Quelques jours après les attentats, les Français doivent vivre avec la menace de nouvelles attaques terroristes. Pour certains, encore sonnés par les événements, ce climat d’insécurité peut nourrir un sentiment de peur. Pourquoi cette peur ? Est-elle naturelle ? Nous avons posé la question à un spécialiste. Est-il normal d’avoir peur ? Oui, il est sain et normal d’avoir peur car notre cerveau est équipé pour. En effet tout se joue au niveau de l’amygdale : cette zone du cerveau se charge de traduire les stimuli environnementaux en émotions. Et face à un danger et/ou à une situation inconnues, l’amygdale fonctionne comme un système d’alerte : la peur générée incite à plus de vigilance pour favoriser notre survie.
La peur est une réaction saine mais animale liée à notre cerveau reptilien. Ce retour soudain à ces réactions animales comme le fait d’être à l’affût et en hyper vigilance par exemple est déstabilisant par son caractère inhabituel. Quels types d’événements déclenchent la peur ? La peur est un ressenti qui est lié à nos expériences vécues et à notre mémoire. Pour s’imprimer dans notre cerveau, la peur est toujours associée à une situation, un souvenir, même si on ne l’a pas vécu directement (cela peut être des choses vues dans les médias). On utilise des images pour ranger cette peur, en l’occurrence dans le cas des attentats, on peut associer la peur à des termes qui renvoie à des images bien définies comme celui de “guerre”, employé par les politiques. Mais cette association est anxiogène et peu rassurante car elle entretient la peur en nous rappelant le caractère durable de la menace terroriste. La violence sous toutes ses formes (morale, physique, traumatismes (accidents de voiture), événements pénibles de la vie), peut également faire naître de la peur. Enfin, la peur peut être contagieuse : entouré de personnes apeurées, on finit par l’être soi-même. C’est la peur par mimétisme. Comment définir la peur ? Est-ce un sentiment ? Une émotion ? En fait, la peur est une émotion mais aussi un affect, c’est-à-dire un ensemble de mécanismes biologiques qui répondent à des pulsions et qui influencent le comportement. Ces affects sont souvent désignés par deux mots d’une inégale intensité, le second mot étant plus fort. Dans le cas de la peur, cela fait appel à l’affect “peur et terreur” : on peut avoir peur et se sentir terrorisé dans le même temps. La peur peut aussi être connectée à l’affect de la surprise et du sursaut, c’est-à-dire qu’on est surpris par les événements. On distingue aussi l’affect d’anxiété et de détresse. Les attentats ont pu affecter certaines personnes en les mettant en état de détresse, même si elles n’ont pas été touchées directement par les événements. Est-elle associée à d’autres émotions ? Bien souvent, la peur s’accompagne toujours d’autres émotions que sont la colère et/ ou la tristesse dont on devra s’affranchir pour se libérer de cette peur. Alors que la tristesse peut mener à la dépression et à l’isolement, la colère peut aussi s’avérer dangereuse si elle est dirigée vers les autres et consiste à trouver un coupable extérieur. Or le fait de projeter ses émotions en dehors de soi-même empêche de reprendre la responsabilité pour mieux se libérer de ses peurs. Au contraire, cela crée un cercle vicieux dans lequel la peur alimente la peur. Face à un danger et/ou une situation inconnue, avons-nous tous les mêmes réactions ? En fait, la peur engendre trois réactions primaires que l’on a d’ailleurs pu observer après les événements récents : La première réaction est de vouloir prendre la fuite : le réflexe est de partir le plus loin possible pour éviter le danger. Puis vient l’apathie : on se sent impuissant, on ne sait plus quoi faire, on ne peut plus bouger… Tout perd son sens, on ne voit plus pourquoi on irait travailler, on n’a plus envie de sortir, etc. Enfin l’agression. Certains font face à la peur en devenant soi-même violent, ce qui peut expliquer certains faits-divers après les attentats. Et physiologiquement, comment se traduit cette peur ? Le corps peut répercuter l’émotion de manière physiologique : mains moites, tachycardie, gorge serrée, mal au dos, étourdissements, tremblements, mal au ventre… La peur peut aussi modifier notre comportement : on n’arrive plus à parler, on peut procrastiner (remettre au lendemain), devenir plus agressif, ou avoir des attitudes qui ne nous ressemblent pas. On peut par exemple accumuler des choses dans notre intérieur, fermer la porte de chez soi plusieurs fois, etc. On peut aussi s’inventer des scénarios imaginaires par exemple mettre en scène la façon dont on aurait réagi pendant les attentats pour se protéger ou à l’inverse s’effrayer un peu plus. Au niveau sensitif, on peut ressentir de l’oppression, de l’irréalité (on a du mal à croire que les choses sont réelles et se sont produites) ou encore un détachement extrême (on ne se sent pas concerné par les événements et on met la situation à distance). Comment arriver à s’extirper de cette torpeur ? Si tout le monde n’est pas impacté de la même façon par la peur, il faut faire attention à ne pas rester enfermé dans ce mécanisme. Pour s’en sortir, il peut être judicieux de focaliser son attention sur des informations qui aident à mettre cette peur en perspective pour mieux la distancier, plutôt que sur des messages anxiogènes et qui alimentent nos craintes.