À partir du 20 janvier 2021, Donald Trump cessera d’être le président de la première puissance mondiale, et devra laisser les rênes à son successeur Joe Biden.
Cela lui laisse encore neuf jours pleins, et il a décidé de les rentabiliser au mieux: Trump espère pouvoir annoncer le 19 janvier la grâce de plusieurs personnalités dont il a établi la liste, liste qui est actuellement examinée par ses conseillers principaux et le bureau du conseiller juridique de la Maison Blanche, comme le rapporte Bloomberg. Parmi les noms proposés, on retrouve des hauts fonctionnaires de la Maison Blanche, des membres de la famille Trump, des rappeurs connus et, selon des sources proches de son cabinet, peut-être Donald Trump lui-même.
Des grâces préventives…
C’est notamment tout un lot de grâces préventives qui est actuellement sur la table des discussions. Elles concernent des hauts fonctionnaires de la Maison Blanche, qui n’ont pas été accusés de crimes, comme le chef de cabinet Mark Meadows, nommé en mars dernier, le haut conseiller du président Stephen Miller, un soutien de la première heure, le chef du personnel John McEntee et le directeur des réseaux sociaux Dan Scavino. L’avocat personnel de Trump, Rudy Giuliani, qui a été l’un de ses principaux soutiens après sa défaite électorale, ferait également l’objet de discussions.
Et des grâces pour infractions reconnues
Quant aux personnes déjà condamnées pour diverses infractions pénales, elles pourraient bénéficier de la grâce présidentielle traditionnelle. Les candidats présumés seraient l’avocat Albert Pirro, reconnu coupable de fraude fiscale, et qui avait travaillé avec Donald Trump sur des transactions immobilières, mais aussi quelques rappeurs, comme Lil Wayne, qui avait apporté son soutien au président lors de la campagne électorale, et Kodak Black, actuellement en prison pour falsification de documents en vue d’obtenir une arme à feu.
Des personnalités comme le rappeur Lil Yachty et le quarterback Lamar Jackson ont récemment interpellé publiquement Donald Trump afin qu’il consente à gracier Kodak Black, qui avait promis sur Twitter de reverser un million de dollars à une œuvre de charité s’il sortait de prison… Avant de supprimer son message.
Mais ces grâces, en particulier celles qui concernent les membres de la Maison Blanche, pourraient provoquer de nouvelles allégations d’obstruction à la justice. Surtout, l’éventualité d’une grâce que Donald Trump s’accorderait à lui-même semble difficile à obtenir.
Donald Trump, touché par la grâce?
Une telle action, qu’elle soit ou non couronnée de succès, serait une première dans l’histoire de la présidence des États-Unis. Cela permettrait à Trump de se protéger de toute poursuite judiciaire qui serait susceptible d’être engagée par ses adversaires politiques à la fin de son mandat.
Et les motifs ne manquent pas: parmi eux, la question de la campagne d’ingérence menée par la Russie lors de l’élection présidentielle de 2016, les déclarations d’impôts sur le revenu aux sommes dérisoires présentées par Donald Trump, ou plus récemment, l’assaut du Capitole, encouragé par le président lui-même, à la suite de lourdes pressions exercées pour tenter d’annuler les votes des élections.
En juin 2018, sur son compte Twitter désormais suspendu, Trump arguait pourtant: «J’ai le droit absolu de me GRACIER moi-même, mais pourquoi ferais-je cela alors que je n’ai rien fait de mal?»
Mais peut-il vraiment le faire? L’article II de la Constitution dispose qu’un président a «le pouvoir d’accorder des sursis et des grâces pour crimes contre les États-Unis, sauf dans les cas d’impeachment». Si certain·es juristes considèrent que ce pouvoir est absolu, un avis juridique du ministère de la Justice datant de 1974 mentionnait pourtant que «le président ne peut pas se gracier lui-même», en raison de ce qui est présenté comme une «règle fondamentale selon laquelle personne ne peut être juge de son propre cas».
Si le texte de la Constitution n’interdit pas nommément une «auto-grâce», d’après Brian Kalt, professeur à la faculté de droit de l’université du Michigan, «l’argument contre l’auto-grâce commence par l’idée que l’octroi d’une grâce est, par définition, quelque chose que l’on ne peut accorder qu’à une autre personne».
Toujours est-il que dans la mesure où la grâce présidentielle ne s’applique qu’à des crimes fédéraux, d’autres types de poursuite pourraient être engagés contre Donald Trump, sa famille et ses protégés.
Dans les semaines qui ont suivi les résultats de l’élection présidentielle et sa défaite, Trump avait déjà accordé plusieurs grâces à ses alliés, parmi lesquels Paul Manafort, son ancien président de campagne, condamné pour crimes financiers et activités de lobbying illégal, et le promoteur immobilier Charles Kushner, le père de son gendre, reconnu coupable de fausses déclarations d’impôts et de représailles sur témoins.
Slate