Annoncé en grande pompe, le recouvrement des biens mal acquis connait, depuis un certain temps, un coup d’arrêt, avec 17 dossiers qui dorment dans les tiroirs du Parquet spécial. Entre «manque de volonté» du pouvoir politique ou «inaction» des acteurs en charge des dossiers, les faits militent en faveur de la première hypothèse.
Lancée par l’actuel régime qu’il l’a inscrit sur le compte d’une «demande sociale», la traque des biens supposés mal acquis connait un coup d’arrêt, depuis un certain temps. Depuis la réactivation de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), seuls deux dossiers ont connu une suite judiciaire : les affaires Karim Wade et Tahibou Ndiaye. Certains dossiers sont en cours d’instruction (Aïda Ndiongue, Abdoulaye Baldé), d’autres dorment toujours dans les tiroirs. Au total, 17 dossiers sont en souffrance, selon l’ordre d’arrivée en provenance de la Section de recherches et de la Division des investigations criminelles (Dic). «Les magistrats en charge de ces dossiers n’attendent que l’aval de la Chancellerie pour lancer les mises en demeure», selon une source judiciaire.
Depuis son arrivée à la tête du Parquet spécial de la Crei, en remplacement d’Alioune Ndao, le procureur spécial, Cheikh Tidiane Mara, n’a pas encore servi de mise en demeure. Il n’a jusque-là fait que siéger à deux audiences seulement : les procès Karim Wade et Tahibou Ndiaye. Alors, qu’est ce qui explique ce coup d’arrêt dans le recouvrement des biens mal acquis ? «Manque de volonté» du pouvoir politique ou «inaction des magistrats» en charge des dossiers ? Les sources de Walf Quotidien confirment la première hypothèse. Les faits qui le démontrent sont la volonté de «décrispation du climat politique» manifestée par la série de libération de plusieurs libéraux, notamment Oumar Sarr, Toussaint Manga, Victor Diouf, Ahmadou Bamba Bâ… Cette libération ne sonne pas la fin des poursuites puisqu’il s’agit de liberté provisoire.
Un autre fait confirme cette thèse : le Parquet spécial qui a l’initiative de mettre en mouvement l’action publique dépend du ministère de la Justice, suivant le principe de subordination consacré par la loi en la matière. Et le patron de la Chancellerie reçoit ses ordres du Gouvernement dont le chef a pour cahier de charges de mettre en œuvre la volonté du Chef suprême. Il existe d’autres faits qui confirment la suspension, temporaire ou définitive, opérée dans la poursuite du recouvrement des biens issus d’enrichissement illicite. Il s’agit de l’éclatement de la chambre de jugement de la Crei. Aujourd’hui, tous les magistrats du siège sont mutés (cumulativement ?) dans d’autres juridictions, depuis la dernière réunion du Conseil supérieur de la magistrature. Et un d’entre eux va partir à la retraite cette année. Au banc du Parquet spécial, Antoine Felix Diome est nommé patron de l’Agence judiciaire de l’Etat. Son titulaire, Cheikh Tidiane Mara, va aussi partir à la retraite cette année.
Ce coup d’arrêt confirme la thèse de la «sélectivité des poursuites». Ou encore d’une «justice à deux vitesses». «Les auditions aux enquêtes préliminaires à la gendarmerie et à la police qui étaient menées à un rythme effréné, sont ces derniers temps au point mort», constate-t-on. D’autre part, ce frein laisse croire cette rumeur selon laquelle «la Crei a été ressuscitée pour casser de l’adversaire politique».