Moins de dix mois après son entame, le second mandat de Macky Sall vire au cauchemar. Entamé avec le méga-scandale de l’affaire Petro-Tim, la «gouvernance sobre et vertueuse» fait aujourd’hui face à une série de scandales : un député arrêté dans une affaire de faux billets, des accusations de détournements d’argent à l’Assemblée nationale, des scènes de pugilat entre barons de l’Apr… Lesquels scandales fleurent bon l’implosion. S’y ajoutent des querelles intestines ainsi que la réalité économique qui, ayant rattrapé le pouvoir, l’oblige à appliquer la vérité des prix dans le carburant et sur le prix de l’électricité. Pendant ce temps, le budget de la présidence crève les plafonds alors que, au même moment, celui de la santé accuse une baisse nette de 7 milliards.
Bouchez vous le nez ! Ils ouvrent les poubelles de la République exemplaire de Macky. Incapables de s’illustrer dans la bonne gestion des affaires publiques, les barons du régime Sall s’offrent en spectacle. Faisant fi de toute autorité dans leur système, ils se crêpent le chignon. Après le pugilat entre Moustapha Cissé Lô et Farba Ngom, Cheikh Oumar Anne et Abdoulaye Daouda Diallo, Mame Mbaye Niang qui a fait preuve de mauvaise camaraderie envers son ex-collègue des Finances, Amadou Bâ, Mary Teuw Niane et Mansour Faye pour le contrôle de Saint-Louis, c’est aujourd’hui Djibril War qui cogne le gardien de l’orthodoxie Apr, Moustapha Diakhaté, cible facile depuis que Macky Sall l’a biffé de sa longue liste de ministres conseillers. Ce, pour s’être donné la liberté d’évoquer le troisième mandat, contrevenant à l’état de siège décisionnel du «Patron».
A entendre les accusations des éléments du système à l’Assemblée nationale, on peut sans risque de se tromper dire que le pays est gangrené par les affaires et l’immoralité, aujourd’hui plus qu’hier. «Qu’on laisse tranquillement les talibés pour s’occuper de la drogue. Je sais de quoi je parle quand je dis que la drogue transite au Sénégal. Je peux vous sortir tous les rapports sur la question qui indique clairement que l’Afrique de l’Ouest est la plaque tournante de la drogue». Vous n’en croirez pas vos yeux. Mais, c’est bien un député de la majorité, Moustapha Cissé Lô, en l’occurrence, qui s’exprime ainsi. «Ce que je sais dans ce régime, si je le dis, le monde va s’effondrer. Sur le Saint Coran, vous devez prendre des bâtons pour taper sur les ministres et les faire sortir. Je n’accepterai pas qu’on prenne ma part au profit de jeunes qui s’attablent au café de Rome et qui courent derrière les péripatéticiennes dans les hôtels. Si quiconque dit la vérité à Macky est liquidé, je vous laisse», disait-il, comme s’il ne s’endentait pas parlé, lors de l’adoption du budget du ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural.
En tout cas, ces incohérences, affaires d’argent et de drogue agitées par le tonitruant Cissé Lô, cette histoire de faux billets dans laquelle est trempé l’ex-député Boughazelli, cette violence verbale ou encore cet hyper-présidentialisme où un seul homme est au centre de tout, décide de tout, sur tout et pour tous, sont des signaux alarmants sur la déliquescence du régime Faye-Sall. En effet, mises en cage, les troupes de l’Apr sont démotivées et démoralisées. Plus personne ne veut prendre le risque de se suicider politiquement dans un contexte de tractations avec Abdoulaye Wade et son fils Karim où personne n’est sûr de rien.
Que sont-ils devenus ?
La suppression du poste de Premier ministre pour «accélérer la cadence» n’a jusqu’ici accouché que d’un hyper-présidentialisme aux allures d’un impérialisme qui ne dit pas son nom et qui a, en France, perdu un certain Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, tout est entre les mains d’un seul homme, Macky Sall. Ce qui fait qu’on sent qu’il y a un vide du pouvoir, que l’Exécutif patine. C’est comme si le pouvoir n’a plus de direction. Surtout que de nombreux compagnons ont été écartés au profit de derniers arrivants. Car, depuis qu’il est arrivé au pouvoir, Macky s’est séparé de nombre de ceux qui l’avaient accompagné dans la traversée de désert. De Mme Senghor, sa première assistante à Mor Ngom qui a été défénestré pour finir ministre-conseiller en passant par le Mackyste historique Abou Abel Thiam, d’une certaine façon, Ibrahima Sall du Modem qui a été envoyé à la retraite, Harona Dia qui semble en disgrâce de même que Mimi Touré, presque sur la touche. Que dire de Cissé Lô que le «Patron» refuserait même de prendre en audience ou encore d’Alioune Badara Cissé neutralisé à la Médiature de la République ? Ils sont tous été dégagés sans ménagement ou à la périphérie du pouvoir au détriment des militants de la 25ème heure. Ce qui enrage le président du parlement de la Cedeao Moustapha Cissé Lô et qui prouve qu’il y a une échelle de valeurs dans le processus de décision du palais où des collaborateurs peuvent rester longtemps sans voir le «Patron» qui travaille beaucoup, nous dit-on, avec le téléphone.
Seyni DIOP