Il veut tout brûler pour… son fils. Comme s’il avait une crampe dans la tête, Abdoulaye Wade, chef du Pds, semble estimer que Karim est plus important que de donner un nouveau souffle à la démocratie sénégalaise. Son appel au sabotage de l’élection, en brûlant les bureaux de vote, sonne comme de l’irresponsabilité manifeste de la part du plus grand opposant que l’Afrique ait connu et qui ne voulait pas marcher sur des cadavres pour arriver au pouvoir. Sachant que sa consigne sera suivie dans l’une des forteresses de l’opposition, Touba, sa persistance risque de saboter l’affaire de l’opposition et permettre au régime de Macky Sall, qu’il veut faire tomber, de limiter les dégâts dans les bastions rebelles.
Le discours va-t-en-guerre d’Abdoulaye Wade choque et intrigue. Alors qu’il sait que le soutien qu’il apporterait à un des candidats en lice dans l’opposition sera fatal au système en place, le Pape du Sopi (changement en français, Ndlr) se cramponne à jouer les trouble-fêtes, en maintenant sa position de sabotage du scrutin du 24 février prochain. Tout cela, parce que son fils a été ostracisé. Mais, son appel, réitéré mercredi dernier, à brûler les Pv des bureaux de vote est tout simplement irresponsable pour quelqu’un qui a occupé les plus hautes fonctions dans ce pays. Et qui, en 2012, lors de sa chute, avait invalidé deux candidatures : celles de l’actuel ministre chanteur, Youssou Ndour, et du haut fonctionnaire international, Abdourahmane Sarr. Pourtant, même si le même Conseil constitutionnel du régime de Wade a douché ses ambitions, l’artiste planétaire n’avait jamais appelé à brûler ne serait-ce qu’un pneu. Il s’était rangé du côté de l’opposition gagnante. Mais, Wade, lui, c’est lui. Il semble montrer que son fils biologique, qu’on n’a même pas entendu émettre le plus petit mot, est meilleur que tous les Sénégalais. Et que sa non participation à l’élection présidentielle n’est rien par rapport à tous ces heurts avec les forces de sécurité qui se dessinent. Ce qui est totalement irresponsable puisque le Sénégal a déjà payé un lourd tribut pour cette élection avec près d’une dizaine de morts..
De plus, Wade, après avoir occupé la plus haute position de l’opposition pendant plusieurs années, qui a été ensuite chef de l’Etat, se devait de montrer plus de sagesse. Car, même dans l’irresponsabilité politique, on doit quand même avoir des limites.
Mais, comment pouvait-il ne pas continuer à prêcher le sabotage lui, n’étant pas candidat à l’élection présidentielle dont il appelle au sabotage, a été accueilli par ses militants autorisés et escortés par l’Etat responsable sur des dizaines de kilomètres de sa parade nocturne. Ça, c’est un non sens qui démontre l’état de déliquescence de l’autorité dans le pays. A moins qu’un tel discours n’arrange le système. Car, sachant que son appel au sabotage pourrait faire de l’effet dans le Baol, notamment à Touba où l’on a assisté à un spectacle similaire lors des Législatives de 2017, Wade va éviter à Macky Sall de se faire laminer dans l’une de ces forteresses de l’opposition à côté de Dakar et Thiès. Des zones «rebelles» où Benno espère limiter les dégâts afin que ses scores fleuves dans le nord notamment viennent combler l’écart pour valider sa réélection. Et l’ancien Président pourra dire qu’il l’avait prédit, avec les mêmes scores.
Persistant dans sans voie sans issue, puisque ne pouvant empêcher la tenue de l’élection dans un pays organisé, Abdoulaye Wade risque de pousser les militants du Parti démocratique sénégalais à prendre leur responsabilité. Car, certains de ses camarades, comme on commence à en enregistrer à l’intérieur du pays, refusent de se calfeutrer chez un homme qui n’en a que pour son fils, en rejoignant un candidat de l’opposition dont ils estiment qu’il peut battre Macky Sall. Et cela devrait réveiller le candidat Ousmane Sonko qui se vautre toujours derrière le vieux, espérant avoir ce qu’il ne peut lui donner.
Quoi qu’il en soit, le Sénégal ne peut pas continuer d’être prisonnier d’un prisonnier spécial qui se la coule douce dans les palais qataris. Car, c’était à Karim Wade d’être à Dakar pour mener ce combat en lieu et place de son père, un vieux de 94 ans qui se sacrifie à sa place. A cette âme bien née, la valeur tarde à se matérialiser.
Seyni DIOP