CONTRIBUTION
Nous sommes, comme beaucoup, habitués à sa frêle silhouette tous les vendredis soir, sur le plateau d’une émission d’une grande chaine de télévision de la place, bien suivie par de nombreux téléspectateurs ici au Sénégal et dans le reste du monde. Au sein de cette équipe d’animateurs, chacun, par son caractère, son style avait sa particularité diversement appréciée par le public avec des préjugés, jugements plus ou moins favorables. L’ambiance y était bon enfant, dans une belle symphonie perturbée des fois par des notes discordantes d’humeur plus ou moins gaies. En effet, les croisements de fer étincelants, lors des duels amicaux, qui ne peuvent manquer entre mousquetaires, débordent des fois. Très souvent, ils n’épargnent même le ou les invités du soir hélas, faisant peu cas de cette règle non écrite, liée à notre identité : un peu d’égard, hospitalité oblige envers l’hôte.
Les mots, des fois, pouvaient bien voler haut entre «coquins», pardon entre copains pour ne pas nous voir infliger une condamnation de ces censeurs, juges des temps modernes, et de subir le châtiment suprême, après ce philosophe, bien de chez nous, le supplice mortel (la cigüe) de Socrate. En l’espèce, pour mieux coller à la solennité requise dans le temple de Thémis au procès, les bourreaux ne sont pas les athéniens, qui avaient, à leur corps défendant, respecté le droit sacro-saint de l’accusé d’alors de se défendre, quoiqu’on pût trouver à dire du caractère partial, voire inique de ce procès. Aujourd’hui, ce sont bien des compatriotes, des Sénégalais ou une nouvelle race ayant muté, censeurs auto proclamés de la morale, qui ont dressé le gibet pour y pendre haut et court un professeur de philo, en fait un déjà mort noyé, par les fortes vagues des clameurs d’indignation, d’insultes, pour emprunter un élément constitutif du délit ou crime pénal flagrant (dans le temps voisin d’une infraction, la personne poursuivie par la clameur….), un réquisitoire sans appel. Les juges de la triste époque de l’Inquisition n’auraient pas fait plus en termes de torture, en faisant usage de procédés inhumains de l’époque, pour arracher au coupable la preuve du crime par l’aveu.
Le sort de notre coupable désigné de ce soir fatidique, du crime de «trop philosopher» n’était pas des plus enviables. Non seulement, il ne pouvait se prévaloir de son statut de «délinquant primaire», pour bénéficier de circonstances atténuantes. Même si devant Dieu et les hommes, celui dont le pénible mais au combien noble destin est de transmettre à la génération les connaissances, a fait don de son honneur d’époux, de père, de voisin modèle et présenté ses excuses à la société pour se faire pardonner son crime d’apologie au viol à la société entière. Malgré cela, les tirs groupés du peloton d’exécution, les pierres de lapidation n’ont fini de s’abattre sur ce professeur, excusez du peu notre pudeur de ne pas le citer nommément, pour ne pas être attrait demain devant le tribunal de l’histoire. Son crime : avoir fait des déclarations jugées «trop excessives» parce que offensantes, à propos du viol. Le supplicié, pourtant connu pour sa courtoisie, sa retenue, sa politesse n’a en réalité fait aucune apologie du viol, contrairement aux accusations de ces «gendarmes» qui ont la mission divine de régenter notre société avec leurs propres règles importées. Les associations, lobbies, loin d’être désintéressés ont même entrepris, d’ailleurs en quelle qualité et légitimité, se demande-t-on, de poursuivre cet honnête et respectable père de famille et professeur émérite, reconnu par ses collègues, élèves.
Il est regrettable que ses pairs, sans doute ébranlés par ces terroristes, ne lui aient pas ouvertement apporté leur solidarité et soutien. Nous clamons tout haut les nôtres. Qu’il nous soit permis de remercier les professeurs Amsatou Sidibé, l’avocat maître Bocar Arfang Ndao, le journaliste Assane Samb pour leur générosité de cœur et d’esprit, pour leur courage surtout. Croyez-en leurs contributions, parues dans les journaux, une belle symbiose, terreau fertile de la doctrine et de la jurisprudence, source et avenir du Droit, ont bien contribué à éclairer l’opinion. Elles ont aussi atténué la flamme très incandescente de l’ardeur de notre indignation face à la consternation d’autres, qui ont vite crié à l’outrage fait à la Femme.
Nous ne saurions ne pas encourager assez ceux, celles qui s’agitent aujourd’hui sur cette pseudo affaire d’apologie du viol de ne pas s’arrêter en si bon chemin. Car en fait de viol, vous en conviendrez bien avec nous, c’est la matière qui manque le moins. Ces indignés avaient-ils eu connaissance d’une dramatique affaire de tentative de viol, ici à Dakar, qui avait défrayé la chronique, il y a juste un an et demi, commise sur une jeune dame ? Le caractère aggravant de cet acte abject dans ce cas précis provient moins du fait du statut de la victime, mariée et mère de deux enfants, que celui de son auteur convaincu : un ministre conseiller de la République, s’il vous plaît. La victime traîne toujours ce boulet invisible au plus profond de sa chair meurtrie, cette souillure, les séquelles physiques et morales, les souvenirs de cette sauvage et bestiale agression sexuelle, un film permanent qui se joue toujours devant elle sans son bon vouloir. Cette proie humaine qui a échappé de justesse aux griffes de ce fauve, drapé le jour du manteau angélique du philanthrope, grand Ambassadeur de la Paix, défenseur de la veuve et des orphelins, ne cesse de rendre grâce à Allah le Tout Puissant.
Le récit des faits par la pauvre rescapée, entrecoupé de sanglots difficilement étouffés, a eu bien raison de notre sensibilité humaine, de notre orgueil d’homme, de contenir notre émotion de cette scène, digne des séries de films noirs des «sérial killer». La description de ces faits d’horreur par la dame en question, qui a bien failli y laisser sa vie de suffocation, par suite de strangulation ou de fractures des vertèbres provoquées par l’étau de ses puissantes pattes, pardon mains de ce prédateur, nous donne encore des frissons. Sa persistance à demander justice, sa détermination ont bien fini de nous convaincre. Le temps n’a pu lui faire oublier les souvenirs douloureux des sévices de son violeur qui, après lui avoir donné de violentes gifles qui l’avaient projetée à terre et être monté sur son frêle corps, à moitié évanouie, tout haletant d’excitation, lui tint ces propos, malgré l’héroïque résistance de la victime : «Vas où tu voudras après, tu n’auras jamais raison sur moi. Tu n’oseras pas le dire, car personne ne te croira.» «Tu ne pourras rien contre moi».
Le comble a été sa réponse lorsque la pauvre qui avait jeûné (on était au mois de Ramadan) avait demandé au «Cheikh» s’il n’avait pas jeûné : «Non, je suis un Baye Fall». Cette dernière n’a dû son salut qu’au pantalon qu’elle portait, bien qu’il ait ouvert la fermeture, et le téléphone qui a sonné de manière inattendue, qui l’a surpris. Sa volonté de résister, malgré tout ce qu’elle a enduré, devrait susciter l’admiration, le respect par son courage, le soutien de tous et encourager d’autres qui ont été dans son cas de le dénoncer publiquement sans honte. Déjà, deux personnes nous ont contactés et sont bien prêtes à témoigner, ayant été aussi victimes de ce monstre.
Après la transmission du dossier par le procureur à la police pour enquête, elle poursuit toujours son action en justice, jointe à celle dirigée contre son ex-époux, désormais ami de son bourreau. Ce dernier est parti avec ses enfants, malgré la décision du juge qui avait tranché en faveur de cette dernière pour la garde des enfants, à elle confiée et la pension qu’il refuse toujours de payer, malgré le réquisitoire du procureur qui aurait saisi la brigade de Thiong depuis plus d’un an. A ce jour, la pauvre ne sait dans quel endroit ses enfants séquestrés se trouvent. La dame court toujours, malgré les instructions du parquet qui avait, depuis fort longtemps, instruit la police de poursuivre cette affaire. Y aurait-il des mains invisibles pour mettre le coude sur cette ignoble affaire, comme le lui avait prédit son bourreau ? Nous n’osons y penser sous le magistère du président Macky Sall.
L’occasion n’est-elle pas enfin offerte à ces chevaliers, ces preux, membres d’associations de défense des femmes victimes de violence, de viols faits aux femmes, d’utiliser leur détermination à bon escient, en épargnant de grâce ce professeur, leur coupable désigné, pour apporter leur soutien à cette dame ?
Pour ce qui nous concerne, nous avons réactivé ce dossier. Nous avons bien pris d’autres avocats, saisi les institutions internationales, parlementaires comme le Réseau mondial des parlementaires libéraux (Aldepac), le Réseau des femmes parlementaires du Sénégal, nos collègues du Parlement de la Cedeao, ceux du Parlement Pan Africain, de la Francophonie, de l’Union européenne et ceux du Congrès américain, associations internationales, mouvements de défenses des femmes victimes de violence, de viol. Nous venons de leur envoyer toutes les preuves, images photos, vidéo de la dame portant les traces de l’acte abject (le visage, le corps tuméfiés, les cicatrices aux mains qui avaient circulé juste après les faits dans la toile de plusieurs réseaux de l’Internet, l’identité du ministre conseiller, mis en cause et son signalement).
Ne soyez pas surpris le jour où, dans un aéroport à l’étranger lors d’un débarquement, transit dans des pays où ce dossier a été transmis et qui y est bien suivi, que le maniaque soit accueilli, menottes aux mains comme ce fut le cas de cet ancien grand fonctionnaire du Fmi, qui serait une pâle copie, comparé à ce psychopathe qui aura bien le choix de faire une option entre un emprisonnement à une longue peine ou la castration chimique, avec port de bracelet, électronique sonore au pied, en bon prédateur de chair féminine qui se respecte, un tableau accroché sur son dos, en cas de libération conditionnelle avec cet écriteau suivant à titre de prévention à l’intention de potentielles victimes sans défense, enfants, vieilles personnes : «ATTENTION SUJET DANGEUREUX POUR CAUSE D’ANTECEDENTS JUDICIAIRES DE VIOLEUR. PRUDENCE ET VIGILANCE»
Il en est aussi des traces des sévices par strangulation que cette dame a connus des mains de ce monstre au col blanc, marié mais insatiable, ainsi que toutes les autres pièces à conviction, notamment le certificat médical, les vêtements tâchés de sang et de liquide séminal du mis en cause, objet de prélèvements et d’examen d’Adn envoyés dans des laboratoires spécialisés en France. Face au désarroi de cette mère de famille, à jamais traumatisée, séparée de ses enfants contre leur gré, malgré la décision du tribunal ayant tranché en sa faveur, l’émoi, la compassion sont aujourd’hui la chose la mieux partagée chez toute personne dotée d’humanisme. A l’exception de la mère de la malheureuse victime qui, non contente d’avoir jeté sa fille aux griffes de ce prédateur, de lui avoir opposé un démenti public à travers la presse au bénéfice du coupable, s’est aujourd’hui reconvertie en recruteuse attitrée de militants de ce dernier.
A la décharge du violeur, ce dernier a eu au moins reconnu, au cours d’une émission télévisée, juste après la commission des faits, sous la pression des questions, remarques pertinentes du journaliste très chevronné sur les faits ci décrits et décriés, avoir bousculé violemment la dame, avant de présenter des excuses publiques à cette dernière. Ce qui règle déjà le délit de coups et blessures volontaires, en attendant celui du viol, puni au même titre que la tentative, sinon plus au regard des circonstances aggravantes. Nous demeurons convaincus que force restera à la loi qui s’appliquera avec toute sa rigueur à ce funeste ministre conseiller de Monsieur le Président de la République, dans une nouvelle juridiction spéciale, la Cour de répression d’enrichissement illicite sexuel (Creis), à ne pas confondre avec la Crei.
Maître Djibril WAR
Député