Avec 60% d’abstention et plus 40 % d’électeurs ayant voté favorables au «Non», le pouvoir aura imposé aux Sénégalais la Constitution la plus impopulaire de leur histoire politique. Le constat est d’ordre général : elle ne reflète guère l’adhésion du peuple. Et le scrutin militaire a suivi la même cadence, avec une mince participation des corps habillés au projet de MackySall.
Par définition, la Constitution est la charte fondamentale. C’est-à-dire «l’ensemble des textes fondamentaux qui déterminent la forme du gouvernement d’un pays». A ce titre, elle doit refléter l’expression de la volonté populaire. Mais au regard des résultats provisoires issus du scrutin de dimanche dernier, l’on semble s’éloigner de cette donne. En effet, 60% des électeurs inscrits sur les listes électorales n’ont pas accompli leur devoir civique. Ils se sont tout simplement abstenus de se rendre aux urnes, préférant ainsi dérouler la stratégie politique de l’abstention. Plusieurs raisons expliquent ce choix (voire Walf Quotidien n° 7201 du lundi 21 mars 2016). Et même dans le pourcentage des électeurs ayant voté, plus de 40 %ont opté pour le «Non».Ce qui traduit un «manque de consensus» autour de la nouvelle Constitution soumise au peuple par voie référendaire. Le constat est d’ordre général : l’adhésion massive des citoyens n’a pas prévalu lors de ce scrutin. Si la victoire du «Oui» se confirme après la publication des résultats officiels et définitifs, les Sénégalais seront amenés à faire face à une Constitution à laquelle ils n’auront pas entièrement adhéré.
Ce manque de légitimité est d’autant plus caractérisé que l’absence de «démarche inclusive» est venue s’y greffer. C’est peut-être conscient de cela que le chef de l’Etat, lors du meeting de clôture de Benno Bokk Yaakaar, avait annoncé une concertation après le référendum. De quoi s’interroger sur la portée de cette démarche qui aurait dû avoir tout son sens plus tôt, c’est-à-dire en aval de l’organisation de ce scrutin référendaire. D’autant que, comme le rappelle ce constitutionnaliste, «cette concertation n’aura aucun effet sur les textes qui sont déjà adoptés. Aucun article ne sera changé car toutes les dispositions ont été déjà validées par voie référendaire qui est la seule qui pourra être empruntée pour ainsi pouvoir modifier certains points faisant peut-être l’objet de discorde lors de cette concertation annoncée»,.
Concertation d’après-référendum ?
L’histoire retiendra, de cette manière, que ce quatrième référendum du 20 mars 2016 aura été le plus impopulaire, en termes de taux de participation national, avec seulement près de 40 %, selon les estimations provisoires. Les précédentes expériences avaient connu une plus grande participation des populations, notamment le référendum de 2001qui avait enregistré un taux de participation de 65,7 %. Et le «Oui» l’avait largement remporté avec 94 % des suffrages valablement exprimés. Pour les consultations nationales de 1963 et 1970 qui avaient aussi connu un succès éclatant, la participation des citoyens, à ces votes, était dans l’ordre de 99 %.
Et ce n’est pas seulement le scrutin civil qui s’est distingué par un faible taux de participation car il en est de même pour le vote militaire. Si l’on se réfère aux pourcentages rendus public par la Commission de recensement des votes, l’on peut bien considérer que le scrutin des hommes en uniforme n’a pas atteint un seuil qui reflète la volonté populaire. Car chiffré à seulement 12,6% à Rufisque, 10,22% à Thiès contre 7% à Ziguinchor, 14,25% à Sédhiou. «Macky perd la grande muette». Tel a été le titre qui avait barré la Une de Walf Quotidien dans son édition consacrée à la «Rupture d’égalité entre les neuf corps constitués». Plus loin dans l’article, il était écrit : «Les corps habillés brandissent l’arme du vote-sanction face au traitement inégalitaire entretenu par l’Etat. Cette accumulation de frustrations sonne la fin de la coexistence pacifique entre hommes en uniforme et encourage la désertion». Il semble que cette grogne a été traduite en actes, au regard du fort taux d’abstention dans leur vote anticipé, pour le référendum.
Même cadence pour le vote militaire
Loin de relever du hasard, cela semble traduire un «désintérêt manifeste» des hommes en treillis, au-delà des raisons officielles invoquées, à savoir : «certains d’entre eux ne disposaient pas de leurs pièces au niveau de leurs postes d’affectation». En vérité, une récente enquête menée par Walf Quotidien sur les «causes des récriminations discrètes des corps militaires et paramilitaires» a permis de connaître les causes des plaintes et complaintes de la grande muette. Si les soldats en décident ainsi, c’est parce que le vote-sanction est la seule arme qui leur est offerte pour exprimer leur mécontentement. Même si certains d’entre eux choisissent la désertion, devenue l’une des manifestations visibles de leur colère.
Le devoir de réserve les confine au silence. Ils n’ont ni le droit d’aller en grève, ni celui d’élever la voix pour porter des revendications. Ils sont nombreux les hommes et femmes militaires qui endurent, en silence, des injustices, des déceptions et des frustrations. Ils sont démoralisés. Les neuf corps militaires et paramilitaires ont une doléance commune qui, du reste, est la principale cause de leur courroux : «L’emprisonnement en cascade des militaires pour des faits liés à l’exercice de leurs fonctions». S’y ajoutent des préoccupations spécifiques à chaque corps.
WALF