi elle était l’envoyée spéciale du chef de l’Etat, sa présence au congrès du Syndicat des travailleurs des transports routiers du Sénégal qui s’est déroulé, hier jeudi, en a surpris plus d’un et renseigne sur l’activité débordante de l’ancienne directrice de campagne de Landing Savané.
Mame Birame WATHIE