La proposition de loi de Mimi Touré est, selon Me Abdoulaye Tine, dépourvue de sens et de fondement juridique. Après lecture du document, la robe noire estime que le projet «est à la fois inopportun et déraisonnable». Inopportun, soutient-t-il, dans la mesure où on n’a pas besoin d’une nouvelle loi pour réprimer les prises illégales d’intérêt ou toute autre forme de favoritisme, de trafic d’influence, etc. «Dans l’arsenal législatif du droit pénal sénégalais des affaires ou du droit pénal général, on a ces dispositions. On n’a pas besoin de créer de nouvelles lois pour cela», analyse l’avocat inscrit au barreau de Paris.
Me Tine fait savoir qu’on n’a pas besoin de créer une loi spécifique pour le président de la République. Parce qu’une telle loi, soutient-il, ne passera pas. «Ce sera forcément une loi qui va violer des droits clairement garantis par la Constitution. Que ce soit le président de la République, mais aussi des personnes avec qui il aurait des liens réels ou supposés de famille, on n’est responsable que de son propre fait. Imaginons quelqu’un qui est déjà en fonction, c’est-à-dire directeur d’une institution publique, consul ou ambassadeur, et demain, son frère devient président de la République. Il va forcément arrêter de travailler», suppose le défenseur des droits humains. «Est-ce que le président de la République va lui donner de quoi nourrir sa famille ? Le prendra-t-il en charge ?», s’interroge notre interlocuteur. Selon qui, ce projet n’a pas de sens. C’est pourquoi il évoque un caractère déraisonnable de cette proposition de loi. Lequel caractère, dit-il, résulte du fait de son absurdité.
Cette proposition de loi, pour Me Tine, une fois validée, ce qui ne risque pas d’arriver, «risque de conduire au recensement de tous les membres de la même famille de tout prétendant au poste de président de la République». Alors qu’il peut y avoir, dit-il, des malentendus au niveau des familles. «Certains membres d’une même famille peuvent rester à vie sans se parler. Ils ne se voient même pas et n’ont même pas de relation. Parce que quelqu’un de cette famille est président de la République, toutes ces personnes sont bannies des fonctions de responsabilités étatiques. Il y aura une rupture d’égalité devant la loi pour ces personnes. On n’a pas à enfoncer des portes ouvertes», recommande Me Tine.
Salif KA