Un dossier, mille interrogations ! Oumar Sarr a passé Noël à la Maison d’arrêt et de correction du Cap Manuel où il a été transféré, à côté de Toussaint Manga. Et il risque d’y passer le réveillon. Simplement parce qu’il a été mis sous mandat de dépôt par le nouveau doyen des juges, pour «diffusion de fausses nouvelles» et «faux et usage de faux en écriture privée».
On lui reproche d’avoir signé et attribué un communiqué, salé du reste, au Comité directeur du Pds qui, en vérité, ne s’est pas réuni le vendredi 18 décembre 2015. D’où le délit de «faux». Egalement, il lui est reproché d’avoir fait des «affirmations gratuites» au sujet du financement de la campagne présidentielle de Macky Sall, en 2012, par des fonds russes dont l’origine est supposée douteuse. Sans conteste, ce dossier laisse subsister plusieurs interrogations sans réponses jamais soulevées, depuis l’éclatement de cette affaire politico-judiciaire. D’abord, comment la Justice s’est rendue compte que le Comité directeur du Pds ne s’est pas réuni le vendredi 18 décembre dernier ? Cette question laisse supposer que des membres de sa propre formation politique ont certainement signalé à l’autorité judiciaire que ce communiqué n’engage que son auteur et signataire. Et que les membres du Comité directeur n’ont pas pris part à la fameuse réunion dont il a été fait état dans le document transmis à toute la presse. Une telle éventualité laisse, sans doute, supposer qu’Oumar Sarr a été «vendu» et «trahi» par un ou plusieurs de ses frères de parti. Voilà qui nécessite une enquête interne en vue de débusquer les traîtres qui contribuent à davantage conduire le Pds vers son déclin. Ensuite, la question est aussi de savoir si la Justice peut-elle s’autosaisir en le poursuivant pour «faux» ? Ou bien il revient à son parti d’en décider, comme ce fut le cas avec Fada ? Un bel exercice de Td (travaux dirigés) s’offre ainsi aux étudiants de la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Ucad. Et puis, pourquoi Oumar Sarr n’est pas jugé à la plus prochaine audience alors que l’on fait état de «flagrant délit» dans le cas d’espèce ? Qui a raison entre le procureur et Me Sall ? Ainsi, l’affaire Oumar Sarr continue d’alimenter les débats. Même après son emprisonnement ! Et la polémique s’est installée entre techniciens du Droit, au sujet de l’immunité parlementaire du numéro 2 du Pds. Invité au journal 13h de la Rts, samedi dernier, le procureur de la République de Dakar a estimé qu’il ne peut pas, dans le cas d’espèce, se prévaloir de son immunité parlementaire. Cela au motif que le flagrant délit (il en est le cas, selon lui) ne couvre pas l’immunité. «(…) Dans le cas d’Oumar Sarr, il n’y pas d’immunité qui joue. Le coordonnateur du Pds ne peut pas se prévaloir de son immunité parlementaire. Il avait été arrêté à la suite d’un communiqué de son parti relatif à l’article du journal Le Monde, à propos du supposé financement de l’opposition en 2012 par de l’argent en provenance de la Russie», a indiqué le procureur de Dakar. Mieux, selon le maître des poursuites, «nous sommes sur l’article 51, alinéa 2 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. C’est une loi organique et pour l’adopter, on n’a pas besoin d’une majorité simple des députés qui doivent être les 2/3 pour dire à l’Assemblée que voilà les règles que nous fixons sur la base de la Constitution». Justifiant l’arrestation d’Oumar Sarr par la Division des investigations criminelles (Dic), le patron du Parquet de Dakar a précisé que l’article 51 alinéa 2 de la même source dit «qu’aucun député ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière correctionnelle ou criminelle qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale». «Le député pris en flagrant délit en fuite après la commission des faits délictueux peut être arrêté, poursuivi et emprisonné sans l’autorisation de l’Assemblée nationale. L’article 51 alinéa 2 permet l’arrestation d’un député quand les faits sont flagrants. Ici, on est dans le cadre d’une infraction flagrante qui venait de se commettre au moment où Oumar Sarr était interpellé», a-t-il fait comprendre. En effet, cette sortie survient après la réaction de l’avocat d’Oumar Sarr. Me El Hadji Amadou Sall a souligné que l’emprisonnement de son client constitue une violation de la loi en cela que la Constitution interdit la poursuite d’un député en session plénière. Laquelle position a été réitérée lors de son passage à l’émission Objections. Me Sall a indiqué que le débat n’est pas technique, mais plutôt politique. Il a, en même temps, accusé le Parquet d’avoir agi sur ordre de la Chancellerie qui a agi, elle-même, sur instruction du chef de l’Etat. «On ne peut pas violer l’immunité parlementaire. S’il se fonde sur les dispositions relatives au flagrant délit, pourquoi Oumar Sarr n’est pas jugé en flagrant délit? Il doit être jugé à la plus prochaine audience. Il ne doit pas aller devant le juge d’instruction», a analysé l’ancien Garde des sceaux sur les ondes de Sud-Fm. Déplorant l’arrestation du Sg adjoint du Pds dont le seul tort est, selon lui, d’avoir repris l’article du journal Le Monde, Me Sall a confié que «le communiqué du Pds date d’un vendredi et Oumar Sarr a été cueilli le lendemain. S’il y a un délit flagrant, on juge la personne en flagrant délit. Si ses propos sont outrageants, il doit être poursuivi pour offense au l’Etat. Il s’agit de manipulations de la justice pour régler des comptes personnels». Entre ces deux positions affichées par deux spécialistes du Droit pénal, le Pr Ndiack Fall vient trancher le débat. «Si le parlementaire commet des infractions après que son immunité a été déjà levée pour un cas d’infraction, une nouvelle levée de son immunité s’impose. La levée de l’immunité parlementaire est une disposition ponctuelle, on lève l’immunité pour une infraction déterminée», a déclaré l’enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences juridiques et politiques de l’Ucad. L’instruction se poursuit. Lentement. Mais sûrement. Pape NDIAYE