A la barre du Tribunal spécial en charge du procès de Habré, le nom d’Idriss Déby, actuel chef d’Etat du Tchad a été souvent cité au cours des audiences. L’implication ou non de l’actuel homme fort de Ndjamena est appréciée de différentes manières. Seynabou Wade, député, a transposé hier ce débat judiciaire à l’Assemblée nationale. «Idriss Déby doit se présenter à la barre, sinon le procès d’Hissène Habré doit s’arrêter». Cette déclaration du député Seynabou Wade faite hier à l’Assemblée nationale va sans doute plaire aux souteneurs de l’ex-Président du Tchad jugé pour «crimes contre l’humanité, crimes de guerre et de torture».
Regard fixé sur le ministre de la Justice, Sidiki Kaba, Seynabou Wade poursuit : «Le procès Hissène Habré n’a plus de sens, au moment où il est jugé. Au Tchad, deux Généraux arrêtés en même temps que lui et jugés, ont été maintenant relaxés par Idriss Déby. On ne juge pas un réfugié politique. Si Idriss Déby ne vient pas, il n’y a plus de raison que ce procès se tienne». A cet instant, Sidiki Kaba et ses collaborateurs prennent note. Et du côté des députés, les débats se poursuivent. Lorsque la parole revient au ministre de la Justice, sa réponse au député sonne comme un rappel : «Ce sont ses propres concitoyens, compatriotes qui ont engagé une procédure contre Hissène Habré. Ils ont estimé que pendant son règne, il y a eu de violations massives des droits (…) et qu’on peut qualifier de crimes contre l’humanité. L’Union africaine a demandé au Sénégal de juger ou d’extrader Hissène Habré. Et la question principale était de savoir si on devait le juger ou le livrer à la Belgique afin qu’il y soit jugé. Et quand on a demandé au Président Macky Sall, il a choisi qu’il soit jugé ici». Pour le ministre, le fait que Habré soit jugé à Dakar constitue un prestige pour le Sénégal. «Le procès est en cours. Je ne peux pas savoir ce qui sera décidé. Toutes les garanties offertes à une personne seront exécutées. Le Tchad est un pays souverain qui peut organiser un procès chez lui. Habré ne sera pas exécuté car la peine de mort a été supprimée par le Sénégal. La peine de mort n’est pas dissuasive. Si Habré n’était pas jugé au Sénégal et que nous le laissions partir au Tchad, il serait fusillé. Car en 2008, il a été condamné dans son pays. Le Sénégal a fait un acte de justice et de panafricanisme pour montrer que l’Afrique a la capacité de juger». Ouvert le 20 juillet dernier, le procès d’Hissène Habré se poursuit au palais de justice de Dakar, 33 ans après son accès au pouvoir, en 1982, et 25 ans après sa destitution, en 1990.