Avant de décliner sa feuille de route, Cheikh Oumar Hanne est appelé à se présenter devant un jury pour valider ses deux points : sa «gestion nébuleuse» du Coud et son profil de maître-assistant qui ne lui prédispose pas à diriger des Profs plus gradés que lui.
La nomination de Cheikh Omar Hanne au poste de ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, en remplacement de Mary Teuw Niane, continue de susciter la controverse auprès de ses pairs universitaires. C’est en raison de sa gestion jugée nébuleuse au Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) et son profil de maître-assistant à l’Ecole supérieur polytechnique de Dakar (Esp) qui ne le prédispose pas à ce poste. Pour ces «deux obstacles», Omar Dia, secrétaire général du Syndicat unitaire et démocratique des enseignants du Sénégal/enseignement supérieur et de la recherche (Sudes/Esr) et Malik Fall, secrétaire général national du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) raturent sa copie. «Il a été épinglé par l’Ofnac pour sa gestion passée du Coud. Normalement quand la gestion d’un responsable public est mise en cause par un corps de contrôle, on ne promeut pas ce responsable-là, au moins jusqu’à ce qu’une enquête indépendante le blanchisse. On sait que, jusque-là, aucune enquête indépendante n’a blanchi M. Anne de sa mauvaise gestion présumée du Coud», a constaté hier Oumar Dia, secrétaire général de Sudes/esr, dans une déclaration exclusive recueillie par WalfQuotidien. Qui poursuit : «Le Sudes/esr nourrit des inquiétudes que les pratiques mises en cause par l’Ofnac au Coud ne soient érigées en règle de gestion au sein du département de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation dont le budget est de toute façon insignifiant pour faire face à tous les défis du Secteur».
Selon ce dernier, le Sudes/Esr respecte pleinement le Droit constitutionnel qui confère au chef de l’Etat le droit de choisir les membres de son gouvernement, mais que sa crainte soit vaine et qu’à l’épreuve, la gestion de Cheikh Oumar Anne au département sensible de l’Enseignement supérieur «soit exempte de tout reproche». À l’en croire, leurs revendications ont déjà été consignées dans un mémorandum qui sera remis très prochainement au nouveau ministre, en vue d’une ouverture urgente de négociations entre le syndicat et le gouvernement. «Ces revendications, qui tournent autour de l’achèvement de tous les chantiers en cours, d’un plan Marshall de recrutement d’au moins 500 enseignants-chercheurs et chercheurs par an, du financement adéquat de la recherche, de la revalorisation substantielle des pensions des collègues partis à la retraite avant juillet 2018, de la révision de la loi sur les universités publiques, de la suppression de l’Université virtuelle du Sénégal (Uvs), du respect par le Recteur de l’Ucad des arrêts rendus par la cour suprême, etc.», exige-t-il.
«Il y aura des difficultés…»
Même si le secrétaire général du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes), Malick Fall, a passé sous silence la gestion de son collègue au Coud, il n’a pas tari d’éloges à son endroit. Il remet en cause le profil de leur nouveau manager à diriger des professeurs plus gradés que lui. Pour lui, l’enseignement supérieur, c’est comme l’Armée. Les enseignants tiennent beaucoup à leurs grades. «Il y a plusieurs lectures qu’on peut faire de la nomination de notre ministre de tutelle. Il y a un aspect plus intéressant pour nous que la gestion du Coud. L’Université est structurée et hiérarchisée. On peut nommer quelqu’un qui est extérieur à notre corps sans aucun problème. Quand il s’agit de quelqu’un de l’Université, il y a un problème de grade qui se pose», explique-t-il d’emblée. A l’en croire, la nomination du nouveau ministre de l’Enseignement supérieur qui est un maître-assistant titulaire avec les nouvelles réformes des grades, c’est comme prendre un soldat de première classe et le nommer chef d’Etat-major général de l’armée (Cemga). «Sur le plan du fonctionnement des choses, il y aura des difficultés. Ne pas les dire, c’est faire la fine bouche. Depuis sa nomination, des collègues m’interpellent sur son profil à diriger ce département», constate-t-il. Avant d’ajouter : «Il va avoir un directeur de recherche qui sera un professeur titulaire, un directeur de l’enseignement supérieur qui sera un professeur titulaire et d’autres directeurs qui seront des professeurs titulaires, etc. Il n’a pas le même grade qu’eux. Les universitaires sont très jaloux. Dans toutes les universités du monde, les enseignants tiennent aux grades à la prunelle de leurs yeux. Ça peut frustrer les puristes».
Par ailleurs, ce constat n’a pas empêché à Malick Fall de relativiser. Selon lui, sur le plan des principes, il y a aucun problème. La nomination est administrative. «C’est une question extrêmement importante. Mais c’est le président qui a la responsabilité de nommer. On ne peut pas récuser sa nomination. C’est aspect administratif. Nous avons un préjugé très favorable sur la personne de Cheikh Omar Hanne, en tant que manager», note Malick Fall, secrétaire général national du Saes.
Salif KA