CONTRIBUTION
Non, le Hadj n’a pas été annulé 40 fois. La crise de la Covid-19 a sorti des ténèbres de la rumeur, les plus folles thèses, maquillées d’une fausse vérité et partout dans le monde. L’histoire du pèlerinage à La Mecque a été bien servie pour ne pas dire très mal servie dans cette averse de fausses nouvelles notamment celles portant sur l’annulation du hadj pendant quarante (40 ans). Cette information de l’annulation du pèlerinage avec une liste de dates citées, a été tellement reprise par des sites à la fois en anglais et en français qu’il est devenu impossible de retrouver la source originale. Une chaîne dans YouTube (Janna Tv) en a fait un enregistrement audio très bien élaboré aux yeux des admirateurs à l’image d’un artiste qui construit un château de cartes qui s’écroule au moindre coup de vent. Malheureusement, avec la force de diffusion des réseaux sociaux, cette terrible et fausse information a atteint tous les coins et recoins du monde. Elle a fini par convaincre beaucoup de médias pourtant crédibles, beaucoup d’imams pourtant très érudits, beaucoup d’hommes et de femmes pourtant très avertis. Ils ont tous repris à l’unissons cette contrevérité qui a fini par convaincre d’autres à se dire : si le hadj a été annulé quarante fois, pourquoi s’entêter à vouloir l’organiser dans ce contexte de pandémie en 2020 ? Mais, l’appât était peut-être trop sophistiqué et l’apparition du coronavirus surprenante et trop brusque pour ne laisser aucun temps à l’esprit critique pour fouiller l’histoire, démentir cette version et rétablir la vérité.
Pour étayer sa thèse d’annulation du Hadj quarante fois dans l’histoire, les sources nous donnent pour preuve une liste de dates à travers un enregistrement audio dans un rythme effréné, qu’une première ou seule écoute ne peut que vous persuader et vous laisser médusé. Examinons-les :
-865 : Massacre sur le mont Arafat
«Un conflit entre le calife abbasside et un dirigeant Ismael Youssouf aboutit à un massacre de pèlerins qui entraine l’annulation».
Nous savons tous que le Prophète (PSL) a bien dit : «Le Hadj, c’est Arafat». Par conséquent dès l’instant où des pèlerins ont atteint cette station, on ne peut plus parler d’annulation du Hadj. A titre d’exemple, pour les malades graves au cours du pèlerinage, il suffit de les transporter par ambulance médicalisée ou de leur faire survoler par hélicoptère Arafat pour considérer leur hadj accompli.
-930 (317 h) : Attaque des Qarmates et vol de la pierre noire
«Les Qarmates, basés à Bahreïn, lancent une attaque contre La Mecque. Ils volent la Pierre noire de la Kaaba, l’emmènent sur l’île de Bahreïn et ne la restituent que 22 ans après». Cette histoire est certes vraie mais elle n’a jamais entraîné l’annulation du Hadj. La présence de la pierre noire n’a jamais été décrétée comme une condition sine quoi non du Hadj. Nous savons tous que les cinq piliers obligatoires pour un hadj effectif sont ; la sacralisation ou formulation de l’intention pour accomplir le Hadj, le Say ou parcourt en sept tours de la distance entre les deux monts Safa et Marwa, la présence à la station d’Arafat et enfin la Tawaf qui se résume en sept tours de circumambulation de la Kaaba.
– 983-991 (372-380 h) : Conflit entre Califats abbassides d’Irak et fatimides d’Egypte
«Les différends politiques entre les deux califats font obstacle aux musulmans se rendant à La Mecque pour le pèlerinage. Aucune personne venue d’Irak n’a accompli le pèlerinage. Il faudra attendre huit ans avant que le hadj ne reprenne, en 991».
Mon Dieu ! Pourquoi inclure dans la liste des années sans pèlerinage celles où seul l’Irak est privé de pèlerinage ?
-1253 (650 H) Retour au Hadj des gens de Bagdad après 10 ans de coupure
Là aussi l’on retrouve la même forme d’amalgame. L’auteur cite sciemment l’absence des pèlerins de Bagdad (Irak) et l’assimile à une annulation du Hadj quand bien même tous les autres pays musulmans du monde y ont participé. De 1939 à 1943, la France coloniale n’avait pas autorisé les pèlerins de l’AOF (Afrique occidentale française) à se rendre à La Mecque. Cependant, le pèlerinage avait bien eu lieu avec de surcroit la participation d’africains qualifiés par l’autorité coloniale de clandestins.
-1814 «La peste tue 8 000 personnes au Hedjaz (Mecque et Medina) grandement impactés cette année». Impactés, oui mais annulation, non. Même le record de décès en 1893 avec 33 000 morts sur 200 000 pèlerins n’a pas entraîné une annulation du Hadj. Tous ces décomptes ont été établis à la fin du pèlerinage. Notre Chroniqueur qui a emballé la toile par de fausses informations finit par nous citer l’année 1892 comme l’hécatombe des années qui ont vu les épidémies empêcher le pèlerinage. Le pic, ce n’était pas 1892 mais bien 1893 que nous venons de citer et qui a vu la participation d’au moins d’un Sénégalais : Ibra Almamy, l’Almamy du Fouta à l’époque.
Enfin, pour ne laisser aucune issue à une quelconque antithèse, la source conclut par le pacte d’Houdaybiya en 628 correspondant à l’an 6 de l’Hégire qu’elle considère comme la première annulation du Hadj et qui impliquerait le Prophète (PSL) lui-même. Le pacte est une réalité mais il ne s’agissait pas d’un projet de hadj ou pèlerinage à La Mecque mais bien une volonté du Prophète d’effectuer une visite pieuse ou oumra qui fut finalement reportée suite à une signature d’un compromis avec les autorités mecquoises d’alors.
Vous le voyez donc, la communauté musulmane a failli être saupoudrée par la toile qui était à un pas de falsifier pour longtemps, l’histoire sans discontinuité du pèlerinage à La Mecque depuis le premier Hadj sous la direction d’Aboubacar en 631 suivi par celui dirigé par le Prophète Mouhammad (SAW) lui-même en 632.
Ce que nous venons d’écrire et que nous avons défendu à travers les antennes de la télévision Lamp-Fall TV du 9 juillet 2020 vient d’être confirmé par le site saoudien haramain sherifain qui a écrit sur sa page Facebook et par tweeter : «Une étude scientifique récente menée à l’institut pour la Recherche sur le Hajj et la Umra de l’Université Umm Al-Qura a conclu que le Hadj n’a jamais été suspendu ou annulé au cours de l’histoire. Cependant il a été perturbé par des épidémies qui n’ont jamais empêché le déroulement des cultes».
Le Hadj symbolique de 2020
Le Hadj symbolique de 2020 qui voit le nombre de pèlerins passer de 2,5 millions à 10.000, soit 0,4 % du quota de 2019, a finalement été une grande réussite malgré toutes les craintes. La pandémie du Covid-19 a installé la psychose durant toute cette période de préparatifs du pèlerinage. Les pays ont attendu avec stress mais en vain l’annonce de leur participation même à une échelle réduite ou alors la décision d’une annulation pure et dure du Hadj. La possibilité d’un pèlerinage réduit avec 40 ou 20 % du quota de chaque pays a été souvent agitée. Personnellement j’ai toujours prôné un hadj international réduit entre 1 et 10 % avec la participation de toutes les nations qui le désirent d’autant plus qu’elles étaient nombreuses à s’y être préparées. Une quarantaine de 14 jours avant et après pèlerinage serait bien sûr nécessaire avec toutes les mesures barrières. L’Arabie saoudite a finalement opté pour un hadj en interne. Mais elle a sauvé la face en répartissant les heureux élus entre 70 % de résidants, issus de nationalités étrangères et 30 % de Saoudiens avec une prise en charge totale pour tous.
Avec zéro cas positif constaté, ce Hadj symbolique a le mérite d’avoir évité à l’Arabie saoudite d’être diffamée et accusée d’avoir répandu la pandémie à travers le monde comme l’Amérique a désigné du doigt la Chine et baptisé le coronavirus «le virus Chinois». Elle a aussi le mérite d’avoir assuré la continuité du pèlerinage malgré tous les risques et toutes les pressions.
La communauté internationale retiendra que ce Hadj exceptionnel a été une belle réussite qui aura prouvé que le coronavirus ne résiste pas aux organisations rigoureuses et planifiées. Toutes les étapes du Hadj ont été une parfaite symphonie qui a rendu plus visible l’harmonie et la chorégraphie dans la circumambulation de la Kaaba.
L’avenir du pèlerinage dans le contexte du Covid-19
L’Annonce récente du Secrétaire générale de l’Oms qui déclare « qu’il n’y a pas de solution miracle pour le moment et il pourrait ne jamais y en avoir», n’est pas pour rassurer l’humanité et la communauté du Hadj.
L’Oms (Organisation mondiale de la Santé) a promis d’étudier sérieusement la véritable source de cette maladie. L’avenir nous dira si le virus est vraiment chinois ou alors si Trump s’est trompé.
Ainsi, pour maintenir pérenne le pèlerinage, tous les pays musulmans doivent être davantage solidaires pour réaliser les conditions concertées de la mise en place d’un système adéquat pour son organisation continue. Devant cet adversaire commun et invisible qui risque de faire s’écrouler toute l’humanité, tous les foyers de tensions doivent être éteints pour agréger nos forces afin d’éradiquer ce fléau.
L’appel du Prophète Ibrahim renouvelé par le Prophète Mouhammad ce jour d’Arafat en 632, nous impose d’œuvrer pour une paix mondiale, gage de la pérennité du pèlerinage à la Mecque.
Le repentir et le retour à Dieu
Pour nous croyants, le repentir après toutes nos déviations, est aussi une solution pour sortir de cette pandémie. Rappelons que Dieu avait puni tous les peuples anciens qui se s’étaient rebellés contre Son commandement. Ils ont tous connu une fin tragique. Noé et ses disciples ont été les seuls rescapés du déluge qui a emporté la population incrédule de son époque. Le peuple de Loth a été anéanti du fait de son homosexualité officialisée. L’armée de pharaon a été engloutie dans les eaux de la mer et son peuple décimé par toutes sortes d’épidémies pour avoir été incrédule et cruel envers Moïse et sa communauté. Les gens d’Al houkhdoud ont été maudits pour avoir brulé vifs des hommes et des femmes à qui ils ne reprochaient que leur croyance en Dieu. Ces évènements sont curieusement très similaires à ce que nous vivons en ce début du vingt-et-unième siècle notamment avec les rohingyas de Birmanie, les ouighours de Chine et les tendances à la perversion de toute part. Mais, ce qui est plus troublant c’est quand un être invisible et infiniment petit désarme et terrasse un colosse supposé superpuissant. L’homme ne doit-il pas se résigner à comprendre sa subite impuissance devant ce minuscule virus comme un avertissement divin ?
En plus des mesures barrières, le repentir aussi peut nous permettre de gagner la guerre contre le coronavirus et de reprendre vite les chemins du Hadj.
Cheikh Bamba DIOUM