Dans le viseur de la justice française, Papa Massata Diack risque gros après les révélations de son père. Dans un article paru dans le quotidien sportif hexagonal L’Equipe, hier, Laminse Diack, ex-chef de l’athlétisme mondial, y avoue qu’il aurait dû plus le surveiller. Un aveu de taille qui risque de pousser les autorités sénégalaises à enfin lâcher cet agent marketing qui n’en est pas à son premier coup. Car, tout le monde se rappelle de son emprisonnement au Sénégal après la campagne des «Lions» du football de 2002, en Corée et au Japon.
C’est ça qu’on appelle un aveu de taille. Dans un article paru dans le journal français L’Equipe, le Sénégalais Lamine Diack y avoue n’avoir pas bien surveillé son fils, Papa Massata. Entendu en juin par le juge Van Ruymbeke, l’ancien président de la Fédération internationale d’athlétisme (Iaaf), a affirmé découvrir, à la lecture du dossier, les pratiques supposées de son fils, consultant marketing auprès de la Fédération internationale. Selon le canard français, le magistrat rappelle, d’emblée, que Papa Massata Diack (Pmd), avait reçu d’importantes sommes d’argent à l’occasion de votes du Comité international olympique (Cio) pour les Jeux Olympiques et de l’Iaaf pour les Championnats du monde, «sans réaliser la moindre prestation», au titre de consultant de l’Iaaf. Et selon un décompte du magistrat instructeur, Pmd a ainsi perçu (?) «entre 2009 et 2013, via ses sociétés, près de 11 millions de dollars, soit près de 7 milliards de francs Cfa». Mais, pour l’ancien président de l’Iaaf, cette somme correspond à du «lobbying». «Je savais qu’il faisait du lobbying, comme Sebastian Coe, explique Lamine Diack. Mon fils était un des meilleurs au monde en matière de marketing », a-t-il dit.
D’après le journal sportif français, l’attitude de ce consultant a «choqué» dès 2004 Helmut Digel, alors vice-président de l’Iaaf, en charge des commissions du marketing et des droits télévisés. Entendu comme témoin, en mars dernier, par le juge Van Ruymbeke, ce professeur de sociologie à la retraite lui raconte un épisode lié à la candidature de Stuttgart pour l’organisation de la Coupe du monde des nations d’athlétisme en 2006 (attribuée à Athènes, Stuttgart se contentant de feue la finale mondiale). À l’époque, PMD demande une «série de paiements», pour un total de près de 370 mille Euros, pour soutenir la candidature de la ville allemande. Face à ces demandes, le maire de la ville avait répondu que c’était «de la folie». Et rajoute le canard, Helmut Digel a remis à la justice française des documents dans lesquels le fils de Lamine Diack détaille ses demandes financières. L’ancien vice-président de l’Iaaf alerte alors Diack père sur le «comportement » de son fils. Il évoque la tenue d’une réunion, en février ou mars 2005, dans un hôtel de Monaco afin de mettre un terme à ces agissements. «Le président Lamine Diack était choqué et énervé et a dit à son fils que si un tel document était rendu public, c’en serait fini de lui comme président», relate Digel dans son audition devant Renaud Van Ruymbeke, selon le journal.
«Je ne trouve pas cela normal. Je tombe des nues»
Interrogé sur cette demande d’argent adressée par son fils à la ville de Stuttgart, Lamine Diack a pris la défense de son fils en arguant que «M. Digel raconte des histoires ». «C’est lui qui avait tout pouvoir, détaille- t-il. On a eu cette réunion. Cela m’a choqué, mais c’était Digel qui était entièrement responsable […]. Mon fils dépendait de M. Digel. […] Digel aurait pu mettre fin à toute collaboration avec lui, il ne l’a pas fait [ …]. J’ai dit à mon fils que c’était une connerie [ …]. Après coup, je me dis que j’aurais dû plus surveiller mon fils et d’autres. En lisant le dossier, je découvre certaines choses, je tombe des nues», dit-il.
Il n’avait plus répondu à la justice française depuis près de trois ans et sa mise en examen dans la première affaire de corruption mise au jour au sein de la Fédération internationale d’athlétisme (Iaaf), en lien avec la dissimulation de cas de dopage d’athlètes russes.
Avec ses révélations aussi fracassantes les unes les autres, l’opinion publique sénégalaise risque d’en avoir marre de Massata Diack réfugié à Dakar depuis l’éclatement de ce scandale de corruption, la justice sénégalaise refusant la moindre demande d’entraide judiciaire internationale. Mais avec cette nouvelle donne, les autorités sénégalaises risquent sans doute de reconsidérer leur positon.
Seyni DIOP