Ce sont des molécules chimiques présentes dans l’environnement qui agissent à très faibles doses et peuvent perturber l’équilibre hormonal des êtres vivants. Un bon nombre d’entre elles se comportent comme l’hormone féminine œstradiol et empêchent ainsi les hormones mâles (androgènes) d’agir normalement, dès le développement in utero. Qui n’a pas entendu parler du fameux bisphénol A ? II est désormais interdit dans les biberons et les contenants alimentaires destinés aux enfants de moins de trois ans, mais entre toujours dans la fabrication de récipients plastiques rigides et transparents, ou dans les résines qui tapissent les boîtes de conserve. À ses côtés sur le banc des accusés : phénols, phtalates, parabènes, ou encore les retardateurs de flamme et les PCB.
Pourquoi ont-ils tant augmenté? Parce que tout est devenu chimique dans notre société et qu’ils entrent dans la composition d’antioxydants, de détergents, de conservateurs, de très nombreux pesticides dont la France demeure le premier consommateur en Europe-ainsi que dans les non moins nombreuses matières plastiques (polycarbonates). Où trouve-t-on ces perturbateurs? On les respire, on les ingère, on les applique sur la peau… Ce ne sont pas les sources de contamination qui manquent: on les trouve dans les détergents ménagers et les peintures (alkyl phénols), dans les plastiques (phtalates), les cosmétiques (parabènes), les aliments, les jouets, la fumée du tabac, et même dans les médicaments! Quelque 400spécialités pharmaceutiques en contiennent aujourd’hui, heureusement à des doses nettement plus faibles que le fameux distilbène, prescrit aux femmes enceintes entre 1950 et 1980 pour éviter les fausses couches, qui a causé des malformations chez les enfants exposés in utero, ainsi que des cancers de l’utérus dès la puberté. Le bisphénol A, l’une des substances les plus préoccupantes, se trouve encore dans de nombreuses boîtes plastiques, les «bonbonnes d’eau» rechargeables, ainsi que dans les boîtes de conserve, les canettes de soda, les films alimentaires et les tickets décaissent. Même les savons et les gels antibactériens ont été soupçonnés en décembre dernier par les autorités de santé américaines. Peut-on leur échapper? Difficile d’y parvenir totalement. Mais les experts soupçonnent la période d’imprégnation d’être plus déterminante que la dose. Il est donc important de prendre des précautions durant la grossesse, l’allaitement, la petite enfance et la puberté. Éviter de consommer aliments en conserve et boissons en canette, au profit des surgelés et des récipients en verre. En attendant 2015 et l’interdiction du bisphénol A dans tous les contenants alimentaires. Ne pas réchauffer ses bons petits plats aux microondes dans les barquettes en plastique ou avec du film étirable, tout comme ne pas cuire ses gâteaux dans des moules en silicone. « Car la molécule du bisphénol A est instable quand on la chauffe et “migre” alors du plastique sur l’aliment. Alors qu’a priori, les récipients alimentaires en plastique ne posent pas de problème tant qu’ils restent au réfrigérateur », précise Ludivine Ferrer, de l’Asef. Oublier la vaisselle en plastique pour les pique-niques, les fêtes… ou les paresseuses ! Idem pour les produits ménagers sans écolabel. Acheter des légumes bios, ou bien laver fruits et légumes pour diminuer les résidus de pesticides dans les aliments. Choisir des cosmétiques sans parabènes. Quels problèmes de fertilité posent-ils? Depuis cinquante ans, la qualité du sperme est en déclin. Les perturbateurs endocriniens en seraient responsables. Portant sur plus de 26000 hommes, une vaste étude menée par l’Institut national de veille sanitaire (INVS) et celui de la santé et de la recherche médicale (Inserm), mise en ligne le 5 décembre 2012 sur le site de la revue «Human Reproduction», vient encore de le confirmer: la concentration en spermatozoïdes des Français a baissé d’un tiers entre début 1989 et fin2005. Pour un homme de 35ans, elle est passée de 73,6 millions par millilitre de sperme à 49,9 millions. Certes un homme n’est considéré comme stérile qu’en dessous de 20 millions par millilitre, mais à partir de 40 millions, la fertilité devient déjà compliquée, surtout lorsque les spermatozoïdes survivants sont plus souvent malformés et moins mobiles, ce qui est le cas. On comprend pourquoi l’OMS a qualifié les perturbateurs endocriniens de «menace mondiale» pour la santé humaine… Une étude européenne a montré par ailleurs que, dans les régions où la qualité des spermatozoïdes est la plus mauvaise, on enregistre aussi un nombre croissant de malformations de l’appareil génital à la naissance des petits garçons –cryptorchidie (testicules non descendus), hypospadias (malposition de l’urètre), diminution de la longueur du pénis– ainsi qu’un taux croissant de cancers des testicules et de la prostate. Les filles ne sont pas épargnées. Les perturbateurs sont soupçonnés d’abaisser l’âge de la puberté. Ils sont aussi particulièrement dangereux pour les femmes enceintes, en augmentant les risques de mortalité intra-utérine, de retard de croissance fœtale et de naissance prématurée. Ils sont aussi accusés de favoriser la survenue de cancer du sein, de leucémie et de tumeur du cerveau pour l’enfant à naître. Un sur-risque qui semble se transmettre à la génération suivante. Une étude réalisée à Washington, exposée lors du colloque international qui s’est déroulé à Paris en décembre 2012, suggère même que l’impact de ces molécules pourrait se répercuter jusqu’à la quatrième génération. Et ce n’est pas tout! Au triste palmarès des perturbateurs endocriniens, il faut encore ajouter l’obésité, l’asthme, les maladies cardiaques, les cancers du foie, des reins, de la thyroïde et même l’intestin irritable!