L’opposition significative n’accorde aucun crédit à l’appel lancé par le Président Sall sur la concertation de l’argent tiré de l’exploitation du pétrole et du gaz.
Aussi, Macky Sall risque d’avoir comme interlocuteur des petits partis politiques, «cabines téléphoniques», sans aucune représentativité et qui lui sont favorables. On risque d’assister à un monologue.
Le président de la République insiste sur le dialogue autour du pétrole et du gaz. Il convie encore, dans la première décade du mois de juin prochain, l’ensemble des «forces vives de la Nation» aux concertations sur la gestion des futurs revenus gaziers et pétroliers, selon un communiqué de presse. Auparavant, Macky Sall avait mis à profit l’assemblée générale de l’Association des autorités anti-corruption d’Afrique (Aaaca) le vendredi 4 mai pour annoncer l’organisation très prochaine d’une réflexion portant sur l’avenir des ressources pétrolières et gazières du Sénégal
Toutefois, il risque de se retrouver avec les petites formations politiques ou avec ses alliés de Benno. D’ailleurs, Ousmane Tanor Dieng affirme que c’est une excellente chose que l’opposition, la société civile et toutes les composantes de la société en discutent pour construire un consensus. «C’est un dialogue particulièrement important et il s’agit de questions sur lesquelles on doit construire un consensus. Car jusqu’à présent il n’y a pas d’exploitation de ces ressources. Mais on doit prévenir et essayer de voir comment ces ressources vont être réparties et comment on va prévoir les générations futures», dit-il.
Mais on va tout droit vers un monologue, car les partis de l’opposition les plus représentatifs ont déjà annoncé qu’ils ne prendront pas part à ce dialogue qu’ils considèrent comme une ruse. «Pourquoi attendre mai 2018 pour annoncer une recherche nécessaire de transparence dans la gestion des ressources pétrolières et gazières du Sénégal, soit donc 6 ans après les signatures des décrets d’attribution de permis «corrompus» par de fausses informations sur les bénéficiaires desdits permis ?», se demande l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye qui indique que le dispositif de spoliation depuis 2012 est considéré comme immuable.
Le leader de l’Act voit dans cet appel au dialogue une ruse du chef de l’Etat qui lui permettra ainsi de détourner l’attention et de faire oublier les «comportements scélérats», et de faire endosser par «toutes les forces vives» les décisions de répartition de ce qui restera au peuple du Sénégal après le «vol organisé» d’une part essentielle de ses ressources pétrolières et gazières.
«Le Président annonce vouloir ‘parler de l’avenir de nos ressources pétrolières et gazières’. Qu’il commence par nous parler du passé qu’il a construit sans concertation aucune. Qu’il commence par nous dire pourquoi ce n’est qu’en 2018 qu’il convient d’évoquer une gestion dans ‘l’intérêt exclusif’ des populations et non antérieurement à mai 2018. Les contrats signés pour des durées de 25 à 40 ans seraient en outre devenus renégociables», s’interroge encore Abdoul Mbaye. Avant de s’exclamer: «Quelle outrecuidance ! Quel cynisme».
«De grâce, cessez donc de prendre les Sénégalais pour ce qu’ils ne sont pas : des nigauds. Sénégalais, cessons donc de nous laisser prendre à ce jeu de concertations qui n’a d’autre objectif que de faire passer des décisions contraires aux «intérêts exclusifs» de notre peuple sous le couvert de prétendus consensus», conclut-il.
Des concertations tardives qui ne serviront à rien, selon l’opposition
Le député Ousmane Sonko ne dit pas autre chose. «Personnellement, je ne répondrai pas à votre appel et m’interdis de participer à cette mascarade qui, en réalité, n’est qu’un exercice de blanchiment des actes graves de mal gouvernance commis, volontairement et sciemment, par votre régime qui, ainsi, a gravement compromis les intérêts supérieurs de la Nation sénégalaise. On ne peut pas parler de l’avenir de nos ressources pétrolières et gazières car vous l’avez déjà scellé. Malheureusement. En dehors du principe de renégociation de ces contrats pour une part équitable, tout le reste n’est que verbiage accessoire», assène le leader de Pastef. Avant d’ajouter: «Le Président Sall méprise son peuple et prend son opposition et la société civile pour des ignares bons pour lui servir de faire valoir».
Ousmane Sonko, affirme que ces concertations viennent trop tard et ne serviront à rien. Selon lui, il aurait fallu les tenir avant la signature précipitée, sur les quatre dernières années, de contrats léonins en défaveur du Sénégal, sur la quasi totalité des 18 blocs. Mais aussi, avant la concession de clauses de stabilisation sur de longues périodes pouvant aller jusqu’à 45 ans, ce qui rend presque inutile toute modification présente du code pétrolier, avant l’octroi des 5 blocs les plus prometteurs aux aventuriers Ovidiu Tender, Edy Wang et Frank Timis avec l’implication de votre frère Aliou Sall et la complicité de Aly Ngouille Ndiaye et avant la signature (l’offrande même) des deux blocs au profit de la française TOTAL. Mais aussi, dit-il, avant l’autorisation des transactions spéculatives sur nos ressources pétrolières et gazières et avant l’accord de partage (50/50) avec le voisin mauritanien.
«En vérité, le Président Macky Sall a déjà signé ses accords avec les compagnies étrangères en violation de la constitution qui dit bien, que les ressources naturelles appartiennent au peuple. Cet appel à la concertation sur le pétrole et le gaz est un énième bluff qui cherche à faire avaliser ces accords avec la Mauritanie et faire oublier le scandale de l’affaire Petrotim. Comme toujours, les appels à la concertation du Président Macky Sall sont destinés à faire avaliser une décision déjà prise: Affaire Karim Wade et élections au Hcct, cartes biométriques et parrainage», renchérit le député Mamadou Lamine Diallo, le leader de Tekki.
Les socialistes proches du maire de Dakar exigent quant à eux la libération de leur leader. Macky Sall a décrété Journée du Dialogue national, chaque 28 mai.
Charles Gaïky DIENE