(Correspondance) – Une centaine de candidats à la candidature à la présidentielle d’un pauvre petit pays de 15 millions d’âmes, même si c’est légalement admis, ça fait sérieusement désordre au point de susciter la réaction des observateurs de la scène politique qui ne manquent de se poser des questions. Qu’est-ce qui peut motiver cette pléiade de candidats ? Le palais de Roume est-il si attrayant pour attirer autant de postulants comme l’effet d’un champ de fleurs pour les abeilles ? Pourquoi cette course en solo alors que tous ont la pleine conscience que l’heure des échappées solitaires est révolue dans ce pays ? Autant de questions entre autres auxquelles il est difficile de répondre. Sinon que c’est la preuve que dans ce pays, des gens n’ont pas encore compris ou ne veulent pas comprendre que le véritable problème du Sénégal n’est point celui d’un homme mais plutôt, comme disait l’autre, celui d’un système en panne, archaïque et sclérosé. Un système mal en point qui, pour jouer pleinement le rôle attendu de lui, n’attend ni messie sauveur ni homme providence mais plutôt une dynamique unitaire évoluant dans le même sens, celui de l’intérêt exclusif de la Nation. Mais au-delà se pose la question de savoir quelle est la place de la Nation dans tout ce désordre. Ce peuple qui va être appelé aux urnes et qui n’aura ni le temps encore mois la latitude de savoir qui est qui et qui propose quoi dans ce méli-mélo sans précédent dans ce pays.
Méli-mélo, oui, reconnaît le docteur en sociologie diplômé en sciences politiques, Abdou Khadre Sanokho qui précise tout même que c’est l’environnement de l’échiquier politique au Sénégal et la Constitution qui garantissent un tel état de fait. Toutefois, selon lui, il est tout même possible de scinder cette pléthore de candidats à la candidature en deux pôles. Un premier extrêmement sérieux composé de candidats connus pour leur présence sur la scène politique pendant une bonne trentaine d’années et qu’on peut considérer comme des candidats légitimes qui se sont toujours intéressés des préoccupations des populations à travers le truchement et le canal de la politique. Et un second pôle composé de gens inconnus au bataillon qui ont été des fonctionnaires internationaux qui se l’ont coulé très douce et qui à un certain moment de leur vie ont eu un contentieux avec le régime en place et veulent de façon téméraire le défier. Mais, retient-t-il, l’un dans l’autre, cela risque de faire sérieusement désordre. «Allez chercher. Mais dans le jeu politique, il y a de ces stratégies extrêmement louches. Je donne ma langue au chat. Je n’en suis pas sûr, mais est-ce que même certains de ces candidats ne sont pas parrainés par le pouvoir central peut-être pour fausser le jeu ? Ce qui est certain c’est que ça fera désordre. Même si ce désordre avait servi de prétexte pour légitimer le parrainage qui éviterait le désordre, nous en sommes aujourd’hui à 87 candidats à la candidature. Pour dire que même si 67 d’entre eux seront recalés, il restera 20. En conséquence, il y aura désordre par rapport aux temps d’antenne pour la campagne de communication électorale, désordre au niveau de l’impression des bulletins entre autres. De l’anomie pure et simple». Qu’à cela ne tienne, poursuit-il, cet état de fait dénote d’une démocratie qui a atteint son extrême au Sénégal.
Démocratie ou anarchie ? Sanokho relativise et invoque le caractère complexe et compliqué du principe de la démocratie. «Les gens disent anarchie mais, personnellement, j’ai le sentiment que quand quelqu’un se met en face d’un régime, c’est parce qu’il n’est pas d’accord avec son fonctionnement. En conséquence, il est temps que, ceux qui gouvernent ce pays et ceux qui s’opposent fassent leur introspection pour comprendre que la grande masse ne se retrouve pas assez dans le déroulement de l’action politique et qu’il faut qu’ils décident en responsable de l’assainissement de l’environnement politique. Quitte à revenir à la formule des quatre pôles que ce pays a connue sous l’ère senghorienne». Surtout, poursuit–il, «on sait qu’à l’heure actuelle les partis politiques ont fait faillite dans leur mission d’éducation. En atteste ce qui se passe au niveau des grands débats sur les plateaux des émissions télévisées. Les militants tirent à terre et passent à côté parce qu’ils ne sont formés qu’aux invectives et critiques salaces et ne sont pas dans une démarche pédagogique de pouvoir dire le contenu du programme de leur parti politique encore moins leur vision du pays entre autres». Aussi et revenant sur la pléthore de candidats à la candidature de la présidentielle, le docteur sociologue et politologue d’estimer qu’il aurait été plus judicieux pour ces dits candidats de se retrouver autour de grands ensembles pour pouvoir espérer amener la coalition Benno Bokk Yaakaar et son candidat au second tour. Surtout que cette dite coalition, quoi qu’on puisse dire, a une force de frappe extraordinaire et en est très consciente. Ce qui amène, dit-il, à se demander si, elle n’est pas derrière cette pléiade de candidats. A moins que les postulants ne soient dans une dynamique de marchandage qui leur permettrait de négocier leur soutien à la mouvance présidentielle ou à l’opposition.
Sidy DIENG