CHRONIQUE POLITIQUE
L’Apr le réclame depuis que le maire de Mermoz-Sacré Cœur est entré en rébellion contre Benno Bokk Yakaar, le Parti socialiste y voit une opportunité de le réduire au silence pour avoir osé défier Ousmane Tanor Dieng, par conséquent, la levée de l’immunité parlementaire de Barthélémy Dias par l’Assemblée nationale dans les prochains jours ne sera qu’une simple formalité. Au Ps comme chez les «apéristes», on se réfugiera derrière le prétexte qu’il en a fait la demande personnellement depuis plus d’un an et qu’il s’agit de le mettre à l’aise par rapport au meurtre le 22 décembre 2011 de Ndiaga Diouf pour lequel il avait été inculpé le 28 décembre 2011, avant d’être mis en liberté provisoire le 22 mai 2012. A sa sortie de prison, le porte-parole du Ps, Abdoulaye Wilane, annonçait que, pour son parti, «le combat n’est pas terminé. Nous allons continuer la lutte jusqu’à obtenir un non-lieu total parce que nous n’avons jamais perdu de vue que Barthélémy est innocent». Quatre ans et demi plus tard, ce combat pour un non-lieu total n’est plus celui de la direction du Parti socialiste qui a définitivement lâché celui qui était naguère considéré comme un «Tanor boy», à cause de sa trop grande proximité avec Khalifa Sall.
Si le ministre de la Justice nie tout soubassement politique à la procédure enclenchée devant le tribunal de grande instance de Dakar contre Barthélémy Dias, c’est parce qu’il est manifestement de mauvaise foi. Il n’est pas censé ignorer que chaque fois que le maire de Mermoz-Sacré Cœur est allé à contre sens des intérêts de ses alliés de l’Apr, ces derniers ont menacé d’exhumer des placards de la justice l’affaire Ndiaga Diouf. C’était le cas au lendemain de la victoire de la coalition Taxawu Dakar sur Benno Bokk Yakaar à Dakar aux élections locales de juin 2014. A l’Apr, on n’avait pas apprécié les fanfaronnades du bras droit de Khalifa Sall et les menaces de poursuivre la procédure dans le meurtre de Ndiaga Diouf de fuser. Dans la foulée, Sémou Diouf et Baye Moussé Bâ dit Bro, désignés comme deux des exécutants de l’attaque de la mairie de Mermoz-Sacré Cœur, obtiendront un non-lieu, mais pas Barthélémy.
Deux ans plus tard, plus précisément le 13 octobre dernier, le député de Benno Bokk Yakaar, Seydina Fall «Boughazelli», réclame, à travers la presse, que le député socialiste qui a eu l’outrecuidance de participer à la marche réprimée de l’opposition du 10 octobre, après avoir démissionné avec fracas du bureau de l’Assemblée nationale, soit jugé dans l’affaire Ndiaga Diouf et menace même d’une plainte le ministre de la Justice, Sidiki Kaba, si son collègue n’était pas attrait devant un tribunal. Deux jours plus tard, le parquet de Dakar envoie des citations à comparaitre à Barthélémy Dias pour coups mortels sur la personne de Ndiaga Diouf et à Abib Dieng et Boubacar Faye pour complicité de coups et blessures volontaires et détention d’armes sans autorisation. La succession de ces faits est telle que soutenir qu’un tel procès n’est pas politique, c’est faire preuve d’une mauvaise foi caractérisée.
Loin de nous toute idée de disculper le maire de Mermoz-Sacré Cœur dans ce meurtre d’un jeune de la banlieue dakaroise dont les parents réclament justice depuis cinq ans. Seulement, leur appel répété à la justice pour un procès équitable sera inaudible dans les hautes sphères de l’Etat et du temple de Thémis aussi longtemps que Barthélémy Dias était dans les bonnes grâces du secrétaire général du Ps, Ousmane Tanor Dieng, et défendait bec et ongles Benno Bokk Yakaar. Il leur aura fallu attendre cinq longues années pour avoir gain de cause. Pourtant, cette affaire ne relève pas des Chambres criminelles (qui ont remplacé la Cour d’assises) dont la longueur des procédures est telle a été à l’origine des longues détentions préventives qui ont débouché sur une mutinerie à Rebeuss le 20 septembre dernier. Elle est plutôt de la compétence du tribunal correctionnel avec une procédure moins contraignante et, par conséquent, beaucoup plus rapide. Et nombre de techniciens du droit vous diront n’avoir jamais vu, depuis que la modernisation de la justice a été mise en branle, une affaire relevant du correctionnel être rangée dans les placards pendant cinq ans, avant d’en être sortie, dépoussiérée et jugée en première instance. Seule la politique peut réaliser un tel miracle. Mais l’adage selon lequel quand la politique entre par effraction au prétoire, la justice en sort par la fenêtre, va-t-il se vérifier cette fois-ci encore ?
Par Abdourahmane CAMARA*
* Directeur de publication de Wal Fadjri Quotidien
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