Finis les témoignages des Hajaraï et des Zaghawa, place désormais aux dépositions des victimes de la communauté Sara. A la barre, hier, Jean Noyoma a étalé sa mésaventure.
Avant le début de son audition, le témoin Jean Noyoma Kouvounsoma a manifesté son indignation face aux «calomnies et injures» soulevées en direction de certains «témoins préfabriqués pour charger l’ex-président Hissène Habré».
«Cela choque, sidère et traumatise les témoins qui ont subi l’horreur des lieux et privation de liberté sous le régime de Habré», a dénoncé le témoin. Mais le juge Gustave Gberdao Kam lui fait savoir que «le jugement de la presse ne préoccupe guère la Chambre, mais plutôt les faits discutés devant le prétoire».
La précision faite, Jean Noyoma a fait sa déposition sur les exactions et tortures déroulées sous le règne du président Hissène Habré. Occasion qu’il saisira pour revenir sur l’épisode de son arrestation, par le coordonnateur de la Direction de la documentation et de la sécurité (Dds), Mouhamet Djbrine El Jonto. Soupçonné d’être de connivences avec l’ambassade de la Lybie au Tchad, Jean Noyoma sera arrêté, torturé et emprisonné. Il fera des séjours dans diverses prisons.
Dans un climat de suspicion généralisée, l’agent sanitaire sera arrêté en plein service, le 11 mai 1989. Puis, il sera enfermé dans une petite cellule de la Dds. C’est de là que va démarrer ses pires supplices. Face aux réponses jugées «insatisfaisantes» de ses tortionnaires, il sera soumis aux formes de tortures les plus cruelles qui ont pour noms : albatrachar, ingurgitation d’eau…
Après trois jours de faim et de tortures, il sera transféré à la prison de la Brigade de surveillance et d’intervention rapide (Bsir). Deux semaines plus tard, cap sur la prison du Camp des Martyrs. A la Bsir, il s’agissait de petites cellules de 1,5 mètre sur 2 mètres de long où étaient entassés six détenus. S’agissant des conditions détention, le témoin révèle que c’était un seul repas constitué d’une petite boulette avec une sauce fade et sans saveur qui était servi aux détenus. En ce qui concerne les cellules, il n’y avait ni lumières, ni aération. Selon lui, les détenus qui dormaient à même le sol étaient obligés de faire les toilettes en pleine cellule.
Jean Noyoma n’a dû son salut qu’à la suite d’une grâce présidentielle signée le 22 décembre 1989 par Habré. C’est d’ailleurs fort de ce constat qu’il impute son arrestation et les pires supplices qu’il a subis à la prison à l’ex-homme fort de N’Djaména. «Habré ne peut donner la liberté à une personne qu’il ne connaît pas», précise-t-il. Témoin et partie civile dans ce dossier, il demande réparation parce que, durant son séjour carcéral, il a subi des dommages liés à la perte de son enfant suite à l’avortement de sa fiancée. Mais aussi, une infirmité permanente au niveau de son bras droit et la perte de ses biens matériels. Et pour boucler la boucle, la baisse de sa vision et de sa virilité.