Du côté du département de Médina Yoro Foula, c’est le chassé-croisé à la frontière entre le Sénégal et la Gambie pour brader les arachides. Des paysans situés le long de la frontière bradent leur récolte au marché hebdomadaire de Jahanka, village gambien. Tandis que des camions des «bana-bana» quittent la Gambie pour venir acheter les arachides à vil prix.
Envoyé spécial – La campagne arachidière donne du tournis aux paysans. Beaucoup d’entre eux se promènent avec des bons impayés. Ou bien sont allés brader leur récolte aux «bana-bana». Ceux vivant dans le département de Médina Yoro Foula ont investi le marché hebdomadaire de Jahanka, un village situé en territoire gambien. Faute d’avoir un rond et face aux difficultés quotidiennes, la colère monte, comme à Touba Mboyène, dernier village sénégalais avant d’entrer en Gambie. Ici, des centaines de paysans ont porté, jeudi dernier, des brassards rouges pour manifester leur courroux. «Les ‘bana-bana’ viennent acheter le sac à dix mille alors que dans les points de collecte, ce sac peut vous rapporter 15 mille francs voire plus. D’autres paysans vont vendre au marché hebdomadaire de Jahanka, un village gambien situé à trois kilomètres d’ici», s’étrangle de colère Moustpaha Boye, paysan de Touba Mboyène, également adjoint au maire de Niaming. Selon lui, devant le manque de financement de la campagne arachidière, de nombreux camions viennent désormais charger les arachides pour les acheminer en Gambie. «Hier, (mercredi, Ndlr, j’ai croisé un camion immatriculé en Gambie, avec à son bord plusieurs tonnes d’arachides, en train de pénétrer en territoire gambien», affirme-t-il, entouré de plusieurs paysans, dont certains sont venus des patelins avoisinants Touba Mboyène. Pourtant, il précise qu’au niveau de la frontière, des Gambiens prennent le chemin contraire pour vendre leur production.
Quant au vieux Mamadou Diallo, habitant de Saré Sara, il se dit inquiet. Et demande à l’Etat de réagir pour mettre fin à cette campagne arachidière catastrophique. Malick Diop contredit les autorités, en l’occurrence le ministre de l’Agriculture, qui a affirmé, lors d’un séjour à Kolda, que la campagne arachidière se déroule bien. «Dr Pape Abdoulaye Seck raconte ce qu’il veut. Il n’est pas allé rencontrer les paysans pour s’enquérir de leurs conditions de travail», renchérit Malick Diop, visage dégoulinant de sueur. «Nous avons entendu que le chef de l’Etat a mis l’argent à la disposition des opérateurs économiques. Si cela s’avère vrai, on doit nous payer au lieu de nous servir de bons impayés. Nous sommes malades, devons nous soigner, organiser des cérémonies familiales, et ce n’est pas avec ces bons impayés que nous pourrions satisfaire nos besoins», fait remarquer Moustapha Boye. Pour lui, si les autorités ne mettent pas fin à leur souffrance, eux tous vont voter contre le candidat de la mouvance présidentielle. Depuis début janvier, l’adjoint au maire de Niaming indique qu’on ne leur distribue que des bons impayés. Et les paysans accusent les autorités locales de complicité avec les «bana-bana».
Baba MBALLO