Dans l’émission «Li ci penc mi» de la Tfm animée par Assane Guèye le 22 octobre 2015, deux propositions ont été notées pour «dénouer» le clivage supposé entre le président Wade et le chef de l’État, le président Macky Sall.
Au moment où Serigne Mbacké Ndiaye a recommandé une grâce présidentielle pour Karim Meissa Wade, Doudou Wade laisse glisser en filigrane l’idée d’amnistie pour son parent très proche.
Tous les deux calculateurs sont encore dans la politique fiction après que toutes les stratégies eurent échoué pour sortir leur protégé des griffes de la justice sénégalaise souveraine. Ils ont d’abord essayé le chantage déguisé genre grand déballage et se sont rendu compte qu’il n’y avait rien à déballer du côté du pouvoir actuel. Ils ont ensuite joué la carte de la désinformation avec une alchimie juridique mayonnaise qui n’a pas pris. Ils ont enfin joué avec le feu de la terreur en promettant l’enfer. Bref, toutes les stratégies utilisées pour faire libérer Karim Meissa Wade ont échoué.
Aujourd’hui, saisissant l’appel aux retrouvailles Wade-Macky lancé par Serigne Bass Abdou Khadre, les revoilà nos amis du Pds qui embraient comme pour mettre le président Macky dans la posture de celui qui refuse le dialogue. Serigne Bass a l’élégance de ne pas être dans les clivages. Il est dans son rôle et devant une délégation du Pds venu dans le cadre du Magal de son illustre père, le saint Serigne Abdou Khadre Mbacké, le chef religieux se devait d’apaiser et d’indiquer la voie de la paix. C’est pourquoi nous saluons tous son appel fait dans son salon devant une délégation du Pds. Cet appel est assez illustratif et ne doit pas être interprété comme une invite uniquement destinée au président Macky Sall. Le président Wade aussi doit faire preuve de plus de hauteur lui qui a refusé jusqu’ici le dialogue en mettant sur la table le cas Karim Wade comme condition non négociable. Doit-on aller vers un dialogue entre deux présidents ou entre un chef d’État et le papa de Karim Wade ? Souvenons-nous de la concertation dans le cadre de l’acte 3 de la décentralisation, le Pdsd avait refusé la main tendue.
L’émission «Li ci penc mi» de la Tfm a le mérite d’avoir fait tomber le masque, en donnant la version du neveu Doudou Wade qui peut librement aller à Versailles recueillir l’avis «éclairé» de son mentor comme du temps peu glorieux de l’arrogance parlementaire qui nous avait tristement donné la fameuse loi d’amnistie dite loi Ezzan en 2005 pour extirper de prison les auteurs de l’assassinat de Me Babacar Sèye, ancien vice-président du Conseil constitutionnel, et mettre à l’abris de poursuites ultérieures les vrais commanditaires de ce crime odieux. Un référendum sur la question n’aurait pas donné une amnistie. Les députés sous la dictée avaient commis le forcing indigne. Aujourd’hui c’est l’ancien thuriféraire membre de la famille Wade qui reprend péniblement du service pour reparler d’amnistie au moment où l’autre théoricien sous le couvert d’un bon sens de circonstance nous rabâche les oreilles avec sa trouvaille (Eureka !) sur la grâce présidentielle.
Les citoyens doivent savoir que par la grâce, le président de la République dispense au condamné de subir sa peine. Une grâce peut être accordée sur demande individuelle ou sur la base d’une remise de peine collective comme de coutume lors de la célébration d’évènements nationaux dans beaucoup de pays au monde. La grâce n’efface pas l’infraction, c’est juste une dispense d’exécution d’une peine.
Si l’ancien président du groupe parlementaire libéral «spécialiste» en amnistie enfourche aujourd’hui cette option, c’est en raison du confort que cela confère. En effet, l’amnistie est un acte législatif qui supprime rétroactivement l’infraction. C’est une sorte de rédemption qui semble vouloir faire comme si de rien n’était. Elle donne une nouvelle virginité. Pour le cas de l’assassinat de Me Babacar Sèye, c’est comme s’il s’agissait d’un assassinat sans assassins. Il a fallu dans l’option en 2005 trouver un prétexte fallacieux par «l’amnistie de tous les auteurs et commanditaires de crimes et délits en relation avec les élections de 1993 à 2004». Cela coulait de source que l’objectif était de faire sortir les assassins de Me Sèye et de protéger sur terre les commanditaires.
Nous devons savoir que Doudou Wade de par sa proximité avec le Pape du Sopi, a une parole plus crédible que celle des porte-parole attitrés qui font vite par exemple de trouver la responsabilité de l’Etat sénégalais dans le drame de Mouna. La parole de Babacar Gaye dans cette tragédie n’était sans doute pas celle des militants du Pds. Ce n’est pas non plus Mamadou Diop Decroix qui peut parler pour le Pds, lui dont le parti And Jëf est arrivé en dernière position sur les listes élues à l’Assemblée nationale en 2012 avec 15 889 voix sur 1 961 776 suffrages valablement exprimés soit 0,81 % des suffrages. Avoir ce pourcentage extrêmement médiocre et bénéficier «gratuitement» des projecteurs somnolant du Pds pour exister à travers le Fpdr est une prouesse de cet homme de gauche qui est comme dans une logique de prédation du Sopi.
Diop Decroix sait bien que la politique sociale du président Macky est sans commune mesure avec ce qui s’est fait jusqu’ici au Sénégal. Il sait pertinemment que la rectification vers plus de souveraineté économique et sociale est en marche à travers le Pse. Je crois qu’il doit dépasser son différend avec Landing Savané pour retrouver le président Macky au nom d’une ligne de masse restée intacte. Il doit se souvenir qu’au lendemain de l’élection présidentielle de 2012, le président Wade avait chassé sans gants tous les souteneurs de la Cap 21, les poussant à devoir aller se battre seuls aux élections législatives. D’ailleurs, il y avait une fameuse liste dénommée Cap 21 lors de ces élections parlementaires et elle avait, pour la petite histoire, récolté 6 717 voix, soit 0,34 % des suffrages équivalents à zéro député.
Le poker actuel de l’opposition nommé Fpdr est une chimère de même que la tentative du parti Rewmi de phagocyter le Pds à travers l’offre d’un groupe parlementaire de simple circonstance dont l’échec est sans commune mesure. Une réunion entre Idy et le Pds n’effacera jamais les propos des fameux Cd1 et 2 de Ngorsi sur Gorgui et sa famille. Le président Macky a le mérite de n’avoir jamais dit de propos inélégants concernant Wade. Tout le contraire de Idrissa Seck, président du Conseil départemental de Thiès, salarié de la République à ce titre et brillant par une absence à Thiès et au Sénégal que ses défenseurs expliquent par sa posture d’expert travaillant à l’international pour gagner son pain à la sueur de son front. Et le pain du Conseil départemental de Thiès est-il gagné à la sueur d’un front ?
Sous cet angle éthique, la leçon du président Macky était la démission du poste de maire de Fatick et de toutes autres fonctions pour aller conquérir la magistrature suprême. Idrissa n’est pas dans la conquête du pouvoir qu’il sait avoir perdu par une baisse tendancielle de son électorat, comme l’attestent les presque 300 000 voix perdues entre 2007 et 2012 (510 922 voix en 2007 contre 212 853 en 2012). Le Pds aussi est dans cette même baisse tendancielle irréversible avec un Wade à 1 914 403 voix en 2007 qui perd presque un million de voix pour rester à 942 327 en 2012. Quand Wade perdait un million d’électeurs en 2012, il y avait encore dans le Pds les illustres dissidents actuels que sont Pape Diop, Abdoulaye Baldé, Souleymane Ndéné Ndiaye, Modou Diagne Fada, Awa Diop, Mamadou Lamine Keïta, Thierno Lo, Abdou Fall, Serigne Mboup, etc. C’est dire que le Pds tendra de plus en plus vers un simple magma constitué de la famille de Wade et ses inféodés.
En vérité, pour revenir aux fameuses retrouvailles, une chose est sûre : amnistie ou grâce, on n’en est pas encore là. En embrayant sur l’appel aux retrouvailles Wade-Macky pour atterrir directement sur de la politique fiction «grâce ou amnistie ?», les libéraux veulent faire passer dans l’opinion l’idée selon laquelle le blocage est dans le camp de la majorité. C’est cela que la perception émotive doit éviter pour rester dans la ligne de la politique de reddition des comptes et de lutte contre l’enrichissement illicite. Au-delà de l’analyse sentimentale, ce chemin de la vérité est le ciment de la refondation nationale qui est largement porté par le peuple. Le blocage du dialogue Wade-Macky n’est pas à rechercher du côté du chef de l’État qui est resté zen face à des attaques anachroniques du patriarche sur sa propre personne. Le président Macky n’est pas fermé au dialogue. Il l’est par contre à la compromission parce qu’il sait le caractère historique de cette nouvelle façon de gérer la chose publique. Des retrouvailles faites sur l’autel d’un renoncement à la vision transparente actuelle n’est pas envisageable sous le magistère du chef de l’Etat. Par contre, la magnanimité présidentielle inscrite à travers le pouvoir de grâce peut être discutée sur des bases n’occultant pas les faits déjà condamnés par la justice. Le peuple ne comprendrait pas une négociation de peine.
La question est juste de savoir si la prise en compte de la vérité est bien dans les deux versants de la même théorie wadienne portés par Doudou Wade et Serigne Mbacké Ndiaye et dont la trame ne porte malheureusement que sur un seul nom : Karim Meissa Wade. Cette façon de voir interpelle d’abord ceux qui encore pensent se battre dans le Pds pour un idéal. Le peuple a fini de comprendre l’enjeu malgré le jeu de buzz médiatique des acteurs. C’est pour un million d’électeurs qui avaient tourné le dos à Wade entre 2007 et 2012. En 2017, les vrais libéraux épris de progrès auront fini de rejoindre un des leurs : le président Macky parce que le combat wadien actuel n’a aucune portée dans le vécu des citoyens. Si le papa de Karim veut rencontrer le président Macky, je ne crois pas que les portes lui soient fermées. Si également l’ancien président Wade veut donner un avis sur la vie économique et sociale du Sénégal, le président Macky sera preneur. Ce qui sera inacceptable, c’est la recherche d’une mesure sapant la trajectoire actuelle du Sénégal faite de progrès et de transparence.
Mamadou NDIONE
Économiste Écrivain
Cadre Responsable Politique Apr Diass