Entamées lundi à Dakar, les plaidoiries de la partie civile ont pris fin, hier, au tribunal de Dakar où est jugé, depuis juillet 2015, l’ancien président tchadien, Hissène Habré. Au deuxième jour des plaidoiries, les crimes sexuels ont été largement mis en avant.
Stylo introduit dans le vagin, viol à répétitions, femmes déportées pour satisfaire le commandement militaire… La cour est silencieuse devant ces maux énumérés, hier au tribunal de Dakar, avec insistance par l’avocat de la partie civile, Me Georges-Henri Beauthier. Au deuxième jour des plaidoiries démarrées lundi, des qualificatifs criminels n’ont pas manqué pour tenter d’établir la culpabilité pénale de l’ancien président du Tchad. Vêtu d’un boubou immaculé blanc, de la même couleur que ses chaussures, Hissène Habré, blotti sur une chaise en cuir noir, est impassible. Il croise les jambes. Par moments, il les étire vers l’un des gardes pénitenciers qui veillent sur lui.
Pendant près d’une heure, Me Georges-Henri Beauthier tente de faire la relation entre Hissène Habré et les crimes commis durant les huit années de sa présidence. «On écrasait du pied tout ce qui bougeait», estime l’avocat belge. Tantôt les yeux fixés sur la cour, tantôt cherchant l’accusé du regard, Me Beauthier, d’une voix imposante, déroule : «Rarement, le mépris de l’autre aurait été aussi affiché», durant les années de la présidence de Habré.
Dans sa plaidoirie, Me Beauthier aligne les crimes sexuels. «Un stylo était introduit dans le vagin. Les femmes étaient amenées à tour de rôle à deux pour satisfaire le commandement militaire. Et sur la route, les soldats, qui les transportaient, satisfaisaient eux aussi leur désir sexuel», rapporte l’avocat.
Fort de ce constat, il reste convaincu donc que Hissène Habré ne pouvait pas nier l’existence de ces actes de viol, de torture et de prostitution forcée de ces femmes. Conclusion de Me Beauthier : «Les accusations de viol doivent être immanquablement déclarées établies». L’avocat suisse, Alain Werner, lui emboîte le pas. Ce Suisse, qui a fait de la traque des criminels de guerre sa chasse gardée, enfonce le clou : «Vous avez l’un des plus grands plans criminels récents de notre époque. Habré a donné des ordres criminels aux agents de la Dds (police politique durant le règne de l’ancien président, Ndlr), aux soldats du front, aux responsables d’organes». Silencieuse, la cour a tout entendu. De même que Hissène Habré qui, dès que le juge burkinabè, Gberdao Gustave Kam, lève la séance, lui également lève sa main pour saluer ses partisans. Avant de faire avec ses deux doigts, un signe de victoire.
Même s’il est conscient qu’il est poursuivi par les Chambres africaines extraordinaires, un tribunal spécial créé par l’Union africaine, qui l’accuse de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de tortures, commis lorsqu’il dirigeait le Tchad entre 1982 et 1990.
Les plaidoiries de la partie civile ont pris fin. Le parquet général entre en scène, ce mercredi, pour prononcer son réquisitoire. Il sera suivi des plaidoiries de la défense. Le verdict est attendu en fin mai.