Les Sénégalais sont appelés aux urnes ce dimanche pour sanctionner le projet de révision constitutionnelle proposé par le président de la République le 16 fevrier dernier. Plus qu’une question de «Oui» ou de «Non», cette consultation est un test grandeur nature pour Macky Sall qui devra faire face à une nouvelle configuration politique si son projet venait à être rejeté.
Analysant les résultats qui pourraient sortir des urnes au soir du 20 mars, le professeur Ismaïla Madior Fall observait : «Le Président n’a rien à craindre puisque ce n’est pas une élection mais une consultation. Je suis sûr que le président de la République ne sera pas content que le pas démocratique, le pas géant d’approfondissement de la démocratie qu’il voulait faire accomplir à la démocratie sénégalaise ne se soit pas réalisé». Avant le conseiller juridique attitré du chef de l’Etat, c’est le ministre Abdoulaye Daouda Diallo qui minimisait le scrutin, l’assimilant à une «simple consultation».
Pour ces proches de Macky Sall qui estiment que la victoire du «Oui» serait «une occasion formidable (pour le Sénégal) d’approfondir sa démocratie», le revers de la médaille serait presque sans impact. Une théorie qu’une analyse moins partisane réfuterait.
En effet, si la victoire du «Oui» met toutes les cartes entre les mains du Président Sall qui s’en serait retrouvé ragaillardi, le rejet du projet de révision constitutionnelle sonnerait tel un désaveu pouvant impacter sur de nombreux plans. Au niveau national, la victoire du «Non» conforterait l’opposition qui pourrait dans une fanfaronnade à la mesure de sa victoire faire monter les enchères jusqu’à réclamer la démission du chef de l’Etat. «Je pense que si le ‘Non’ gagne, la légitimité du président de la République doit être remise en cause. Car dans les grandes démocraties, en cas de referendum, si le ‘Non’ l’emporte, on doit en tirer toutes les conséquences. Si le Président est désavoué, il doit en tirer les conséquences. Je lance un appel au Président Macky Sall, si le ‘Non’ l’emporte avec une large victoire, je lui demande de rendre le tablier». Ce refrain de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Pape Diop, pourrait bien être entonné par une opposition certes hétéroclite mais qui a déjà trouvé le ciment de sa consolidation dans son combat contre Macky Sall. Le Président Sall, dans sa démarche pour le moins solitaire, leur a déjà facilité la tâche, en se mettant à dos l’essentiel des forces politiques de l’opposition qui s’étaient dispersées au lendemain de son élection. Le Pds qui avait volé en éclats au lendemain de la déroute du régime libéral, a vu ses démembrements, qui s’étaient éparpillés, se retrouver pour prononcer, en même temps, un retentissant «Non». En plus des partis issus de ses flancs, le Pds est parvenu, grâce au référendum de Macky Sall, à se rapprocher du Ps dont certains de ses responsables, et pas des moindres, battent campagne aux côtés des libéraux, dans une alliance historique. En même temps, encouragés par le reniement de Macky Sall, les mouvements de la société civile se sont très vite rapprochés des opposants politiques qu’ils ont grandement renforcés. A ce sujet, le Pit observait : «Dans les faits et pour l’heure cette option inattendue (organisation d’un référendum, Ndlr) a ébranlé les rangs de la Coalition qui a porté Macky Sall au pouvoir, accélérant même la crise de leadership au sein du Ps et le départ de certains de ses alliés, tout en offrant à l’opposition, notamment au Pds, l’opportunité de rassembler, dans un front du ‘NON’ tous ses démembrements qui l’avaient quitté et qui l’avaient fortement affaibli, et même des factions de la société civile».
A défaut de contraindre Macky Sall à la démission, l’opposition engagerait les élections législatives avec de grandes chances de les remporter et de forcer Macky Sall à une cohabitation qui serait de mauvais augure pour lui quant à la présidentielle de 2019.
Au niveau international, Macky Sall, que ses laudateurs présentent comme le Président le mieux élu en Afrique avec plus de 65 % des suffrages exprimés, verrait sa marge de manœuvre considérablement comprimée. Ce score qui lui permet de bomber le torse devant ses homologues ne serait plus d’actualité. Et, à défaut d’être rangé dans la lignée des Faure et autre Déby, Macky Sall intégrerait le cercle large des présidents mal élus, en attendant 2017.
Mame Birame WATHIE