Les auditions se poursuivent et se ressemblent. Sur les exactions commises par le régime de Habré, Me Mahamat Hassane Abacar n’a pas fait dans la dentelle. Arguments et documents à l’appui, il a chargé l’ancien homme fort de Ndjamena et ses présumés complices. Mettant à profit son audition, il a présenté les résultats de l’enquête établie par la Commission d’enquête des crimes et détournements commis durant le régime de Habré.
Une manière, pour lui, de montrer la cruauté de ce régime où cris, pleurs et gémissements ont été les maux des personnes détenues dans les centres de détention de la Direction de la documentation et de la sécurité (Dds).
Me Mahamat Hassane Abacar a rappelé la naissance de cette commission. Il a précisé que celle-ci a été mise sur pied par Idriss Déby «Itno», actuel président du Tchad, après la destitution, en décembre 1990, de l’ex-président tchadien. Cette Commission avait pour rôle de faire la lumière sur les crimes et atrocités commis durant la gouvernance de son prédécesseur. D’après son président qui a été auditionné hier, la Commission s’est subdivisée en deux équipes d’enquêteurs. La première était chargée de faire des investigations sur les crimes et exactions. Tandis que la seconde se chargeait d’enquêter sur les crimes économiques et détournements de deniers publics au préjudice de l’Etat tchadien dans la période d’avril 1982 à janvier 1990.
Pour mener à bien les enquêtes, la Commission a réalisé pas moins de 1.700 auditions qui montrent les horreurs, la barbarie et la terreur. Ces auditions, d’après Me Mahamat Hassane Abacar, ont été réalisées sur des victimes, des leaders d’opinion, des parents de victimes décédées, entre autres. Il en était ainsi pour les ex-agents de la Direction de documentation et de la sécurité (Dds) et le ministre de l’Intérieur sous le régime de Habré. Dans les documents trouvés, les services de Me Abacar ont recensé 3.580 morts au Tchad dont 26 étrangers. Le pourcentage qu’il a évalué parle de cinq morts par jour et par prison.
Les enquêteurs ont dressé une liste de 54.000 personnes portées disparues. Et d’après les témoignages, si certains sont morts par épuisement physique, d’autres prisonniers sont empoisonnés, exécutés ou asphyxiés dans les cellules. En ce qui concerne les motifs de ces arrestations, la Commission a fait état de «maraboutage contre des responsables du régime», des actes de connivence avec les forces de l’opposition, des propos malveillants contres l’ethnie des goranes à laquelle appartient Habré. Enfonçant toujours Habré et son régime, Me Abacar a listé les prisons les plus utilisées pour commettre ses exactions. Il s’agissait, selon lui, de sept lieux de détention dont la piscine, la prison de la brigade spéciale d’intervention rapide et celle de Moursade, entre autres.