Onze ans après le lancement d’Orange Money, les services financiers vont rapporter 430 millions d’euros à la filiale africaine du groupe cette année. L’activité tire la croissance de l’opérateur télécoms.
C’est un comble pour un groupe français de télécoms : la maigre croissance d’Orange ne provient pas de France, et seulement pour moitié des télécoms. La botte secrète de l’opérateur tricolore, ce sont… les services financiers africains.
Depuis le lancement d’Orange Money, son service de paiement mobile, en Côte d’Ivoire en 2008, le succès ne se dément pas. Avec 45 millions de clients dans 14 des 19 pays du continent où Orange est présent, cette activité adjacente a rapporté 340 millions d’euros dans les caisses du groupe l’an dernier. Il en attend 430 millions en 2019. « Les prix de la voix et de la data décroissent. Les services financiers sont le moteur de la croissance », résume Mamadou Bamba, le directeur général d’Orange Côte d’Ivoire.
800 millions d’euros d’ici à 2023
Le pari d’Orange Money a plus que réussi. Et permet à la branche africaine du groupe d’afficher une solide croissance (plus de 6 % depuis le début de l’année) malgré l’effondrement des revenus traditionnels. « La voix représentait 90 % des revenus d’Orange en Afrique il y a cinq ans. Dans certains pays, les appels internationaux entrants comptaient pour la moitié du chiffre d’affaires, rappelle Alioune Ndiaye, le patron d’Orange sur la zone Afrique-Moyen-Orient. Aujourd’hui, la voix ne représente plus que la moitié des revenus. Le reste, c’est la data et Orange Money. »
Orange ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Ces dernières années, la croissance d’Orange Money a tourné autour de 30 % par an. Cela peut être amélioré, assure Alioune Ndiaye. Les services financiers représentent 8 % des revenus sur la zone, cela doit pouvoir passer à 20 %. En étant prudents sur les projections, nous visons 800 millions d’euros d’ici à 2023. »
Le patron d’Orange en Afrique reconnaît avoir été inquiet des ambitions de Facebook avec son projet de système de paiement Libra. Mais les déconvenues récentes du réseau social sur le sujet l’ont rassuré. Et il est d’autant plus confiant que les pistes pour doper les services financiers africains du groupe sont multiples.
Licences bancaires
La plus évidente est de continuer à gonfler le nombre de transactions sur lesquelles Orange prélève une commission. Plus l’opérateur noue de partenariats – pour payer sa facture d’électricité, sa vignette automobile ou encore l’inscription à l’université via Orange Money, par exemple -, plus ses services de paiement mobiles sont utilisés.
Alioune Ndiaye est convaincu d’en avoir sous le pied : « Avec M-Pesa au Kenya – ce qui se fait de mieux dans le paiement mobile -, l’opérateur Safaricom arrive à un taux de pénétration de 70 % de ses abonnés. Aujourd’hui, Orange est à 13 % d’utilisateurs actifs. On a de la marge. »
Orange compte aussi sur les pays d’Afrique du Nord pour doper les revenus d’Orange Money. Jusqu’ici, le service s’est essentiellement développé dans les pays subsahariens où le faible taux de bancarisation et l’accueil favorable des régulateurs ont facilité son décollage. Le groupe vient de se lancer en Egypte – le pays africain où il a le plus d’abonnés – et a décroché une licence bancaire au Maroc, où il proposera ses services financiers au premier trimestre 2020.
La dernière opportunité est sans doute la plus importante. Orange ne se cantonnera bientôt plus aux paiements. L’été dernier, la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) lui a délivré une licence bancaire. Elle va lui permettre d’offrir des microcrédits et des produits d’épargne dans les cinq pays de la zone CFA où il opère.
Au premier semestre 2020, il se lancera en Côte d’Ivoire, puis au Sénégal. Grâce aux informations dont il dispose sur ses clients en tant qu’opérateur, Orange explique construire des modèles de scoring qui doivent limiter les niveaux d’impayés. De quoi faire la différence, selon Mamadou Bamba : « Le taux de défaut des banques, c’est 20 %. Si nous arrivons à 5 %, alléluia ! ».
LesEchos