CONTRIBUTION
Monsieur le Ministre, je vous avais publiquement interpellé sur de très graves accusations portées contre vous par le sieur Abdoul Mbaye, ancien Premier ministre du président Macky Sall. En effet, ce dernier, contre signataire des deux décrets attribuant des permis de recherches et d’exploitation d’hydrocarbures liquides et gazeux à Petro-Tim Ltd, a déclaré à plusieurs reprises et ne cesse de le faire chaque fois que l’occasion lui en est donnée, que les décrets avaient été signés sur la base de vos rapports de présentation qui comportaient de fausses informations dans le but manifeste et le dessein malveillant et évident de surprendre la vigilance du chef de l’Etat, de le tromper et d’emporter son adhésion en abusant de sa confiance. J’avais dit que c’était une forfaiture d’une exceptionnelle gravité et qu’un faux d’une telle dimension et à un si haut niveau de responsabilité au cœur de l’Etat pose un véritable problème de crédibilité des membres du gouvernement et de fiabilité de nos institutions.
Monsieur le Ministre, depuis lors, vous n’avez guère daigné vous manifester, encore moins réagir, ne serait-ce que timidement. Je suis au regret de vous dire que vous ne pouvez pas continuer à opposer à ce qui apparait aujourd’hui comme une interpellation collective et citoyenne, un silence qui frise le mépris. Vous exercez vos fonctions au nom et pour le compte du peuple souverain qui, à ce titre, a un droit de regard sur vos faits, gestes et paroles. La nouvelle constitution consacre les ressources naturelles comme un bien commun, une propriété indivise et inaliénable de l’ensemble des citoyens de ce pays ; c’est ainsi que chaque Sénégalais, quel que soit son niveau de responsabilité ou sa position sociale, a le droit de vous interpeller sur cette affaire sulfureuse, rocambolesque et scandaleuse relative à Pétro-Tim et vos rapports entachés de faux. Vous êtes soumis à une obligation de redevabilité.
Monsieur le Ministre, c’est une exigence républicaine et une obligation morale pour vous de prouver votre innocence, votre probité par rapport à ces gravissimes accusations. Il vous appartient de démontrer que vos mains ne se sont pas salies dans le cambouis de l’or noir et de montrer, de manière claire, que vous n’êtes point ce ministre vicieux, ce faussaire impavide qui, volontairement, consciemment, consciencieusement et à dessein, a osé soumettre à la signature du président de la République des projets de décrets contenant des informations erronées et tronquées. Et aussi longtemps que vous vous obstinerez à vous taire, vous serez toujours considéré comme coupable d’une grave forfaiture au détriment des intérêts supérieurs de la nation. Comprenez que votre silence assourdissant ainsi que votre mutisme éloquent à souhait ne peuvent et ne font que vous desservir.
Monsieur le Ministre, ne considérez point mes interpellations récurrentes comme un acharnement de mauvais aloi sur votre personne, que je respecte certes, mais qui ne m’intéresse guère. Il se trouve que les accusations sur vous sont d’une extrême gravité par rapport à vos fonctions publiques et vos responsabilités gouvernementales. Jamais dans l’histoire de notre jeune République, et dans aucun gouvernement que je sache, un ministre, à fortiori chargé de l’Intérieur, n’a été l’objet d’une telle accusation. C’est d’autant plus embarrassant et inquiétant que vous êtes en charge d’un ministère de souveraineté, d’une importance stratégique qui en fait un département très sensible. Vos attributions vous amènent tous les jours à fournir au président de la République des informations et des renseignements de tous ordres sur la marche du pays, sur nos rapports avec nos voisins, sur certaines personnalités politiques et du monde économique, sur les menaces terroristes, etc. N’est-il pas légitime de se poser des questions sur la fiabilité de ces informations et de ces renseignements s’il est prouvé que, dans l’affaire Pétro-Tim, vous avez effectivement produit du faux ?
Aussi, avec insistance et je ne me lasserai de le faire, vous exhorté-je à édifier l’opinion nationale et même internationale et à prouver que vous n’êtes en rien responsable ni coupable de ce dont on vous accuse. Il ne saurait être question pour nous Sénégalais d’accepter qu’un faussaire présumé soit à la tête du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique. C’est potentiellement risqué et dangereux.
Monsieur le Ministre, la chance de nos gouvernants est d’avoir à gérer un peuple qui souffre de carence mnémonique et de défaillance mnésique qui le rend prompt à dissiper dans les effluves de l’oubli tous les scandales qui, chaque fois, défraient la chronique. Aussi, l’ayant compris et assimilé, chaque fois qu’un scandale est soulevé, l’autorité fautive s’emmure dans un silence, se fait tout petit, laisse passer l’orage pour ensuite revenir au-devant de la scène sous la forme d’une exhibition médiatique de mauvais goût pour se réhabiliter. C’est cette propension maladive et cette fâcheuse tendance de nos populations qu’il faut combattre pour que les délinquants et grands bandits de la République soient constamment traqués et mis hors d’état de nuire. Les médias ont un rôle éminent à jouer, un rôle de rappel et de réactualisation des faits. L’affaire Petro-Tim, les 52 milliards des cartes nationales d’identité, les 29 milliards de la Prodac, le cas Mamour Diallo, les scandales du Coud, de La Poste, les grés à grés du ministère de la Pêche, les liaisons dangereuses d’une certaine Fondation, ces riches hommes d’affaires qui ont commencé par la drogue, sont autant de sujets qui doivent alimenter les débats de tous les jours.
Monsieur le Ministre, il se dit qu’à cause de cette affaire Petro-Tim, vous auriez peur de perdre le pouvoir parce que persuadé qu’un nouveau régime vous ferait comparaitre devant les juridictions de jugement. Vos craintes sont plus que justifiées ; seulement, je puis vous assurer que vous ne serez pas seul et qu’un grand nombre de ministres dont certains de vos prédécesseurs vous accompagneront ; de même qu’une flopée de directeurs généraux et de directeurs.
Monsieur le Ministre, sur un autre registre, notamment celui de l’élection présidentielle, je vous demanderai d’épargner à notre pays une situation de tensions, de tourments et de soubresauts. Je peux comprendre le désir ardent du président Macky Sall de vouloir rempiler, à la limite, c’est légitime ; mais que cela se fasse à la loyale, dans le respect des principes d’équité et d’égalité de tous les candidats. Qu’il ne vous vienne surtout pas à l’esprit de vouloir écarter qui que ce soit. Et si tant est que vous êtes animé par le souci de la transparence, mettez le fichier à la disposition et à la portée de tout le monde sans délai.
Monsieur le Ministre, l’occasion m’est donnée d’interpeller les prétendus «sages» de nos plus hautes juridictions en leur demandant d’assumer totalement leurs responsabilités et de prendre leurs décisions en se fondant sur la crainte révérencieuse d’Allah Le Tout-Puissant, Le Seul Vrai Juge. Et avec tout le respect que je leur dois, je suis tenté de récuser le titre de «sage» à l’un d’entre eux qui, quand il officiait à l’intérieur du pays, s’acoquinait avec des individus pas très recommandables, frayait avec le frère d’un businessman douteux et faisait montre à l’endroit des multiplicateurs de billets d’une indulgence et d’une compréhension qui agaçaient les policiers. Bon ! je concède qu’il a pu changer et qu’il s’est bonifié en sagesse ; le cas échéant, je lui présente mes respects. C’est le charme de notre justice, notamment au niveau de la chaine pénale, les différents acteurs se connaissent.
Monsieur le Ministre, tout le monde sait que vous avez fait le pari de faire gagner votre candidat dès le premier tour, en sachant parfaitement qu’une telle éventualité est écartée par tous les sondages et les prévisions les plus optimistes. Je sais aussi que les forces de sécurité seront mises à contribution ; de quelle manière, dans quel sens et dans quelle perspective, je ne saurais le dire. Toutefois, à ces dernières, je réitère mes propos d’antan, pour leur dire que leurs membres sont des fils et des filles du peuple qui ne doivent servir que les intérêts supérieurs de ce même peuple souverain. Je les exhorterai à toujours être loyaux vis-à-vis des institutions républicaines parce qu’étant astreints à la discipline la plus rigoureuse ; seulement, et puisque la France nous sert de référence, vous me permettrez d’évoquer le Code de déontologie de la police nationale (article 17) qui affirme que les fonctionnaires de police ont un devoir de désobéissance quand l’ordre est «manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public». C’est toute la délicatesse et l’ingratitude de leur métier. Cependant, personne ne pourra leur reprocher de bien réfléchir avant d’agir ; l’essentiel, que leur action s’inscrive dans le sens des intérêts supérieurs du peuple souverain qui a prééminence sur tout citoyen, quelle que soit sa station. Que chacun des acteurs de la scène politique agisse selon sa conscience, ses convictions et les impératifs de son devoir ; le Peuple appréciera, l’Histoire témoignera, Dieu jugera.
Monsieur le Ministre de l’Intérieur en charge des cultes, je ne saurais terminer sans exprimer mes doutes sur les convictions religieuses de Macky Sall. A mon avis, se méprendre pour dire «Salatul Ala Fatiha» et ensuite ignorer tout simplement le vrai sens du Magal, pour quelqu’un qui se réclame mouride, n’est rien d’autre que la réminiscence des convictions communistes et marxistes du président Macky, militant convaincu et invétéré de la gauche révolutionnaire qui a toujours considéré la religion comme l’opium du peuple. Pour lui, les marabouts ne peuvent être que des citoyens ordinaires. Les clergés tidiane et mouride doivent se méfier des allégeances opportunistes de nos politiciens qui ne croient qu’en leur chapelle personnelle et refuser toute complaisance ou laxisme avec nos tartufes, notamment les mourides de circonstances ; malheureusement au Sénégal il arrive souvent que la spiritualité cède devant la vénalité. Qu’Allah nous Couvre de Sa Grace éternelle, nous Assiste et nous Préserve des hypocrites, des fourbes et des bigots.
Boubacar SADIO
Commissaire divisionnaire de police de
classe exceptionnelle à la retraite