Dans leurs sermons après la prière de l’Aïd El Kabir, Imams et Khalifes généraux sont revenus, mercredi, sur les faits au-devant de l’actualité. Entre autres points abordés dans leurs déclarations, figurent en grande partie l’indiscipline notée dans notre pays, l’éducation des jeunes, l’homosexualité.
La grande majorité des Sénégalais ont célébré, mercredi, la fête de Tabaski dénommée Aïd El Kabir. Une occasion saisie par les religieux, dans leurs sermons, d’inviter les croyants à revoir leurs comportements. Entre autres points abordés par les imams et chefs religieux, ont occupé une bonne place l’éducation des enfants, le respect des recommandations divines, l’indiscipline. «Que les parents prennent leurs responsabilités dans le cadre de l’éducation de leurs enfants. On fait l’enseignement à l’école, mais l’éducation, c’est l’œuvre des parents», a déclaré Babacar Kane, l’imam Ratib de la grande mosquée de Kanène, à Kaolack.
Dans son sermon, l’imam Ratib de cette grande mosquée de Kaolack souligne que les valeurs et les comportements des enfants sont du ressort des parents. Ces bonnes manières, soutient-il, «s’apprennent au sein des familles». Raison pour laquelle l’imam Babacar Kane a appelé les fidèles à adopter des démarches de paix et à toujours assister leurs prochains. «Nous appelons la jeunesse à plus de responsabilité dans la prise en charge de la construction de notre nation. Nous invitons aussi les parents à songer à l’éducation de leurs enfants pour une jeunesse patriotique et bien engagée dans la construction de notre nation», insiste-il, évoquant l’homosexualité. «Il faut surtout respecter les recommandations divines. Un bon musulman doit toujours songer et penser à son créateur», lance-t-il.
Ce même discours a été de mise à Yoff où le fils du khalife a rappelé les liens sacrés du mariage. Cela, soutient-il, pour éviter une perte des valeurs. Il a également magnifié le respect strict des mesures barrières contre la Covid-19 édictées par les autorités sanitaires. Non sans manquer d’inviter les fidèles à un retour vers les enseignements de l’Islam. Lesquels enseignements, soutient-il, ont toujours été prônés par Seydina Limamou Laye.
A Mbour, Papa Ibrahima Faye, l’imam ratib de la grande mosquée a axé son sermon sur l’indiscipline notoire qui caractérise la société sénégalaise. Selon lui, cette indiscipline est à lier à certaines catastrophes et autres calamités qui secouent le pays. «On note, de plus en plus, une indiscipline notoire dans notre pays et cela s’explique surtout par le fait que les gens ne sont plus éduqués, aussi bien dans les établissements scolaires, dans les rues que dans les maisons. Par rapport à la crise sanitaire qui prévaut dans le monde avec la pandémie de la Covid-19, il ne faut accuser personne. Chaque individu doit se sentir coupable et se dire qu’il a une responsabilité dans cette situation sanitaire sans précédent», constate-t-il. Avant d’ajouter : «Les gens ne sont plus éduqués et font tout comme bon leur semble, alors qu’il y a des règles de vies à adopter pour pouvoir éviter certaines situations malheureuses».
À Touba, comme à l’accoutumée, le Khalife général des mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké a profité de la prière l’Aïd-El- Kébir pour rappeler aux fidèles les recommandations divines. «Nous avons intérêt à mobiliser notre esprit et notre cœur vers Dieu. Notre salut en dépend (…). Je réitère mon allégeance à Serigne Touba. Il est entre le statut d’esclave de Dieu et celui de Serviteur du Prophète (Psl)», a-t-il lancé dans son sermon. Invitant les disciples à suivre les pas du fondateur du mouridisme, le patriarche de Touba déclare ceci : «Les attaches terrestres sont nombreuses. Mais Serigne Touba n’a jamais donné une place dans sa vie aux choses mondaines. Il a tourné le dos au monde des mirages. Si nous voulons le suivre, nous devons faire de l’adoration de Dieu un principe et bloquer Satan pour qu’il ne nous infiltre pas».
A Médina Baye Niass, le Khalife général, Serigne Mahi Ibrahima Niass est revenu sur la célébration de l’Aïd El Kabir. Il a saisi cette occasion pour inviter tout le monde au respect des gestes barrières face au variant Delta. Il s’agit, selon lui, en guise de rappel, du port du masque, du lavage des mains et du respect de la distanciation physique.
A l’instar de toutes les localités du Sénégal, la cité du rail a célébré la fête de l’Aïd El Kébir ou Tabaski commémorant le sacrifice d’Abraham. A la grande mosquée Moussanté, la traditionnelle prière des deux rakkas a été conduite par l’Imam Tafsir Babacar Ndiour. Une prière après laquelle il s’est adressé aux fidèles à travers son sermon pour faire un tour d’horizon de l’actualité nationale mais aussi dénoncer vertement les tares qui gangrènent la société sénégalaise. De ces tares, la violence sous toutes ses formes faite aux hommes qui, faute de pouvoir retrouver la paix et la sérénité au sein du domicile conjugal, sont aujourd’hui obligés de passer la plupart de leur temps dehors. Pire, pendant que les hommes vivent cette situation des plus difficiles, quelque part dans ce pays, on a tendance à cultiver pour ne pas dire inculquer, par le biais de l’audiovisuel, aux femmes la pratique de l’infidélité. Des pratiques bannies par la religion musulmane et qui sont, de toute évidence, source de violence parce que, selon l’Imam, étant de nature à déstabiliser moralement, psychologiquement les conjoints cocus. La conséquence d’un tel déséquilibre pouvant être une perte de contrôle pouvant conduire à des actes de violence inouïe. Et, note-t-il, «l’Islam proscrit la violence sous toutes ses formes. Et la violence dont parle l’Islam, c’est celle faite aussi bien aux humains qu’à l’espèce animale mais aussi à la nature». Aussi et à ce titre l’Imam met le doigt sur l’épineuse question de la gestion du foncier et de l’accaparement des terres. «Toute la violence, notée sur cette question, pouvait pourtant être évitée surtout quand on sait qu’elle n’est le fait que de trois acteurs, celui se réclamant d’une certaine légitimité, celui se réclamant d’une certaine légalité et enfin le troisième qui ne peut se réclamer ni de la légalité ni de la légitimité».
Et l’Imam de poursuivre pour estimer que c’est ce troisième qui est la source de tout le mal. Lequel n’est autre, selon lui, que le promoteur immobilier qui n’a jamais construit un seul appartement et à qui, comme par enchantement, on alloue des centaines d’hectares de terre qu’il morcelle pour les vendre et ramasser en conséquence des milliards de francs au détriment des véritables ayants droit. «N’est pas promoteur immobilier qui veut. Il y a dans ce pays de vrais promoteurs qui ont à leur actif de nombreuses réalisations. C’est à ceux-là qu’il convient de confier certaines tâches mais pas à des amis, des corruptibles. Pour l’exécution de certaines tâches, l’Etat a le devoir de travailler en étroite intelligence avec les détenteurs de la légitimité et de la légalité. C’est la seule voie pour trouver des solutions consensuelles et apaisées». Et Imam Babacar Ndiour de poursuivre pour dire qu’il est temps que l’Etat revoit le statut de promoteur immobilier pour mettre un terme à la gestion anarchique du foncier. Il y va de même des pouvoirs immenses dévolus à de simples fonctionnaires qui en abusent pour se servir à leur aise, servir leurs amis sur des domaines qui ne leur appartiennent pas. Aujourd’hui tous les espaces publics et les espaces verts sont bradés par lesdits fonctionnaires à des privés au détriment des collectivités. «La même promptitude qui a prévalu quand il s’est agi de la démolition des habitations du quartier Mbour 4 de Thiès, devait être de mise pour la libération de l’espace vert aux abords de la gare routière de la même ville. Et pourtant les plans de lotissement établis par les colons sont encore là et peuvent encore servir dans l’élaboration du plan d’urbanisme». Toutes situations entre autres qui amènent l’Imam à se poser la question de savoir quelle est la place du Tout Puissant dans tout cela. Est-ce que, dans les actes qu’ils posent, les gens pensent encore à Dieu si tant est que dans ce pays on se réclame encore de LUI.
Salif KA et Sidy DIENG