Entre autres personnalités ayant défilé au siège du groupe Wal Fadjri, il y a Baba Tandian. L’éditeur et imprimeur, propriétaire du défunt titre, Le Matin, s’explique sur les motivations de son déplacement à Walf, ce qu’il retient du défunt, Abdourahmane Camara, et donne, en tant qu’expert, un avis sur l’avenir de ce groupe, orphelin de deux de ses pères fondateurs.
Walf Quotidien : Quelles sont les raisons de votre présence dans les locaux du groupe Wal Fadjri ?
Baba TANDIAN : C’était pour adresser mes condoléances à l’ensemble du personnel de WalFadjri, à son administrateur et à tous les membres du groupe pour la grande perte d’Abdourahmane Camara, un an après le départ du fondateur Sidy Lamine Niass que nous continuons de pleurer jusqu’à ce jour. Aujourd’hui, c’est une autre grosse figure de WalFadjri qui s’en va. Ces deux étaient quelque chose dans cet édifice. J’en sais quelque chose parce que si, aujourd’hui, je suis devenu patron de presse, c’est grâce à Sidy Lamine Niass et aussi à Abdourahmane Camara. Camou, c’était l’ombre de Sidy Lamine Niass, celui qu’on ne voyait pas, mais qui détenait les clés de la solution et pas n’importe laquelle. Cette solution peut être du tout. Sidy Lamine Niass était un client. Entre un fournisseur et son client, il y a toujours des bisbilles, des heurts. Abdourahmane Camara était ce régulateur qui tempérait l’ardeur de chacun. C’est-à-dire le mien et celui de Sidy Lamine Niass. Parce que ce dernier et moi avions à peu près le même tempérament de fougueux, sachant dire la vérité. Quand deux personnes ayant le même caractère commencent à se dire la vérité, ça ne finit jamais. Abdourahmane Camara était là pour mettre fin à la récréation et nous mettre sur orbite.
C’est un grand monsieur de la presse. Si tout le monde écrivait comme Camou, je pense qu’on n’aurait que des journalistes talentueux. On ne le connaissait pas, ou très peu. Dieu sait que, chaque fois qu’il écrivait, il faisait mouche. C’était toujours dans le respect des règles de l’art, de l’individu et des institutions. C’est cela Abdourahmane Camara. Aujourd’hui, la presse va le pleurer. Une grosse perte pour les médias.
Quand je dis que Abdourahmane Camara et Sidy Lamine Niass ont fait de moi un patron de presse, c’est parce que c’est Camou qui a amené M. Niasse chez moi, en tant qu’imprimeur. J’ai investi énormément pour faire face à la puissance d’impression de WalFadjri à l’époque. Les machines traditionnelles ne pouvaient pas faire face. Ce qui fait que c’est à cause de Sidy Lamine Niass que la première rotative africaine, sénégalaise est rentrée au Sénégal parce qu’il fallait tenir face au circuit de travail du groupe. Après, il y a eu d’autres journaux qui sont venus nous rejoindre. A notre grand regret, il (Sidy Lamine Niass, Ndlr) est parti parce qu’il avait besoin de créer sa propre structure. Il avait également ses propres machines. Du coup, l’ancien Pdg de WalFadjri a fait de nous patrons de presse parce qu’après on s’est retrouvé à devoir créer un quotidien. Avec la chance, on a eu de grands journalistes qui en sont sortis. On a tendance à dire que c’est l’école du quotidien Le Matin. Mais, je dirai plutôt que c’est l’école de WalFadjri. Parce que c’est une suite de Walf qui a été l’école des journalistes de radio, de télé, de la presse écrite. En emboitant le pas pour faire de la presse écrite, l’idée était partie de l’organe de Sidy. Aujourd’hui, on a de grands noms de la presse écrite qui sont passés au «Matin», tels que je peux les citer : Yoro Dia, Alassane Samba Diop, Alioune Fall, Yakham Mbaye, Massamba Mbaye, Cheikh Diallo, Aboukarim Diarra, Diaw Mbodj et tant d’autres, je ne peux pas citer tout le monde. Le Matin est une école. Mais je pourrai dire aussi que le journal était l’école de Sidy Lamine Niass. C’est grâce à ce dernier que ledit quotidien est né. Cela vraiment, je lui donne la paternité de cette école. Aujourd’hui grâce à Sidy Lamine Niass, il y a une floraison de la presse, la presse est plurielle. Il faut le saluer. C’est pour cela que je me devais de venir dans vos locaux pour saluer la mémoire de Abdourahmane Camara et puis prier pour lui, que Dieu ait pitié de son âme et que la terre lui soit légère.
Des souvenirs de Camou à partager ?
Le souvenir, c’est que j’ai un tempérament bouillonnant, mais Camou, c’était le contraire. Chaque fois que mon caractère se faisait sentir, il était toujours là derrière pour me calmer. Et je pense que, quelque part, j’ai ramassé une dose de calme en me l’inculquant tout seul parce que tout simplement, il y a l’effet Abdourahmane Camara qui a joué. Je dis que c’est un monsieur formidable pour ceux qui l’ont connu comme moi. Abdourahmane Camara, c’est zéro faute.
Comment entrevoyez-vous l’avenir de Walf après ces deux disparitions ?
Sidy Lamine Niass ou Abdourahmane Camara, ils ont tous les deux laissé des empreintes. C’est-à-dire la rigueur, la compétence et la solidarité. Quand tu dis Sidy Lamine Niass, tu dis Abdourahmane Camara parce que ces deux, c’est comme six et neuf. Ce sont deux personnages semblables. C’est pour cela qu’ils ont pu cheminer longtemps ensemble. Je dis aujourd’hui : à vous de relever le défi. Sidy Lamine Niass n’est plus là, Abdourahmane Camara, non plus. Mais les doyens sont là. Je pense que ce n’est pas difficile parce que ces deux là ont déjà mis WalFadjri sur les rails. C’est à vous (le personnel de Walf, Ndlr) de faire en sorte qu’il ne déraille pas. Ç’aurait été plus difficile si on vous avait laissé une entreprise montante. On vous a légué une entreprise qui est sur les rails. Il ne reste qu’à confirmer. Vous êtes des talents. A WalFadjri, il n’y a que des compétences. Je ne vois pas pourquoi il doit y avoir des inquiétudes. C’est vrai que la presse est très difficile. Tout le monde le sait surtout au niveau des quotidiens. C’est difficile en ce moment c’est la période, mais je pense que vous devez relever le défi ne serait-ce que pour honorer la mémoire de Sidy Lamine Niass, mais surtout celle de Abdourahmane Camara.
Propos recueillis par Emile DASYLVA