L’Organisation non gouvernementale, Partners West Africa (Pwa) a présenté, lundi dernier, une étude de cas de dialogue national en Afrique de l’Ouest. Cette étude, qui entre dans le cadre du processus de production du document de référence pour la prévention et la résolution des conflits, démontre l’importance du dialogue dans la prévention et la résolution des conflits en Afrique.
Le continent africain reste toujours en proie à de nombreux conflits qui constituent une entrave sérieuse à son développement. En effet, au lendemain des indépendances, la création des frontières, de même que les nouveaux enjeux économiques, politiques et sociaux ont renforcé la division entre les populations, selon leurs appartenances sociales. Conséquence : le continent est en proie à des guerres civiles, fratricides, à l’accentuation de la pauvreté, la dictature et les coups d’Etat. D’où la nécessite de retourner vers une pratique ancestrale, le dialogue ou l’arbre à palabres dans la prévention et la résolution des conflits sur le continent. C’est dans ce cadre que l’Ong Partners West Africa, qui travaille à promouvoir la coexistence pacifique à travers le dialogue, la bonne gouvernance et la prévention des conflits, a mené une étude sur la question.
Le président du conseil d’administration de Partners West Africa Sénégal, Général Lamine Cissé, ancien ministre de l’Intérieur sous le magistère de Diouf, a souligné la nécessité d’engager un processus de réflexion afin de faciliter l’effectivité des mesures de prévention, de gestion et de résolution des conflits. «Car, explique-t-il, la compréhension des mécanismes de gestion et de règlement des conflits passe nécessairement par la connaissance de l’environnement, du territoire et des coutumes des populations qui lui sont attachées». A l’en croire, c’est l’ensemble de ces éléments et leurs interactions qui permettront de cerner globalement le mécanisme efficace, capable de constituer une arme de dissuasion, de prévention et de résolution des conflits.
S’inspirer des us et coutumes
Poursuivant, Général Cissé renseigne que cet atelier de partage sur les études de cas de dialogue national en Afrique de l’Ouest conforte la conviction, selon laquelle le dialogue peut être un outil important de prévention et de gestion des conflits. Non sans préciser que l’être humain est conflictuel en lui-même. «Une observation des us et coutumes semble démontrer qu’en Afrique, depuis des siècles, tout acteur qui veut intervenir dans le règlement ou la prévention des conflits, doit privilégier le dialogue. Etudier, donc, la culture traditionnelle dans l’optique de la prévention et de la résolution des conflits en Afrique, c’est situer le dialogue et la culture de la paix dans son champ d’action historique. Et, il faut remarquer que, dans leur souci de prévention et de résolution des conflits, les peuples africains ont toujours accordé une importance capitale aux procédures de négociation et de dialogue, qui constituent des modes traditionnels de résolution des conflits», a argumenté l’ancien ministre de l’Intérieur.
Toutefois, il estime que le processus de réflexion sur la prévention et la résolution des conflits ne pourra être mené à bon terme, que si les acteurs reviennent sur les valeurs culturelles africaines. Et cela devrait leur permettre de comprendre comment les ancêtres essayaient de prévenir et de résoudre les conflits, qui naissaient inéluctablement, entre les royaumes, les familles ou les tribus. «L’analyse de différentes études de dialogue, menées à travers notre continent, devra nous permettre de produire un modèle pour notre sous-région. Ce document devra intégrer tous les cas de dialogue possible ; non seulement le dialogue social mais aussi et surtout le dialogue politique, avec des mécanismes permanents de gestion. Car, dans une Nation, toute action majeure porte une forte dose politique dans son soubassement», a indiqué Général Lamine Cissé.
Par ailleurs, il a signalé que l’institution, qu’il dirige, s’est engagée, à être parmi les leaders de la sous-région pour la promotion des organisations de la société civile, avec des partenaires crédibles en matière de promotion de la paix, de la démocratie, du développement, de l’Etat de droit et du leadership.
Des conflits basés sur l’appartenance ethnique
Il ressort de l’observation des acteurs de la société civile que les enjeux liés à la démocratisation, à la consolidation de l’Etat-Nation, et à l’Apartheid ont confirmé que la plupart des conflits s’inscrivent dans un cadre plus éclaté que celui des sociétés traditionnelles. Extrêmement fragmentées, les populations africaines sont divisées en ethnies. Ainsi, les membres de la société civile soutiennent que l’appartenance ethnique a souvent pris le dessus sur la culture. Ils évoquent les cas du Libéria, de l’Ethiopie, du Soudan, du Tchad, de l’Afrique du Sud, du Rwanda et de la Rdc.
Présidente du Haut conseil du dialogue social, Innocence Ntap Ndiaye, qui présidait la rencontre, estime que ces échanges contribuent à une meilleure compréhension des dynamiques complexes qui fondent l’aspiration de certaines franges des populations de l’Afrique de l’Ouest à vouloir évoluer dans des cadres plus restreints que ceux déjà peu viables, au sein desquels elles évoluent. Pour Mme Ndiaye, la pertinence d’une telle étude se trouve dans l’analyse en vue de circonscrire les effets négatifs des facteurs concourant à la survenance des conflits, ayant pour origine les frontières héritées de la colonisation, mais aussi ceux alimentés par une aspiration de libération.
La présidente du Haut conseil du dialogue social demeure convaincue qu’il est nécessaire de susciter des initiatives pour que le combat porte, non plus sur des velléités irrédentistes, mais plutôt sur les modalités de mise en œuvre de stratégies et de politiques économiques durables. «En plus d’être un outil approprié de prévention et de gestion des conflits, le dialogue est un mécanisme adéquat pouvant rendre plus inclusive toute politique de développement économique et social envisagée. Dans le même ordre d’idées, nous devons nous réconcilier avec notre patrimoine culturel, nous adosser à certains de ses éléments pour mieux faire face aux défis de l’heure», préconise la présidente du Haut conseil du dialogue social.
«L’arbre à palabres, argue Mme Ndiaye, symbolisé par le baobab, est un moyen approprié pour pallier les conflits qui peuvent aussi avoir des soubassements identitaires». Par le dialogue, ajoute notre interlocutrice, il est aussi possible de repousser les limites des mécanismes juridiques, quelquefois empruntés à des règlements de conflits qui ne sont pas souvent bien adaptés aux réalités africaines, car étant importés.