Attendu sur des mesures fortes permettant de redynamiser le secteur privé national, le Premier ministre tombe encore trop bas en s’attardant sur l’unification du patronat sénégalais. Pis, Mahammed Boun Abdallah Dionne, qui présidait, hier, l’assemblée générale de l’Unacois, ignore que depuis plusieurs années, ces organisations patronales ne parlent que d’une seule voix, malgré la diversité des sensibilités. Après sa colère noire, l’année dernière, lorsque le secteur privé réclamait le soutien de l’Etat à l’entreprise nationale, le Premier ministre a récidivé, hier.
Cette année, encore, il passe complètement à côté des nombreuses mesures d’accompagnement attendues par le secteur privé national, pour évoquer des questions terre à terre, comme l’unification du patronat sénégalais en une seule et unique organisation. Un vœu resté pieux depuis plusieurs années. Surtout à cause du comportement de l’Etat lui-même qui, souvent, rajoute à la confusion en soutenant telle ou telle organisation contre une autre ou à encourager une fronde pour des raisons purement politiques. En atteste la scission constatée au niveau de l’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unacois) dont le Pm présidait l’assemblée générale ordinaire de la sensibilité de Idy Thiam, ce mardi. Ce qui d’ailleurs semble être une incohérence, puisqu’une assemblée générale est normalement réservée aux membres de l’organisation. Un Pm qui a tellement de charges, n’avait apparemment rien à y faire, si ce n’est pour tenter d’y chercher des dividendes politiques pour son chef. Ce que le Premier ministre semble ignorer à travers son appel, c’est qu’au Sénégal, il ne se pose pas de problème de cohésion entre les différentes organisations patronales. Lesquelles se concertent sur les questions essentielles, et choisissent un seul porte-parole lorsqu’elles parlent avec l’Etat, comme dans le cadre du Conseil présidentiel de l’investissement (Cpi). Le Conseil national du patronat (Cnp), la Confédération nationale des employeurs du Sénégal, le Mouvement des entreprises du Sénégal ou encore l’Unacois se concertent et parlent toujours d’une seule voix, même si les sensibilités sont différentes pour plusieurs raisons compréhensibles. Car, les commerçants et industriels n’ont pas forcément les mêmes préoccupations vis-à-vis de l’Etat. Ainsi, le problème ne semble pas être dans la pluralité des organisations patronales, mais plutôt dans la fin des distorsions créées par le gouvernement ; et qui affaiblissent de jour en jour le privé national. La pluralité patronale existe dans toutes les grandes démocraties sans que cela ne soit un frein à l’appui de l’Etat au secteur privé national. Au contraire, elle constitue une très grande richesse. En France, le Mouvement des entreprises de France (Medef), la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (Cgpme) et l’Union professionnelle artisanale (Upa) cohabitent sans difficultés. D’ailleurs, la réaction des principaux intéressés, accrochés à la sortie de l’hôtel où se tenait l’Ag des commerçants, l’atteste parfaitement. «Nous sommes totalement en phase. Nous nous retrouvons depuis trois ans d’une façon systématique. Le secteur privé n’a pas de problème», dit Baïdy Agne. Et Mansour Cama de la Cnes d’ajouter : «Notre présence montre qu’on est ensemble. Je n’ai rien à ajouter sur ce que Baïdy vient de dire». Ainsi, s’il y a des secteurs où le Pm doit certainement inviter les acteurs à s’unir, c’est bien dans les 25 centrales syndicales de travailleurs et des centaines de partis politiques que l’on dénombre dans le pays sans qu’on y entende le collaborateur de Macky Sall, attendu sur des questions plus essentielles que celle de l’unification du patronat.
Seyni DIOP