« J’ai rencontré un homme il y a de cela un an et ça a été le coup de foudre dès le premier regard. Depuis, on sort ensemble au su et vu de tout le monde. Une amitié et une complicité totales sont nées entre nous deux. Je n’ai jamais été aussi bien et aussi heureuse avec un homme et c’est vice-versa. Il y a un ou deux mois, il a demandé ma main à mes parents et grande a été ma surprise quand ils lui ont répondu qu’ils allaient y réfléchir. Quand il partit, j’ai eu le choc de ma vie, mon père me dit que jamais il ne marierait sa fille à un teugue (casté). Le pire est que ma mère est plus radicale dans ce refus.
Cet homme a une belle situation, un musulman pieux et surtout il m’aime à la folie et me respecte beaucoup. Ça fait deux mois que je pleure, que j’essaye de les convaincre et rien c’est comme si je parlais à des murs. J’ai 28 ans et je pense sérieusement à me marier avec lui sans leur consentement. Mon père me demande carrément de choisir. Soit c’est lui ou eux. Je suis complétement désespérée et perdue. Entre l’homme de ma vie et mes parents qui choisir ? »
Combien de parents ont gâché la vie de leurs enfants pour des histoires de castes ? Je dirai des milliers.
L’amour est un sentiment si fort qu’il nous dépasse et nous transcende. On ne peut l’expliquer sans trembler. Erich Fromm, psychanalyste américain nous dit : “Le paradoxe de l’amour réside en ce que deux êtres deviennent un et cependant restent deux”. Alors on ne peut que se sentir perdu quand on veut nous priver de ce sentiment de fusion. Deux choses te tenaillent : La peur de regretter cet amour durant toute ta vie si tu le quittes et l’envie de tout sacrifier pour vivre ton amour avec un grand A. Malheureusement, il n’y a pas de solution parfaite.
L’histoire des castes est un problème social bien complexe. Une femme que je connais, avait refusé le mariage de son fils avec une griotte pourtant quelques années plus tard, elle accepta que son fils se marie à une blanche. Quand j’ai demandé à savoir pourquoi une blanche et pas une ngégno (castée), elle m’a répondu que son sang sera souillé et sa descendance maudite. J’ai compris alors que les castés sont considérés, aux yeux de certains, comme des impurs de par leur origine. Ici, on entend par casté les guéweules (griots) ou teugues (bijoutier) ou encore les lawbé (forgerons)…. Il ne faut pas se voiler la face, cette croyance sans fondement et que toutes les religions rejettent, est plus qu’ancrée dans cette société qui se dit moderne. Donc, tu es face d’un vrai dilemme cornélien et te dire qu’il y a une solution c’est te mentir.
J’ai envie de te dire fonce sans te retourner. Bas-toi si tu es sûre que c’est l’homme de ta vie. Qu’importe les sacrifices, va jusqu’au bout. Quitte à te marier sans le consentement de tes parents. Car ces derniers, quoi que l’on dise finissent toujours par reprendre l’enfant qu’ils ont rejeté. Soyez ce couple qui relève ce défi de l’amour pour les générations futures mais qui dit résistance dit dépression, obscurité constante. Alors cette autre voix de la raison me pousse à te mettre en garde contre cette grande muraille destructrice qui se dressera devant votre couple. Car nombreux sont ces couples qui, après avoir forcé le barrage, ont péri dans les flammes du déni social.
Quand la phase de la passion se dissipera et que le quotidien débarque sans subtilité, imposant ses gros sabots d’ennui, alors les contraintes extérieures n’hésiteront pas à s’engouffrer. Déjà que la vie à deux n’est pas facile si on sait toutes les contraintes qu’elle impose, alors y a t – il une autre place pour un problème. Et quel problème ?
Dans une société créée sous le socle de la puissance parentale, attend-toi à être pointée du doigt, marginalisée, critiquée et rejetée. Ainsi naitra un combat entre la tête et le cœur qui occasionnera une détresse psychologique, un flot d’émois et d’ambiguïtés. A cet instant l’amour ne suffit plus, il faudra beaucoup de force et de détermination pour faire face à la pression psychologique et émotionnelle de ton entourage. Nombreux sont les couples qui ont fini par craquer. C’est pourquoi Russell Calvert psychologue conjugal dit que « la raison l’emporte souvent sur l’amour romantique. À mesure que croissent les pressions sociales, le stress psychologique, émergent les tourments d’amour et la souffrance psychique chez les amants maudits à cause d’une lutte entre la tête et le cœur, le mental et l’affectif, le psychisme et le psychoaffectif. L’amour interdit ou relation amoureuse impossible se complique, devient contraignante, exigeante psychologiquement et émotivement. »
Quand la fatalité du drame romantique s’acharne sur le psychisme, on éprouve une souffrance mentale indéfinissable. Certains ne s’en sortent pas et finissent par périr dans la douleur qu’a engendrée ce rejet des proches. L’exemple typique est cet homme qui a fini par se suicider tellement il ne pouvait plus supporter de voir sa femme si malheureuse ou encore ses enfants rejetés par les autres enfants des deux familles. Pour lui, partir était la solution pour que sa famille retrouve le bonheur.
Il vous faudra beaucoup d’amour et une détermination farouche pour braver l’interdit ou tout simplement décider en paix avec soi et avec les autres d’arrêter une souffrance éternelle.
David Foenkinos dit : « Rien n’était tragique. Il savait qu’il existait des navettes entre l’île de la souffrance, celle de l’oubli, et celle, plus lointaine encore, de l’espoir. »
Par Mareme
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