Les Tunisiens ont effectué un vote anti-establishment au profit de deux candidats à la présidentielle que personne n’attendait réellement au second tour. A présent que Nabil Karoui a passé avec succès l’épreuve du premier tour, les appels à sa libération se font plus audibles.
Alors qu’il n’a pu ni battre campagne, ni participer au débat télévisé des candidats du premier tour parce qu’il est en prison, Nabil Karoui est, malgré tout, arrivé deuxième à l’issue de la consultation présidentielle du 15 septembre. Il devra donc affronter au second tour du scrutin l’universitaire, Kais Saïed. La question se pose de savoir s’il restera ou non en prison, en dépit des nombreux appels pour son élargissement?
L’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) a demandé que la justice lui accorde la liberté provisoire afin de garantir l’égalité entre les deux candidats devant s’affronter dans l’épreuve finale de la présidentielle. La même demande avait été faite lors du premier tour, notamment pour qu’il participe au débat télévisé auquel les 26 candidats ont pris part. la justice avait alors refusé.
Ses avocats qui dénoncent une instrumentalisation de la justice n’ont cessé de réclamer sa liberté pour les mêmes raisons. La dernière décision en la matière a été rendue par la Cour de Cassation vendredi 13 septembre, deux jours avant les votes du premier tour.
“La Cour de Cassation s’est déclarée incompétente (…) et par conséquent, elle a refusé le recours contre le mandat de dépôt à l’encontre de Nabil Karoui”, avait indiqué, dans un communiqué, son parti Qalb Tunes.
De même, avant la tenue du premier tour, les observateurs de l’Union européenne avaient appelé Tunis à le libérer afin de respecter “le principe d’égalité des chances des candidats à l’élection présidentielle”. Une autre demande restée lettre morte.
Pour rappel, même s’il faisait l’objet de poursuite pour corruption depuis 2017, Nabil Karoui n’a été arrêté que le 23 août dernier, soit moins d’une dizaine de jours avant le début de la campagne électorale. C’est ce qui fait dire à ses partisans qu’il s’agissait d’une arrestation politique.
Cet homme d’affaires a fait fortune dans la communication et les médias à travers son groupe Karoui&Karoui World. Il possède la chaîne de télévision Nessma.
S’il n’a pas battu campagne comme les autres candidats, il n’empêche que sa famille, ses proches et les militants de Qalb Tunes ont réussi à combler le vide qu’il a laissé, aidés en cela par le formidable appareil médiatique. A Tunis, comme dans les autres villes, sur les panneaux publicitaires, on pouvait lire l’inscription suivante : “la prison ne nous arrêtera pas… Rendez-vous le 15 septembre”. Tout le monde savait qu’il s’agissait d’un appel à voter Nabil Karoui, à l’élection présidentiel.
Mais la campagne de l’homme d’affaire a démarré trois ans auparavant quand le magnat des médias s’est découvert une fibre de philanthrope. En effet, c’est en 2016 qu’il commence à sillonner le pays pour distribuer des vivres à ses compatriotes oubliés par le pouvoir. Il en tire un très bon capital de sympathie à cause de cette initiative renvoyant auprès de ses compatriotes l’image d’un homme anti-establishment qui sait être proche du peuple.
Il n’a donc pas voler ses 15,58% des voix exprimées au premier tour. Au second tour, il aura à affronter Kaïs Saïed, un professeur de droit constitutionnel, qui lui aussi revendique la rupture avec l’ancienne classe politique.
D’un côté comme de l’autre, il est peu probable qu’on veuille faire jouer des alliances ou même en nouer éventuellement. Tout se jouera dans la capacité des candidats à convaincre leurs électeurs avec une différence de taille. L’un est sûr d’être libre, l’autre devrait compter sur la clémence de la justice.
Le360Afrique