La colonisation, puis la décolonisation avec l’établissement des frontières entre états, l’introduction de nouveaux modes de transports et la sécheresse ont profondément déstructuré l’économie nomade des Touareg. Dans le Nord Mali frontalier, la crise économique ne facilite guère l’adaptation des anciens nomades à un nouveau mode de vie depuis leur rentrée d’Algérie en 1984. Cette situation exacerba les tensions ethniques avec les populations noires que les Touaregs réduisaient en esclavage encore jusqu’à une période récente.
Cette dimension ethniciste, à la limite raciste, conditionne l’Islam que les groupes djihadistes touareg appliquent au Nord Mali : l’islamisation d’anciens esclaves noirs et de mécréants surabondants. Le mouvement indépendantiste touaregs, plus connu encore sous le nom de Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) a contraint en 1992, le gouvernement provisoire du héros ATT à des débuts de négociation. À la même année au Niger, une rébellion armée touaregs éclata. Kadhafi interviendra pour les intégrer massivement dans l’armée libyenne !
L’histoire des Touaregs avec le Mali est un long feuilleton dramatique qui ressemble à de la tragédie-comédie : «Je ne t’aime pas moi non plus». En effet dès l’an 1400, les Mossis du Yatenga comme les Touaregs nomades participèrent au déclin de l’Empire du Mali avec le pillage des villes comme Oualata, Arouane, Toubouctou, Gao. En 2013, l’Etat malien a failli disparaître à cause des Touaregs, mais cette fois-ci en connivence avec des bandes armées terroristes. Evidement que les situations sont différentes. Ne pas l’accepter revient dans une certaine mesure à reconnaître la répétition de l’Histoire. Et dans le contexte actuel de la situation au nord Mali, l’histoire est loin de se répéter. Ce qui se répète, ce sont les fautes politiques des gouvernants maliens et des querelles ethniques intestines à l’armée à l’image de l’incapacité des successeurs de Kankan Moussa à administrer correctement les provinces de l’Empire au XVème siècle. L’Azawad n’est notée nulle part dans les documents écrits : ni comme province du Mali, ni comme entité territoriale dans le Sahara. Il reste donc une invention, une fiction d’un peuple égaré par le nomadisme et qui a besoin aujourd’hui d’un Etat.
Les réalités démographiques du continent africain, naguère calquées homogène sur une masse compact de 33 millions de km2, se manifestent à travers une dichotomie spatio-géographique entre une Afrique noire et une Afrique blanche avec une ligne de front constituée par le désert du Sahara et surtout par le déterminisme lié à des considérations dermiques. Alors, la question que l’on se pose aujourd’hui, c’est de savoir pourquoi parle-t-on de printemps arabes et non de printemps africains. Est-il une fois de plus encore une tentative de vider à l’Afrique un substrat révolutionnaire historique ? La réponse peut être affirmative dans une certaine mesure, mais la raison reste beaucoup plus profonde si on se base sur un postulat de démarcation idéologique et culturelle d’une partie de l’Afrique qui se considère comme première héritière des traditions islamiques et arabes.
Sous ce rapport, l’expression «printemps arabes» ne doit nullement gênée jusqu’à provoquer un débat stérile, alors que la réalité reste ce qu’elle est. Cependant la question devient complexe à l’étude des influences de ce «printemps arabes» dans les pays africains qui constituent au premier chef des zones de contacts immédiats et d’influence culturelle à travers des communautés harratines qui chevauchent, à travers les frontières, d’immenses étendues de sables qui dépassent la superficie de l’Europe. Parmi ces communautés figurent en bonne partie les Touareg. En voulant se débarrasser de ses propres islamistes (Fis et Gia), l’Algérie s’essaie à une cohabitation dangereuse à la nébuleuse terroriste, en refusant une intervention armée, quitte à trouver pour ses égarés de l’Islam une terre de prédilection, de prédication et de combat au Nord du Mali avec la bénédiction de Nouakchott. Et le discours changea puisqu’il s’agit maintenant pour ces égarés devenus terroristes de renforcer la pratique de l’Islam dans une région «où il n’a jamais été présent» ! Quelle insulte à la mémoire de l’Islam et des saints africains !
L’Algérie savait et n’a rien fait puisque ce n’est pas dans son intérêt de voir le retour de ces islamistes qu’il a plus ou moins réussi avec une «prouesse extraordinaire» à chasser de son territoire. En ouvrant son espace aérien aux mirages français, elle risquait ainsi de cristalliser le mécontentement des bandes armées qui allaient passer à une vitesse supérieure avec la prise d’otages aux champs gaziers d’In Amenas. Aqmi bande ses muscles et menace ! Le pire reste à venir, car les bandes armées sont devenues très puissantes et bien présentes dans cette région qui devient par là un authentique sanctuaire terroriste : l’Afriquanistan
L’histoire nous ramène à poser un regard critique sur la fonction de ces communautés et leurs rôles respectifs dans les différents pays qui se partagent ce «no man’s land» qu’est le Sahara. Le problème Touareg est en Afrique ce qu’est le problème kurde en Asie. Le problème Touareg au Mali est ce qu’est le problème kurde en Turquie. Et ces deux peuples majoritaires dans leurs territoires sont minoritaires dans les Etats transfrontaliers respectifs. Ils cherchent une identité territoriale pour affirmer leur particularisme et leur différence. Tous les moyens sont employés à cette œuvre. Cependant, une erreur fondamentale se produit : les Touaregs s’allient avec les diables d’Ansar Dine, du Mujao et d’Aqmi.
Et pourtant, l’histoire durant le règne de Kango Moussa entre 1312 et 1337, fait état d’une entente cordiale entre les peuples au Nord comme à l’Est du Mali. Durant cette période, les marchands circulent sans crainte d’être volés par les bandits (peut-être arrières grands parents des bandits armés du nord), les habitants étaient très hospitaliers, si bien que les villes du nord deviennent de grandes places religieuses et commerciales. En 1324, Kango Moussa organise son voyage à La Mecque, traversant le Sahara pour atteindre le Caire où il est solennellement reçu. La population garda un souvenir ébloui de son escorte nombreuse ainsi que de sa générosité. Sous le règne de Mansa Moussa, le Mali devient un centre d’affaires très florissant ; ses grandes villes Oualata, Tombouctou, Gao, Dienné deviennent d’importants marchés. Le nom du Mali est connu jusqu’en Europe et en Orient. Cependant, en se montrant incapables en 1400, les successeurs de Kango Moussa créèrent la chute de l’Empire du Mali.
En 2011-2012 comme en 1991, ATT, devenu le paria de la République, opte une fois de plus pour la fuite en avant. Accepter l’inacceptable terreau conflictuel frontalier ! En 2013, l’élite politique et militaire suivit en créant les conditions de la disparition de l’Etat malien. Et les gouvernants africains à l’image d’un président malien fantoche et d’un jeune capitaine fou (qui préfère se battre à Bamako plutôt qu’à Tessalit), n’ont pas su se lever à temps. Ils ont préféré discourir, danser, rire comme à télévision malienne et suivre comme toujours. Et en étant toujours à la traîne. Faute grave de politique étrangère d’un Sarkozy qui n’était pas encore suffisamment entré dans l’Histoire pour comprendre, Hollande réagit à temps ! Merci à la France. Le peuple africain se souviendra ! Armée française au Niger, au Tchad, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon comme au Mali, nous ne voulons plus… En fait nous voulons toujours de vous !
Sawrou FALL
Doctorant en Histoire UCAD
F1 B1 HG FASTEF