La Cour des comptes doit se reformer et reformer ses procédures afin de garantir les droits des justiciables. La recommandation est du Professeur Abdourahmane Dioukhané qui procédait à la cérémonie de dédicace de son dernier ouvrage : «Les juridictions financières dans l’Uemoa : La Cour des Comptes du Sénégal». Il ressort de son analyse que les procédures actuelles de l’institution de contrôle des finances publiques ne garantissent point les droits des justiciables.
Les réformes en cours dans les institutions étatiques ne doivent pas épargner les procédures actuelles de la Cour des comptes, l’élite des organes de contrôle des finances publiques. Le constat est du Professeur Abdourahmane Dioukhané, enseignant à la Faculté de droit de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, qui estime que les procédures actuelles de l’institution de contrôle ne garantissent pas les droits des justiciables. D’ailleurs, il a souligné que cette modernisation constitue l’un des défis majeurs à relever dans le contrôle des finances publiques. «Si un tribunal poursuit et juge en même temps, il peut être suspecté de partialité. Donc, les droits des justiciables ne sont pas suffisamment garanties», a argumenté l’universitaire. Il note aussi que les travaux de la Cour des comptes doivent avoir des qualités qui soient à la hauteur de son statut éminent d’institution supérieur de contrôle des finances publiques. «Il se pose à la Cour des comptes un défi de professionnalisme. Donc, mieux former les magistrats de la Cour aux techniques modernes d’audits et d’évaluation des politiques. Parce que cette évaluation va jusqu’à mesurer l’impact des politiques publiques sur l’environnement en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’effet sur la biodiversité. Donc, ce sont des domaines nouveaux très techniques, très difficiles pour lesquels, il faut former les magistrats de la Cour», a expliqué l’auteur. Qui indique que l’autre défi qui se dresse devant la Cour est son ouverture à d’autres compétences. Parce que, argue-t-il, elle ne devra pas rester enfermée sur elle-même.
L’auteur invite ainsi l’institution à se conformer à ses textes qui préconisent le recours à des experts lorsque les enquêtes portent sur des points techniques. De même, elle doit s’ouvrir dans ses relations avec le Parlement. D’après l’universitaire, l’assistance de la Cour des comptes au Parlement dans le contrôle des finances publiques ne devrait pas se limiter uniquement à une simple remise de rapport d’audit. Au contraire, le professionnel du droit institutionnel fait que l’appui technique de la Cour des comptes au Parlement doit être plus soutenu.
Il regrette par ailleurs le fait que dans le pays, le débat sur la constitution et les institutions tourne essentiellement sur des questions politiques. «La dimension financière de la constitution est extrêmement importante. Parce que historiquement, à l’origine de la démocratie parlementaire se trouvent des enjeux de finances publiques. Donc, il est temps que l’on prenne conscience de cela et qu’on se mette à bâtir un Etat de droit et une démocratie financière», a-t-il soulevé. Poursuivant, il juge nécessaire d’instaurer un dialogue entre la Cour des comptes, le ministère de l’Economie, des Finances et du Plan et l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Car, renseigne-t-il, les finances publiques constituent de nos jours un enjeu qui se trouve au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. «Les finances publiques posent en dernière instance un problème de démocratie avec l’obligation de rendre compte devant les citoyens de tout gestionnaire de fonds publics», a expliqué l’enseignant à la Faculté de droit de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Qui estime que ces institutions doivent être des partenaires dans cette nécessité de promouvoir les finances publiques.
En publiant cet ouvrage, l’auteur pense mettre à la disposition des magistrats un outil théorique assez solide leur permettant de bien motiver leur décision. «La dernière catégorie de destinataire immédiat est constitué par les personnes contrôlées notamment, les justiciables de la Cour des comptes et leurs avocats. L’expérience montre que beaucoup de gestionnaires de fonds publics et leurs avocats, dans les affaires qui sont jugées par la Cour des comptes, ne maitrisent pas assez le droit budgétaire et comptable, de même que les procédures applications devant cette juridiction», a-t-il conclu.
Adama COULIBALY