En une année, l’Etat a avancé trois taux de croissance. De 5,4 %, le Sénégal passera à 6,4 % en 2015, selon le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan qui avait aussi assuré les députés, lors de la clôture de la session budgétaire passée, que le pays atteindrait au moins 6 % de croissance cette année. Une performance qui, si elle venait à être confirmée par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie en mars 2016, doterait le pays de son meilleur taux depuis le record de 2003 où il avait atteint la barre historique de 6,7 %.
Confirmé, le taux va également effleurer la projection peu ambitieuse de 7 % du Plan Sénégal Emergent (Pse) Ce qui serait peut-être de bon augure pour le reste. «Nous avons des hypothèses beaucoup plus optimistes. Mais, nous préférons avancer de manière graduelle pour ne pas être contredit», a précisé le ministre des Finances qui souligne que ses services sont en train d’affiner les chiffres et que le taux définitif pourrait aller au delà des attentes. Amadou Bâ, qui tenait une concertation avec le secteur privé national, a expliqué ce bond qualitatif du taux de croissance par la très bonne pluviométrie enregistrée cette année et les nombreux efforts consentis par les pouvoirs publics pour accompagner ce secteur stratégique qui a toujours tiré la croissance du pays. Cependant, cette embellie annoncée par les autorités contraste avec les nombreuses difficultés évoquées au cours de la même réunion par les créateurs de richesses qui ont unanimement déclaré que les entreprises souffrent beaucoup. «Nous ne pouvons que nous féliciter des chiffres affichés. Mais, c’est une croissance pluviométrique. Que se passera-t-il l’année prochaine s’il ne pleut pas ? Qu’est ce qui fait que cette croissance soit de qualité, est-ce que cette croissance repose sur des piliers ?», s’interroge Mansour Kama, président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes). «Tant qu’on n’aura pas répondu à ces question, on continuera à annoncer des chiffres dont tout le monde va se réjouir mais on restera dans ce domaine de l’incertitude et la réalité sera qu’on aura pas créé suffisamment d’emploi, que la pauvreté demeurera et que le Sénégal perdra du terrain face aux concurrents de la sous-région», soutient M. Kama. Et d’ajouter : «Nous ne sommes pas encore à la hauteur. Nous ne nous faisons pas d’illusion.» Même s’il estime que c’est un taux bon à prendre, Baïdy Agne du Conseil national du patronat (Cnp) relativise puisque, selon lui, les pouvoirs publics reconnaissent qu’il y a des secteurs qui souffrent. «La croissance tout court n’est pas un élément de mesure intégrale de la performance d’une économie», prévient-il.
Seyni DIOP