Moi, Agronome, haut Fonctionnaire de mon état, je dis NON à l’Organisation d’un Referendum sur des sujets aussi variés qui méritent chacun une réponse réfléchie et qui ne sont pas de nature à être englobés dans un seul OUI ou NON.
Moi technocrate, Ingénieur dans le secteur « désigné » moteur de notre économie, recevant de la part de l’Etat une haute attention à en juger le niveau des investissements déclarés, je dis NON au référendum qui n’inclut pas des questions essentielles de ce secteur non couvertes ni par la loi d’orientation agrosylvopastorale ni par aucune des politiques agricoles déroulées à ce jour. Je condamne cette absence de vision claire du monde auquel nous aspirons à travers le développement agricole, le développement rural et au-delà, le développement économique.
Moi, le technocrate, qui très jeune, depuis le régime de Senghor a pris part aux combats d’avant-garde pour l’avancée de la démocratie, au risque de ma liberté (méfaits de l’article 80 de la constitution), je dis NON à l’Organisation de ce référendum, malgré les avancées démocratiques que quelques-unes de ses dispositions pourraient induire. Je dis NON parce que ce referendum ne constitue pas le bond attendu par notre démocratie.
Moi, le technocrate, qui ai eu l’avantage de prendre part, sous les régimes des Présidents Diouf et Wade, à l’élaboration et la mise en œuvre de diverses politiques de lutte contre la pauvreté, de développement rural, de sécurité alimentaire, de gestion de l’environnement et j’en passe, je dis NON à la tenue du référendum du 20 Mars, parce qu’il représente un sérieux gaspillage budgétaire face à l’ampleur des vrais enjeux qu’il ignore.
Moi, le technocrate, qui ai contribué à l’avancée de stratégies de la recherche agricole internationale, de lutte contre la dégradation des terres, de lutte contre la pauvreté, qui ai aussi pris part aux politiques de remembrement et de réforme fonciers, mais également à l’élaboration de conventions internationales sur l’environnement et le mode de financement de leurs programmes, aux stratégies de recherche de la paix et la gestion des conflits, je dis NON, parce que ce referendum ne répond pas aux exigences de l’heure.
Moi, technocrate lambda et simple citoyen n’ayant jamais milité dans un parti politique et de surcroît non spécialiste ni du droit encore moins de la constitution, je voterai NON au referendum s’il se tenait le 20 Mars.
Parce que :
- Il est extirpé de son principal objet qui est la réduction volontaire du mandat en cours du Président de 7 à 5 ans ; ce qui aurait été une grande innovation, et qui, nonobstant le résultat du scrutin aurait conforté la maturité démocratique du Sénégal et sa réputation dans le domaine, en Afrique et dans le monde;
- Les modifications de l’article 26 pourraient porter à confusion quant au nécessaire passage au second tour pour l’élection du Président de la République au suffrage Universel, tandis que sa première version a l’avantage d’être claire;
- Il n’est guère nécessaire d’institutionnaliser un Haut Conseil des Collectivités Locales pour promouvoir la gouvernance locale et le développement territorial ; ceci est une approche top-down qui est révolue. Pour rendre effectif la participation des gouvernés à leur propre développement, il faut agir à la base et structurer à la base jusqu’au moment où la base sentira le besoin de la coordination ;
- La liberté de la justice est mieux appréhendée dans la proposition de la Commission national de reformes des institutions (CNRI) que dans le projet de referendum, dans la section 2 de la proposition de la CNRI l’article 107 définit clairement le rôle du Conseil Constitutionnel (CC) et l’article 108 en donne une composition de 7 membres dont le mode de désignation pourrait assurer une meilleure indépendance de l’Institution que celui porté par le référendum. Relevons ici que le Président de la République par décret n° 2013- 730 du 28 mai 2013 a créé la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI). Cette dernière s’est employée avec célérité à sa charge qui était de mener des concertations sur la réforme des institutions et à formuler toutes propositions de réformes visant à améliorer le fonctionnement des institutions, à consolider la démocratie, à approfondir l’Etat de droit et à moderniser le régime politique.
- Les nouveaux droits aux citoyens, ceux relatifs aussi bien à l’environnement qu’au patrimoine foncier et ressources naturelles sont déjà acquis à travers plusieurs conventions internationales signées par le Sénégal ; des décrets d’application et des cadres de surveillance par les gouvernés pourraient suffire. Au besoin l’assemblée nationale pourrait en faire une loi.
- La restauration du quinquennat pourrait passer par la même voie qui l’avait retiré de la constitution avec le Président Wade, c’est à dire l’assemblée nationale, puisqu’il ne s’agit que de restauration.
- Le nouvel alinéa de l’article 78 pose problème ; si la promulgation des lois organiques votés par l’assemblée nationale est soumise à l’appréciation du Conseil Constitutionnel sur saisine du Président de la République, quand les membres de ce dernier sont nommés en majorité par ce dernier (5 membres ) et par le Président de l’Assemblée nationale (2 membres). Ceci est d’autant plus problématique dans le cas où la majorité gouverne et légifère « en majorité ». Le renforcement de l’ordonnancement juridique pourrait se faire par une instance plus indépendante et du législatif et de l’exécutif.
- Le rajout à l’article 81 et 85 n’est qu’une institutionnalisation de pratiques en cours, cela ne nécessite guère un référendum , les membres du gouvernement et Directeurs de structures peuvent sans referendum continuer à répondre autant que de besoin, aux questions des différentes instances de l’Assemblée nationale. Pour ce qui est de l’article 86 qui autorise le Premier Ministre à engager la responsabilité du Gouvernement devant l’assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de tout autre projet de loi, après délibération du Conseil des Ministres, cela pourrait relever d’une décision de l’exécutif si le droit de regard des élus du peuple sur les budgets sectoriels est préservé.
- En ce qui concerne la modernisation du rôle des partis et le rôle du chef de l’opposition, l’Assemblée nationale doit être en mesure de prendre ses questions en charge, les discuter et en faire proposition de lois.
Les points ici soulignés suffisent largement pour expliquer mon double choix d’être contre la tenue du référendum et de voter NON au cas où sa tenue restait encore programmée pour le 20 mars.
Parce que la constitution interpelle tous les citoyens, nous gardons l’espoir que la prise en compte de l’avis des technocrates sera un prélude à l’autorisation des « indépendants » à participer à toutes les formes de suffrage, un des points positif des propositions de changement de la constitution qui pourrait faire l’objet d’une loi organique de l’Assemblée nationale. Quoi qu’il en soit, l’heure est venue pout celles et ceux qui ne veulent plus être de simples spectateurs dans la marche des affaires de la nation de considérer l’engagement politique comme une réponse noble à leur envie d’être utiles à la reconstruction de notre cher Sénégal et au-delà de l’Afrique.
Rokhaya Daba FALL
CEO/GAD