Jadis havre de paix, pays à l’hospitalité légendaire, le Sénégal glisse dangereusement dans les ténèbres de la violence sourde. Meurtres de nos semblables à tout-va, vols à main armée, banalisation de l’infanticide et de l’avortement, négligences diplomatiques sont devenus, hélas, le lot infernal de notre quotidien.
Au menu de ce film d’horreur continu, un festin funèbre où défilent différents acteurs qui y jouent différents rôles : Sénégalais d’ici et d’ailleurs se font descendre comme de vulgaires proies, laissant le citoyen ahuri par autant de cruauté à laquelle il n’est pas éduqué et préparé. Criminalité au Sénégal : Sur le plan interne, certains seraient tentés d’expliquer cette montée du crime par les phénomènes surnaturels (djinns, esprits maléfiques), la porosité de nos frontières, le chômage et l’oisiveté galopants de la grande masse de la jeunesse et l’insécurité mal maîtrisée dans les zones criminogènes : Grand Yoff, Pikine, Thiaroye, les Parcelles Assainies, Thiès…, très fertiles en sanguinaires.
Parmi les écueils à surmonter figure en bonne place l’équation des fréquentes coupures d’électricité. Y trouver un remède contribuerait à ralentir la cadence, car l’obscurité demeure la plus fidèle compagnie du criminel. Dépositaire de la violence légitime, l’Etat gagnerait à veiller à l’éclairage public, couplé aux actions concertées de la police et de la gendarmerie. Servir de forces d’appoint à des pays frères en proie à des guerres, c’est bien, mais la charité bien ordonnée exigerait d’assurer d’abord la protection continue de nos citoyens et de leurs biens, au sein du pays, d’abord. Dans le même sillage, cela aiderait aussi à endiguer la progression fulgurante de la drogue, notre pays étant devenu la plateforme de libre circulation de la drogue en Afrique de l’Ouest. D’autant que la criminalité prospère toujours dans les zones à forte circulation et consommation de la drogue.
Aussi, l’impunité systématique de beaucoup d’homicides inciterait-elle beaucoup de meurtriers à s’adonner au crime facile ou à la récidive. Progressivement, beaucoup d’entre eux assument fièrement leurs forfaits (crimes), ou s’en glorifient.
Sur la peine de mort : Dresser le constat de ces faits pousse une grande partie de nos concitoyens à en appeler au retour de la peine de mort au Sénégal, seul recours dissuasif et viable pour mettre fin au fléau. Seulement, le premier élément qui s’y oppose demeure le fait que le Sénégal a ratifié des traités internationaux qui ont conduit à l’abolition de la peine de mort au Sénégal en juillet 2004 sous Wade. Radicale certes, cette solution, me semble-t-il, ne risque pas de faire long feu si elle était appliquée. Sur le coup de l’émotion, le Sénégalais est de nature catégorique, mais compassionnel face à la douleur d’autrui, et le serait dès les premières exécutions.
Son application exige aussi des préalables :
– Revoir les peines et jugements de nos autorités judiciaires : la peine capitale ne peut être appliquée que pour les personnes dont la culpabilité est prouvée. La marge d’erreur doit être très faible, autrement le risque d’exécution d’innocents est évident.
– Développer la médecine légale : cette science qui détermine les causes de lésions d’une victime, les causes de décès (autrement l’autopsie). Celle-ci aidera à mieux comprendre le déroulement du crime, menant facilement à l’identification du meurtrier. Cela suppose aussi des enquêtes beaucoup plus professionnalisées, par conséquent plus de moyens alloués aux services d’enquêtes tels la police, la gendarmerie, la Dic, la Bac (Brigade des affaires criminelles).
– Circonscrire les motivations de ce retour éventuel, et surtout les relations entre les organismes de défense des droits humains (Amnesty International, Human Rights Watch, etc). Si la peine capitale devait être ramenée, l’image du pays en prendrait un sacré coup, surtout venant de ces organismes très liés aux grands investisseurs.
Et dans le fond, les plus grands opposants au retour n’ont pas connu les affres de la souffrance liée à la perte d’un être cher, ami, frère, sœur, enfant, mari, femme, tué sans merci, sans motifs ou pour de viles raisons. Pour l’une ou l’autre, il urge de trouver des solutions urgentes et réfléchies, qui puissent préserver des vies et rendre justice aux ayant droits.
Une diplomatie passive : Sur le plan externe, c’est à se demander si l’émigration n’est pas devenue un grand mouroir pour nos compatriotes. Du Maroc au Gabon, en passant par les Etats-Unis et la France, le Sénégalais est devenu comme l’une des proies préférées des criminels d’ailleurs. Difficile de croire que ces vaillants émigrés effectuent des envois chiffrés à 842 milliards de FCfa en 2014, ce qui représente 15,4 % du Pib du Sénégal. Ils méritent une meilleure considération de la part de nos autorités étatiques et diplomatiques.
La tristesse des familles des victimes contraste souvent avec la quasi indifférence de ces autorités. Des pays comme la France, les Etats-Unis, l’Iran sont même prêts à aller jusqu’à la rupture diplomatique, si un seul de leurs ressortissants est pris en otage ou tué. Faites la comparaison ! S’inspirer du système américain de nomination ne serait pas de trop, et nous épargnerait de la diplomatie passive. Cela consiste à d’abord lancer un appel d’offres national, afin d’identifier les hommes qu’il faut à la place qu’il faut, pour ensuite procéder à des enquêtes de moralité dans la nomination des ministrables, directeurs généraux ou présidents de conseils d’administration. La qualité en serait ainsi primée, au détriment du clientélisme.
Sinon comment expliquer le laxisme patent, et l’amateurisme de la diplomatie dans la gestion du pèlerinage à La Mecque de cette année ? Les pays qui se respectent, ne laisseraient pas leurs candidats au pèlerinage en rade, en train de divaguer dans un hangar, sans leur trouver des hôtels ou les dédommager, en attendant qu’une solution soit trouvée. Encore moins accuser un retard inexpliqué pour dépêcher les autorités au lendemain d’une bousculade aussi meurtrière.
Tout comme au sein du pays, nous avons besoin des meilleurs diplomates et consuls pour défendre au mieux les intérêts des nationaux. Telle la parade salvatrice pour un mieux être de nos concitoyens à l’étranger.
Laisser le cancer du crime proliférer, sur notre sol ou pour nos propres émigrés, ressemblerait à généraliser l’indifférence. Aucune vie ne vaut plus qu’une autre et agir aura son pesant sur nos vies aujourd’hui, et sur le legs à la postérité.
Alioune DIAGNE