Ancien chef de poste à la Direction de la documentation et de la sûreté (Dds), Malabi Toudjibedjé a été entendu, hier, à titre de témoin. Il a exposé les difficiles conditions de détention dans les geôles où plus de 700 prisonniers étaient entassés dans une minuscule. Témoignages.
Encore un témoignage à charge. Le ballet des témoins s’est poursuivi, hier. Ils ont une fois de plus exposé la cruauté des hommes de Habré dans la période allant d’avril 1982 à décembre 1990. Ancien chef de poste à la Direction de la documentation et de la sûreté (Dds), Malabi Toudjibedjié n’a pas fait dans la langue de bois pour dévoiler les difficiles conditions de détention à la Dds. Il est revenu longuement sur la situation des prisonniers dans les locaux de la Dds où dans une cellule de 4m de long et 6m de large, il pouvait y avoir jusqu’à 700 prisonniers. Toudjibedjé était censé faire un rapport sur les détenus tous les jours. Le taux de mortalité s’élevait à six morts par jour. «Les cadavres étaient enterrés par les prisonniers. Pendant les périodes de chaleur (mars-avril), le nombre de morts était sensiblement élevé, c’est-à-dire de 45 à 60 cadavres. Et, on mettait les cadavres dans un véhicule 404 bâché, pour les sortir de la Dds», a renseigné le témoin. Avant de poursuivre : «On creusait un grand trou où nous mettions tous les cadavres».
Comme pour se dédouaner, l’ancien agent de la Dds et aujourd’hui témoin, Toudjibedjié, a renseigné avoir donné à manger à des prisonniers. «Je ne pouvais plus accepter de voir les prisonniers mourir de faim. Ma conscience ne me le permettait plus. Ce jour-là, le directeur Saleh Younouss m’a surpris en train de donner à manger (du pain et de la viande) à deux prisonniers. Il m’a dit comment je peux donner à manger à des gens qui sont emprisonnés pour mourir. J’ai été emprisonné par la suite pendant un an et sept mois et mon rôle consistait à ramasser les morts pour les enterrer», a-t-il témoigné. Pour montrer l’implication de Habré par rapport à ces exactions, il précise : «Habré venait deux fois par mois dans les locaux de la Dds, accompagné par 3 à 4 gardes du corps. Quand il venait, il était souvent avec le directeur Saleh Younouss. Mais, on ne savait pas ce qu’il disait».
Sous le feu roulant des questions des avocats, le témoin a également soutenu avoir travaillé dans les différentes prisons de N’Djaména comme régisseur adjoint. Entre autres postes, il a été à la Dds et à la prison dite les «Locaux» où il y avait quatre cellules (A, B, C, D) et une cinquième (E) réservée aux femmes. «La cellule C était réservée aux prisonniers de guerre». Pour Toudjibedjé, tout ce qu’il a eu à faire dans les centres de détention, était des ordres qu’il a reçus de Salleh Younouss. Occasion qu’il saisira pour expliquer qu’en tant que chef de poste, il a assisté à plusieurs scènes de tortures. Et même si Habré ne visitait pas les prisons, note le témoin, il était au courant de tout ce qui se passait dans les centres de détention.