Dès 2001, le Sénégal s’est engagé dans la lutte contre le terrorisme dit islamiste. Sous Wade, il y a eu quelques arrestations, mais depuis l’arrivée de Macky au pouvoir, l’affaire a pris une ampleur sans précédent, notamment ces dernières semaines. Le problème est qu’on condamne des gens sans présenter la moindre preuve crédible. «Soupçonnés», «supposés», «suspectés», voilà ce qu’on entend. Leur délit : «apologie du terrorisme». C’est vague comme un mirage dans le désert. Certes, ce sont des journalistes ou soi-disant qui donnent ces informations, mais si les autorités, qui sont leurs «sources», ne les recadrent pas, ne les rectifient pas et ne les démentent pas, on ne peut que les soupçonner de consentir à la propagation de ces histoires à dormir debout.
Dans certains pays, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, les autorités ont déclaré la guerre à l’islam et ont à leur solde des journalistes qui propagent toutes sortes de mensonges. On installe la psychose et ensuite, on peut faire gober aux gens tout ce qu’on veut. Souvent, il s’avère que les terroristes sont fabriqués par ceux qui prétendent les combattre. Espérons que ce ne sera pas le cas au Sénégal. Ibrahima Ly, un recruteur de djihadistes au parcours ahurissant Ibrahima est né et a grandi en France. On nous dit qu’en 2011, il était arrivé à Mbour et qu’un service étranger l’avait sitôt signalé aux autorités sénégalaises. Il avait réussi à leur échapper pour se rendre en Syrie où il s’est entraîné pour faire le djihad. Il y resta jusqu’en 2015. Il se rendit ensuite à Istanbul et fut immédiatement signalé aux autorités turques qui l’arrêtèrent et le refoulèrent. Normalement, ça devait être vers la France qui le recherchait, mais c’est à Dakar qu’il atterrit. Dès son arrivée à l’aéroport Léopold Sédar Senghor, le système Sécuriport l’identifie comme faisant l’objet d’une «opposition» émise par la Dst, le contre-espionnage. Etrangement, on ne l’arrête pas. Il part s’installer à Mbour. Des policiers en civil le prennent en filature pendant une semaine. On se dit qu’ils vont le prendre la main dans le sac. Oh que nenni ! Rien à signaler. Le «musulman fanatique», qui recrute des combattants pour l’islam, ne va même pas à la mosquée juste à côté de chez lui. Et personne ne le connaît dans le quartier. On l’arrête quand même. Il est placé sous mandat de dépôt pour «apologie du terrorisme, actes terroristes et association de malfaiteurs en rapport avec des activités terroristes». Où sont les preuves ? On nous dit qu’il est «soupçonné d’avoir trempé dans des attentats terroristes en France et en Syrie». Quels attentats ? On dit aussi qu’en France, il avait recruté et envoyé seize jeunes faire le djihad en Syrie. Rien ne nous permet de le démentir, mais on aimerait bien savoir quand et comment, car il est dit que de 2011 à 2015, Ibrahima s’entraînait en Syrie. Et ce qu’on comprend encore moins c’est pourquoi ce citoyen français n’a pas été immédiatement extradé vers la France où il a commis ses «actes terroristes» et ses «recrutements»… Aux dernières nouvelles, des agents français seraient venus l’interroger et l’ont laissé moisir à Rebeuss. N’est-ce pas ahurissant ? On soupçonne, donc on emprisonne Mi-octobre 2015, l’imam Ibrahima Sèye, qui est aussi professeur d’histoire-géographie, «a été arrêté à Kolda pour de présumées relations avec Boko Haram». Là, on tombe des nues car Boko Haram, qui considère que l’école occidentale est «haram», s’en prend particulièrement aux élèves et enseignants. C’est comme arrêter un Noir parce qu’on le soupçonne d’être membre du Ku Klux Klan. Fin octobre 2015, on apprend que «quatre présumés terroristes arrêtés par la gendarmerie sont soupçonnés de préparer des actions subversives». Un journaliste écrit que l’un d’eux est l’imam Alioune Badara Ndao, «dont le discours virulent avait été constaté, comme du reste ses liens supposés avec des mouvements radicaux islamistes». Là, on s’y perd. Soit les liens sont constatés ou ils sont supposés, pas les deux à la fois. Parmi ces quatre, il y a deux femmes «soupçonnées d’appartenir à Al-Qaïda». Elles sont, nous dit-on, des amies de longue date et sont toutes deux mariées. Elles seraient perdues par des «retraits d’argent qui se faisaient via un réseau de transfert d’argent. L’une d’elles serait l’épouse d’un Sénégalais arrêté au Nigeria et soupçonné appartenir à Boko Haram». Décidément, il y a énormément de soupçons et toujours aucune preuve. Un journal relate que ces deux femmes, «présumées djihadistes, sont soupçonnées de faire l’apologie du terrorisme. Ainsi, pour procéder à leur arrestation, les éléments du Gign composés de près de 50 hommes, ont tiré deux coups de feu en l’air, pour intimider les belles-sœurs présumées dangereuses». Comment peut-on soupçonner quelqu’un de faire l’apologie de quoi que ce soit ? On remarque aussi que les amies de longue date sont devenues des belles-sœurs. Mais retenons que le Sénégalais, mari de l’une d’elles, est arrêté au Nigeria, pas ailleurs. Soumaré devient Diokhané Le lendemain, on nous dit que les quatre «terroristes» «sont liés à un Sénégalais du nom de Soumaré intercepté par les autorités nigériennes». Tenez, ce n’est plus le Nigeria, mais le Niger. Et retenons que le Sénégalais arrêté s’appelle Soumaré. Mais continuons notre lecture : «Alioune Badara Ndao a été formellement mis en cause pour des liaisons réelles avec le mouvement terroriste Boko Haram. Et plus précisément avec un de ses membres, un Sénégalais du nom de Soumaré. Ce dernier a été tout récemment arrêté à Niamey (Niger) avec une quantité importante de faux billets. Les recherches des autorités nigériennes ont permis d’attester que Soumaré était un pion de Boko Haram chargé de trouver des ressources financières pour l’organisation terroriste.» Soumaré est-il le mari d’une des deux belles-sœurs si dangereuses qu’il a fallu 50 agents et des coups de feu en l’air pour les arrêter ? Si oui, comment a-t-il pu effectuer des transferts d’argent avec des faux billets ? Notons qu’il est membre de Boko Haram et les femmes membres d’Al-Qaïda. Reprenons cet article : «Tout est parti de l’arrestation d’un Sénégalais du nom de Diokhané à la frontière nigériane. Il aurait de solides liens avec Boko Haram. Il se trouve que depuis juin, tous les services étaient mobilisés pour connaître les contacts de Diokhané, mais aussi pour retracer ses déplacements. Son épouse, membre d’un dahira très radical, sera ainsi identifiée et arrêtée en même temps que sa belle-sœur. (…) Les forces de sécurité auraient réuni un dossier béton où il est question d’envois de plusieurs millions de francs Cfa effectués par Diokhané en faveur de toutes les personnes arrêtées jusqu’ici. Or, Diokhané n’exerce aucune activité légale et aurait des liens étroits avec plusieurs responsables de Boko Haram…» On remarque que Monsieur Soumaré est devenu Monsieur Diokhané. Et le conditionnel est utilisé pour étaler les preuves du «dossier béton». La «quantité importante de faux billets» est devenue «un faux billet». On nous dit que «Makhtar Diokhané, connu pour ses relations avec plusieurs chefs de Boko Haram, était en partance pour le Nigeria lorsqu’il a été intercepté par les services de sécurité nigériens au cours d’un contrôle de routine à la frontière. Il était en possession d’une liasse d’argent, dont un faux billet. Ce n’est que plus tard, que les Nigériens ont été informés par les services de sécurité sénégalais qu’ils ont entre leurs mains un «gros» morceau. D’ailleurs, le Sénégal a demandé à Niamey son extradition à Dakar.» Monsieur est connu pour ses relations avec Boko Haram. Par qui et comment ? Depuis quand ? En tout cas, les Nigériens n’en savaient rien. Mais, rappelez-vous qu’au début, on nous avait dit que Soumaré «a été tout récemment arrêté à Niamey (Niger) avec une quantité importante de faux billets. Les recherches des autorités nigériennes ont permis d’attester que Soumaré était un pion de Boko Haram chargé de trouver des ressources financières pour l’organisation terroriste». Dans cette première version, ce sont les autorités nigériennes qui ont révélé le lien avec Boko Haram. Et dans la deuxième, ce sont les services sénégalais qui les ont informés. C’est énorme ! Aussi, Niamey n’est pas à la frontière entre le Niger et le Nigeria. Qui sont les deux femmes ? «La femme de Diokhané, adepte du burqa et à la tête d’un dahira très radical, par qui passaient de fortes sommes d’argent pour financer d’autres dahiras, est arrêtée ainsi que la belle-sœur de Diokhané». Ainsi, les deux femmes présentées au début comme des amies de longue date, puis devenues belles-sœurs, sont maintenant des sœurs. Coumba Niang et Marième Sow sont leurs noms. Elles sont donc des sœurs utérines. Mais pourquoi n’a-t-on pas arrêté tous les membres de ces dahiras terroristes ? Boko Haram devient Aqmi «Les Rg ont établi des «connections réelles» entre Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) et l’Imam Alioune Ndao de Kaolack. Lors de son interpellation rocambolesque, les éléments de la Section de recherches ont trouvé dans sa chambre deux téléphones satellitaires et un fax. Du matériel assez suspect s’ajoutant au train de vie de l’Imam ainsi que ses connections fréquentes sur Internet avec des personnes suspectées de lien avec des groupes terroristes particulièrement Aqmi.» Tenez, ce n’est plus Boko Haram, mais Aqmi. Mais c’est le «train de vie de l’imam» qui attire plus mon attention. Je suis persuadé que les auteurs de ces lignes n’ont pas fait l’effort d’aller sur place. Seul Xalimasn.com a fait ce travail élémentaire de journaliste. http://xalimasn.com/temoignages-emouvants-qui-est-reellement-oustaz-alioune-badara-ndao/ Quand on regarde cette vidéo réalisée par Babacar Soda Ndiaye et son équipe, on voit bien que ces gens-là ne roulent pas sur l’or. On apprend même que l’imam dormait sur un matelas qui s’effritait. Ce qui suit donne le tournis «Pour ce qui est des dames de Guédiawaye (Marième Sow et Coumba Niang), les pandores qui ont procédé à leur interpellation, ont trouvé à leur domicile de l’argent en dollars d’une valeur estimée à 450 millions de dollars ! Il est également établi qu’elles étaient en contact régulier avec un membre de Boko Haram, Makhtar Diokhané, arrêté au Niger avec des faux billets». J’imagine que vous avez dû relire «450 millions de dollars». Cela fait plus de 266 000 000 000 de francs Cfa. J’aimerais qu’on nous parle du «train de vie» de ces femmes à Guédiawaye. Et de grâce, qu’on ne nous dise pas que ce sont des faux billets envoyés par Western Union, Wari ou autre. Ah ! Ils vont sans doute diminuer considérablement les zéros pour faire un peu crédible. Et ça n’a pas tardé. Allez, on raye quelques zéros : «Nos sources renseignent que les dames présentées comme les épouses de Diokhané ont été perdues par la somme d’un montant de 80 millions de francs Cfa que les enquêteurs auraient découverte chez elles.» Maintenant, ce ne sont plus des dollars, mais des francs Cfa, et la somme a été divisée par 3325. Quel rabais ! Et puis, voilà Marième et Coumba devenue des coépouses. «Mamadou Sall a été inculpé des chefs d’association de malfaiteurs, blanchiment de capitaux et complicité desdites infractions. Idem pour Youssou Ndiaye et les épouses du sieur Diokhané, présumé terroriste qui aurait été tué au Nigeria…. » Ainsi, Diokhané, ex-Soumaré, serait déjà mort… au Nigeria. Franchement, ça ne fait pas sérieux. Avec ça, il est clair que n’importe quel Sénégalais peut être arrêté à tout moment et jeté en prison pour «apologie du terrorisme, actes terroristes et association de malfaiteurs en rapport avec des activités terroristes» ou pour «délit d’atteinte à la sûreté de l’État». Pas besoin de preuves. On dira tout simplement que «l’enquête est strictement verrouillée, et que les seules personnalités qui sont briefées sur les auditions et les éléments réels des investigations sont les autorités au plus haut sommet.» Serigne Touba aussi… C’est l’occasion de rappeler que Serigne Touba avait été déporté parce que les Français le soupçonnaient de préparer le djihad. Si c’était aujourd’hui, le motif serait «apologie du terrorisme, actes terroristes et association de malfaiteurs en rapport avec des activités terroristes». Les personnes arrêtées affirment n’avoir aucun lien avec des groupes terroristes, pourtant, elles sont au trou et ne peuvent compter que sur Dieu pour les soutenir. L’Iman Ndao a dit : «Ma conscience m’a libéré, car je n’ai fait aucun mal. (…) Je ne me sens pas en prison et je ne la crains pas. Ce qui me préoccupe, c’est mon «daara» et je demande aux gens de s’en occuper pour que les enseignements se poursuivent.» «Et lorsque les limiers lui ont demandé s’il faisait l’apologie du djihadisme dans ses sermons, il aurait rétorqué : «Si traduire le Coran, c’est appeler au djihadisme, donc tous les musulmans sont des djihadistes.» Un nommé Ibrahima Hann, père de quatre enfants, vient d’être arrêté à Kaolack pour «apologie du terrorisme». On a aussi arrêté un nommé Leyti Niang qui serait un bras droit de Makhtar Diokhané. Beaucoup d’autres seront ainsi séparés de leurs familles. On arrête de pauvres gens pour des menaces terroristes dont on n’a aucune preuve, mais on laisse tranquille un vice-président de l’Assemblée nationale qui, devant des millions de téléspectateurs, menace de lâcher une bombe qui va raser le port de Dakar, voire tout le pays. Imaginez si, dans la république de Macky Sall, un petit imam ou un musulman lambda avait dit cela. Bathie Ngoye THIAM