Maria Sharapova a annoncé elle-même, hier, avoir été contrôlé positive, lors de l’Open d’Australie. En cause, un produit dénommé meldonium, créé et commercialisé dans l’ex-URSS et dans les pays de l’Est depuis les années 1970, qu’elle a déclaré prendre depuis 2006 afin de soigner des problèmes de santé. Pourquoi n’a-t-elle jamais été contrôlée positive avant ? Parce que l’Agence mondiale antidopage (AMA) n’a inscrit ce produit sur la liste des substances interdites que depuis janvier 2016. La Russe n’est pas la première à tomber.
L’athlète suédoise Ebeba Aregawi, championne du monde du 1500m. La patineuse russe Ekaterina Bobrova. Le marathonien éthiopien Endeshaw Negesse. La biathlète ukrainienne Olga Abramova. Le cycliste russe de Katusha Edouard Vorganov. Six lutteurs géorgiens. Et désormais Maria Sharapova. Voilà la liste des principaux sportifs pris pour dopage au meldonium en moins de trois mois. Depuis que l’Agence mondiale antidopage a mis ce produit sur la liste des substances interdites (dans la catégorie Hormone et modulateurs métaboliques), les cas se multiplient.
Bon pour soigner l’angine et prévenir l’infarctus du myocarde”
Censé soigner l’angine de poitrine, prévenir l’infarctus du myocarde ou traiter ses séquelles, ce médicament a été créé dans le milieu des années 70 par un Letton, Ivars Kalvins, qui a déclaré voici deux jours sur le blog du Monde.fr: “C’est un médicament protecteur qui n’augmente pas la production d’énergie ni les capacités physiques chez l’Homme, puisque le meldonium fait baisser le taux de carnitine – une substance bien connue utilisée comme complément alimentaire en bodybuilding, ralentissant la production d’énergie par les acides gras et donc diminuant la production totale d’énergie dans le corps humain !”
Il allait même plus loin en affirmant: “Il n’y a aucune preuve scientifique disponible (essais cliniques randomisés en double aveugle) démontrant la capacité du meldonium à améliorer les performances athlétiques. D’un point de vue scientifique, il est même probable que le meldonium, utilisé lors d’épreuves sportives, réduise les facultés physiques car il ralentit l’oxydation des acides gras. Si des athlètes en prennent, ils ne doivent pas s’attendre à de meilleures performances, par contre, ils seront protégés contre les dommages ischémiques des cellules.” Ce médicament n’a jamais été commercialisé en Europe de l’Ouest ni aux Etats-Unis.
Sans effet bénéfique pour le sportif
Le Centre de recherche préventive sur le dopage de Cologne a trouvé du meldonium dans 2.2% des 8320 échantillons urinaires aléatoirement prélevés lors de contrôles antidopage réalisés auprès de sportifs professionnels. “Les sports de force étaient surreprésentés (67%) devant les sports d’endurance (25%)”, selon Pierre-Jean Vazel, entraîneur d’athlétisme mais aussi bloggeur sur Le Monde.fr, qui ajoutait sur son blog: que “L’Université allemande avait relevé dans la littérature scientifique deux publications montrant des effets positifs sur les performances des sportifs par ‘une augmentation de l’endurance, de la récupération, de la protection contre le stress et une amélioration des activations des fonctions du système nerveux central’.”
Dans ce même blog, le Dr Sergei Illjukov, médecin du sport et consultant pour l’Agence antidopage estonienne, précisait: que “c’est un médicament assez faible. Je ne l’ai jamais utilisé car je le vois comme une mauvaise pratique médicale ne reposant sur aucune preuve.” Il estime même que son interdiction par l’AMA ne repose pas sur grand-chose: “Ses effets sur les performances athlétiques sont exagérées. l’AMA l’a interdit sur la base de preuves douteuses et de bruits de vestiaires. C’est dommage, mais les règles sont faites pour être suivies!” Pour lui, l’utilisation de ce produit, notamment dans les pays de l’Est, repose sur une “idée que le sport d’élite est nocif pour la santé et qu’il y a besoin de soutenir le corps avec des substances afin de le protéger. Dire que le meldonium est du dopage parait ridicule aux oreilles des Européens de l’Est, pour eux il s’agit plutôt d’une ‘vitamine qui protège le cœur’.”
L’AMA garde le cap
Dans un communiqué de l’Agence mondiale antidopage, l’instance explique qu’elle “est consciente du cas, très médiatisé, concernant la joueuse de tennis Maria Sharapova. Selon notre procédure habituelle, et afin de protéger l’intégrité de l’affaire, l’AMA s’abstiendra de tout commentaire jusqu’à ce qu’une décision prise par la Fédération Internationale de Tennis (ITF). Puis, l’AMA examinera les motifs de la décision et décidera d’utiliser ou non son droit d’appel indépendant devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS).” Et elle ajoute quelques précisions concernant ce médicament: “Nous pouvons confirmer que le meldonium a été ajouté à la liste 2016 des produits proscrits, qui a pris effet le 1er Janvier 2016 , après avoir été placé sur le programme de surveillance de l’AMA sur toute l’année 2015. Le meldonium a été ajouté à la liste des produits interdits en raison des preuves de son utilisation par les athlètes souhaitant améliorer leurs performances.” Désormais, le meldonium est donc bien présent dans la liste des produits interdits par l’AMA (en page 5 du document). Quelque soit ses effets, ce médicament ne peut donc plus être utilisé.
Francetvsport