Dans une contribution intitulée Lettre à tous les Sénégalais publiée dans le quotidien Wal Fadjri du lundi 14 septembre 2015, le poète Amadou Lamine Sall écrit : «Il serait temps que nous nous parlions, que nous nous écoutions, que nous nous donnions la main pour que notre pays redevienne notre fierté, notre honneur, notre raison d’aimer.» Mais, Monsieur Sall, le Sénégal n’a jamais cessé d’être notre fierté, notre honneur, notre raison d’aimer.
Les Sénégalais n’ont pas de problème de sentiment national ou patriotique. Si vous doutez du Sénégal, tel n’est pas le cas de l’écrasante majorité. Ensuite, vous dites dans ce texte non structuré : « Le mal, c’est d’abord nous avant l’Etat.» Mais vous êtes aussi l’Etat. Vous êtes un fonctionnaire de l’Etat et vous gérez, depuis 1998, le projet du Mémorial de Gorée au ministère en charge de la Culture avec un budget de 60 millions par an des contribuables sénégalais et les apports de l’Unesco, du regretté Ibrahim Babanguida, Président d’alors du Nigeria et d’autres personnalités et institutions.
Ce projet n’a jamais vu le jour. Aucun bilan n’est fait. Aucun audit n’est effectué. Et l’actuel Président de la République est encore mystifié avec ce projet Mémorial de Gorée désuet, irréalisable et irréaliste pour nous parler encore de l’esclavage. D’abord, que l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) audite votre gestion du projet, que l’Unesco exige l’évaluation du processus depuis 1998 d’autant que c’est l’ère de la transparence et de la gestion vertueuse. Plus loin, vous mentionnez que «notre destin collectif ne peut pas être pris en charge par la seule République».
Vous êtes fonctionnaire, vous pouvez le dire car votre vision se limite à l’étroit espace étatique. Mais, les opérateurs économiques, les acteurs sociaux, culturels non étatiques, ceux de la profession libérale, les fonctionnaires lucides entre autres segments du secteur privé, n’assimilent pas leur destin à la République. Dommage, vous vous aventurez à faire un constat tout en passant à côté de la réalité dynamique et sociale en écrivant, je vous cite : «Il y a bien longtemps, on comptait des qualités dont on n’échappait pas au Sénégal : la gentillesse, la civilité, la culture, le poids de la foi, la beauté des femmes.
De nos jours, il n’existe presque plus rien, car la tromperie, la ruse, le parasitage, l’indignité, le paraître, l’indécence, la laideur, la violence, la cupidité, se sont confortablement installés dans notre société.» Interrogez les sociologues avertis, observez objectivement les mutations sociales, le Sénégal reste un peuple de gentillesse, de culture, les religions musulmane et chrétienne se développent surtout les jeunes sont dans les dahiras, les églises, la parenté à plaisanterie se cultive, on n’a jamais eu de coup d’Etat, la démocratie se consolide, les institutions fonctionnent…Ne peignez pas en noir le Sénégal même s’il y a certes des difficultés, des comportements à bannir et qui existent dans toutes les sociétés du monde.
En assénant : «Il est temps que notre rapport à l’argent soit repensé», c’est facile, demandez à être audité d’abord de votre gestion du Mémorial de Gorée devenu pompeusement Fondation mondiale pour le Mémorial et la Sauvegarde de Gorée. Donnez le bon exemple. D’ailleurs, où étiez-vous en tant que Secrétaire général de la creuse Fondation mondiale pour le Mémorial et la sauvegarde de Gorée lorsque la Secrétaire générale de l’Union mondiale de l’environnement et sa forte délégation, avec le maire de Gorée, visitaient l’île pour s’enquérir de la situation de Gorée menacée par l’érosion.
Par ailleurs, vous serinez dans votre texte: «Pour le moment la devise du plus grand nombre reste : Un Peuple, Un But: l’Argent. Ce dernier a bouleversé nos valeurs, nos modes de pensée et de vie dans une jungle sans nom.» Ceci est valable pour ceux ou celles dont l’éducation n’est pas solide. «Ma maman a l’habitude de dire que ceux qui sont cupides, qui sont liés à des scandales financiers et qui se laissent guider par l’argent n’ont pas une base éducative rigoureuse et soutenue.» Sur la situation politique, vous affirmez : «Nous savons combien notre pays est embouteillé par une invasion microbienne de partis.» Oui vous avez raison, mais, notre pays est aussi infesté d’intellectuels comme vous qui passent la pommade à tous les Présidents qui se succèdent. Nous avons la mémoire fraîche en relisant vos textes laudatifs sur les Présidents Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall. Tel n’est pas le cas pour Cheikh Aliou Ndao, Aminata Sow Fall, Boubacar Boris Diop, Tata Annette Mbaye D’Erneville, le poète Thierno Seydou Nourou Sall, Elie Charles Moreau, entre autres. Et ceux-là gardent leur dignité d’intellectuels.
Monsieur Amadou Lamine Sall, vous êtes poète, écrivez des poésies et épargnez nous de vos tartes, ces textes longs et insipides à travers les journaux. On ne vous a pas entendu sur la Crei, les inondations, les grèves, les industries culturelles à propulser, le monde rural, la jeunesse, les Etats unis d’Afrique (au moment où les Panafricanistes se concertent et bougent), etc. Vous passez votre temps à vous ériger en donneur de leçons aux Sénégalais ou à dresser un tableau noir du Sénégal ou même à dire du mauvais des livres des auteurs. Mais, personne ne retient un best seller du Poète Amadou Lamine Sall. Soyez plus humble dans vos diatribes au pays de Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadj Malick Sy, Mame Limamoulaye, El Hadj Ibrahima Niasse, El Hadj Omar Tall, Cheikh Bou Counta, Cardinal Hyacinthe Thiandoum, Thierno Souleymane Baal, Lat Dior Ngoné Latyr Diop, Sibulumbaï Diedhiou, Aliin Sitoye Diatta, Ndaté Yala, Dieumbët Mbodj entre autres.
Ibrahima NDIAYE,
Poète
Grand-Dakar, Villa N°244