L’Etat s’engage dans une politique d’émergence et d’autosuffisance alimentaire tout en contribuant à affamer les populations. Un ensemble de faits le justifie, au sortir du lancement du programme Sadmad (Système alimentaire territorial durable et lutte contre la malnutrition dans la région de Dakar), destiné à soutenir l’alimentation des dakarois et les exploitations agricoles. Selon le coordonnateur du pôle Sahel au Grdr, Demba Sow, la vulnérabilité et la pauvreté sont bien ancrées à Dakar alors que la capitale fournit 30% de la production maraîchère du Sénégal, avec près de trois mille exploitations agricoles.
Il rappelle que des études menées en 2001 estiment que 70% des Dakarois gagnent moins de 1 000 francs Cfa par jour. Il souligne aussi l’importation de la grande distribution au détriment de la production locale. Et ce, avec la complicité de l’Etat dans le cadre de sa politique d’ouverture du marché sénégalais. La situation n’épargne ni les ménages, ni les plus jeunes. Selon M. Sow, deux enfants sur trois partent à l’école sans prendre le petit déjeuner. Il révèle que ces personnes sont localisées dans la périphérie de Dakar et dans des poches insoupçonnées.
Les dakarois sont encore dépendants du pain à base de blé, très limité en apports nutritifs en comparaison au pain à base de céréales locales et qui coûte une fortune à l’Etat du Sénégal. Mais «le blé ne résout pas le problème», souligne un représentant des boulangers du Sénégal. Qui pense que la promotion des exploitations agricoles devrait contribuer à développer le pain fait à base de denrées locales pour nourrir les Dakarois, pourvu que l’agriculture s’épanouisse.
Pour Daouda Ndoye, membres de la Commission agriculture du Cdr, l’expansion immobilière à Rufisque, comme dans d’autres départements de la capitale, menace sur les espaces agricoles. Il indexe les programmes de développement inscrits dans le cadre du Pse qui réduisent les espaces agricoles destinés à nourrir les dakarois.
Le béton mange les surfaces agricoles
En ce sens, le directeur de Cicodev Afrique, Amadou Kanouté, a souligné que le Pdidas, financé par la Banque mondiale et le Pracaas sont comptés parmi les projets qui ont des impacts sur les exploitations. M. Kanouté soutient aussi que l’Acte III de la décentralisation a créé des conflits à cause des retombées de la fiscalité foncière. Il fait également savoir que les lois foncières, notamment celle de 2011 qui soutient la propriété foncière, a créé un boom immobilier. Il donne le cas des 1 500 hectares agricoles, destinés à des projets immobiliers à Diamniadio. La même charte a aussi entrainé des spéculations foncières à cause des baux qui favorisent l’émergence de promoteurs immobiliers au détriment des exploitations agricoles. En rappelant l’explosion des litiges fonciers à Sangalkam, Sébikotane, M. Kanouté souligne que les risques de conflits sont récurrents. Les bras et ressources humaines pour soutenir l’alimentation sont aussi écartés. Selon Babacar Cissé, membre du Crcr-Dakar qui a fait une présentation sur la promotion des produits locaux à Dakar, par des circuits courts, les agriculteurs dakarois ne sont pas encore réellement pris en compte par rapports aux ruraux. Et pourtant l’Etat s’est lancé dans l’accompagnement de l’alimentation des dakarois à travers le Cncr qui gère près de deux mille exploitations agricoles. En attendant, certains Dakarois continuent d’avoir le bol et le ventre vides.
Le Système alimentaire territorial durable et lutte contre la malnutrition dans la région de Dakar (Sadmad) est lancé, hier, pour accompagner l’alimentation des Dakarois et soutenir les exploitations agricoles en créant une chaîne d’écoulement des produits dans les écoles et marchés locaux. Ce programme de trois ans (2016-2018) est financé à hauteur de 270 millions de francs Cfa par l’Union européenne.