Sa promptitude à s’aligner presque toujours aux positions du chef de l’Exécutif, ses déclarations d’incompétence à la pelle, ses «décisions impopulaires» placent le Conseil constitutionnel au centre de la polémique. Surnommé la «tour de Babel au sommet tronqué» par les esprits taquins, des spécialistes suggèrent son remplacement par une Cour constitutionnelle dont les compétences sont plus larges.
Vingt-quatre ans après sa création, certaines décisions du Conseil constitutionnel demeurent toujours «impopulaires» auprès des populations. Spécialiste du Droit constitutionnel, Dr Omar Diop constate un «bilan très contrasté». Car, la juridiction «oscille entre réception des techniques et méthodes du contrôle de constitutionnalité et rejet, par l’opinion publique, des multiples décisions d’incompétence». Si ses décisions sont «souvent objet de critiques», cela est dû, selon le juriste, au fait que celles-ci «sont souvent rendues dans un contexte politique lourd». Un contexte où «les acteurs politiques ainsi que les populations attendent toujours du juge de la constitutionnalité des lois une intervention susceptible de donner à leur prétention force de droit». Position partagée par Pr El Hadji Omar Diop, enseignant chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar pour qui la juridiction constitutionnelle «se trouve investie d’une responsabilité qui dépasse ses compétences formellement définies par les textes qui régissent son activité».
Les déclarations d’incompétence récurrentes, à la suite de plusieurs consultations sur des questions électorales, ont souvent exposé le Conseil constitutionnel aux critiques. «Dans l’exercice de son office, il se fonde sur une interprétation restrictive de sa mission qu’il circonscrit dans le cadre d’une compétence d’attribution bien définie par la Constitution et la loi organique sur le Conseil Constitutionnel», analyse Babacar Kanté, ancien vice-président du Conseil constitutionnel et ancien directeur de l’Ufr Sciences juridiques et politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Dans sa préface du recueil intitulé Les décisions et avis du Conseil constitutionnel du Sénégal, il indique : «Il est difficile de ne pas, par moments, reprocher au Conseil sa conception trop minimaliste de son champ de compétence et, par suite, un manque de hardiesse à élargir de son propre chef, de façon raisonnable et parcimonieuse, celui-ci dans les moments critiques où il constitue le seul rempart auquel s’accrochent les espoirs de sauvegarde de la démocratie.»
L’absence de voie de recours contre ses décisions est un autre facteur explicatif des critiques dirigées contre le Conseil constitutionnel. Cela est né de l’article 92 de la Constitution qui indique que «les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours». Et l’article 12 de sa loi organique précise que la procédure devant le Conseil constitutionnel n’est pas contradictoire. Une fois rendues, ses décisions sont définitives et ne peuvent faire l’objet d’aucun recours. Elles sont donc rendues en dernier ressort. En 2012, Youssou Ndour et autres en ont été victimes lorsque leurs candidatures ont été rejetées. Et pourtant, devant les autres juridictions ordinaires de droit commun, les justiciables disposent de recours auprès du juge supérieur jusqu’à l’épuisement de la procédure.
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